L'éditorial d'Adama Koné/Petite monnaie : ça manque toujours

Des jetons. (Ph: Dr)
Des jetons. (Ph: Dr)
Des jetons. (Ph: Dr)

L'éditorial d'Adama Koné/Petite monnaie : ça manque toujours

Le 23/09/24 à 10:08
modifié 26/09/24 à 09:14
Ce que vaut la petite monnaie : ça manque toujours. "Monsieur, le total fait 3 825 francs, avez-vous 25 F Cfa ou je vous rajoute un bonbon pour arrondir à 4 000 F Cfa!". Cette phrase est un générique.

Seuls les chiffres changent selon le montant des achats, mais la substance reste la même. Et tout le monde l'a déjà entendu. Et vous l'avez perçu, la petite monnaie reste toujours un problème en Côte d'Ivoire. Sans le savoir, ce problème participe aussi de la cherté de la vie.

En Côte d’Ivoire, dans les rues comme dans les grandes surfaces, le consommateur ne paie pas le juste prix. Pour une baguette de pain de 150 FCfa, il faut avoir au plus 200 FCfa. Avec une pièce ou un billet de 500 FCfa, la vendeuse vous oblige à prendre deux baguettes de pain, alors que vous n’en avez pas besoin.

A la descente d’un minibus de transport en commun, « gbaka », les apprentis ont créé le phénomène « d’association ». Il consiste à regrouper la monnaie à rendre à deux, trois ou quatre personnes. Créant une ambiance souvent électrique entre « balanceurs » et clients aux différents arrêts. Dans les supermarchés, c’est le comble. La mauvaise foi est manifeste. Il n’y a jamais de petite monnaie.

Quand vous y arrivez le soir, après le boulot, la caissière vous rétorque que les jetons ont servi depuis le matin. Par conséquent, plus de monnaie. Quand vous arrivez le matin, elle vous dit qu’elle ne peut pas donner toute « sa réserve », car ce dont elle dispose doit servir pour toute la journée. Alors que l’adage dit que les premiers doivent être les mieux servis. Soit, vous prenez un produit dont vous n’avez pas besoin, soit vous laissez les 35, 60 ou 150 F Cfa.

En période de fête, une caissière d’un grand magasin confiait rentrer à la maison avec près de 200 000 F Cfa par jour. Représentant des pourboires et monnaies abandonnées par les clients.

Dans l’espace Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), le problème ne se pose pas. A Lomé ou à Ouagadougou, vous pouvez faire un achat de 200 FCfa et tendre un billet de 1000 FCfa, sans problème. A Dakar comme à Cotonou ou Niamey, aucun problème avec le retour de sa pièce ou de son billet. La triste réalité est qu’il s’est installée une sorte de mafia en Côte d’Ivoire. La monnaie est vendue.

La collecte se fait par les petites vendeuses ambulantes, les caissières de supermarché et même des chauffeurs de bus. A la fin de la journée, des démarcheurs sillonnent des endroits précis pour collecter cette monnaie qui est revendue dans le commerce avec une marge de 10%.

Aujourd’hui, l’absence de monnaie est devenue presque banale. Pourtant, le phénomène grève fortement les budgets familiaux. Faites un petit calcul de ce que vous laissez pendant un mois aux caisses. Rapportez cela à l’année et vous verrez qu’il y a de quoi acheter des effets scolaires.

Il y a forcément quelque chose à faire. La situation n’a pas toujours été ainsi. Elle dure depuis plus d’une dizaine d’années. Il faut casser la chaîne. L’État doit, en premier, durcir le ton en dénonçant le problème de rétention volontaire de pièces et petits billets à des fins commerciales.

Des décisions sur les sanctions liées à la pratique de la vente de l’argent, (activité interdite dans le cas précis), seront les bienvenues. Surtout, si elles sont facilement applicables. Deuxièmement, il faut arriver à une véritable « révolte » des consommateurs. Ces derniers doivent exiger qu’on leur rende la monnaie.

Pour ce faire, il faut de la patience et beaucoup de détermination. Il arrive qu’à un guichet, le client constate visiblement que la caisse dispose de monnaie. Mais son interlocuteur le regarde dans les yeux pour soutenir le contraire. Eh bien, si dans des cas pareils, chaque consommateur prend le temps d’exiger d’être satisfait, même s’il doit se plaindre chez le patron, cela pourrait réduire l’ardeur des commerçants de mauvaise foi.

En troisième lieu, la multiplication des portemonnaies électroniques est à encourager. De fait, certains magasins donnent à leur clientèle des cartes faisant office d’avoir. Lorsque la maison vous doit de la monnaie, le montant est enregistré sur la carte et au cours d’une course ultérieure, le solde de cette carte sera utilisé comme régulateur.

Seulement que ces solutions ne sont valables que pour la structure concernée. Il faut donc accentuer en dernier ressort, non pas seulement la bancarisation, mais la financiarisation de la population.

Les solutions de paiement par téléphone sont à densifier. Encore qu’il faut que les sociétés règlent les problèmes courants de connexion et vulgarisent auprès des petits vendeurs les terminaux de paiement.


Le 23/09/24 à 10:08
modifié 26/09/24 à 09:14