Impact économique de la rage/Dr Kallo Vessaly (vétérinaire): "La Côte d’Ivoire perd 20 milliards de FCfa par an"

Dr Kallo Vessaly, directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et halieutiques. (Ph: Dr)
Dr Kallo Vessaly, directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et halieutiques. (Ph: Dr)
Dr Kallo Vessaly, directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et halieutiques. (Ph: Dr)

Impact économique de la rage/Dr Kallo Vessaly (vétérinaire): "La Côte d’Ivoire perd 20 milliards de FCfa par an"

Le 23/10/24 à 16:03
modifié 23/10/24 à 16:21
Dans cet entretien, le directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et halieutiques évoque l'impact sanitaire et économique de la rage sur la Côte d'Ivoire et dévoile les mesures de prévention.
Docteur, des chiens enragés et errants mordent des gens, notamment des enfants. Quelle est l’ampleur du problème concernant cette couche fragile de la population ?

Selon les chiffres officiels des victimes de la rage, fin août 2024, 35 personnes en sont décédées. En 2023, nous avons enregistré 42 décès dus à cette maladie. Sur une moyenne annuelle d’environ 40 personnes, ces deux dernières années, 50 % sont des enfants de moins de 15 ans. Ils sont donc les plus grandes victimes de la rage. Transmise à l’homme par morsure d’animaux tant domestiques que sauvages, la rage, maladie contagieuse et mortelle, fait des ravages au sein de la population. Les enfants n’en sont pas épargnés.

Pourquoi les enfants sont-ils plus vulnérables que les adultes ?

Les enfants meurent par ignorance de la rage et surtout à cause de leur amour pour les chiens dont ils s’occupent et avec lesquels ils sont tout le temps en contact. Quand nous organisons des campagnes de vaccination à grande échelle, les enfants constituent les plus gros convoyeurs de chiens. Il y a aussi de nombreuses femmes. Les enfants sont les plus vulnérables à la rage, car ils ne savent pas qu’une morsure ou une griffure d’un chien peut être dangereuse pour eux. Une fois mordu, l’enfant, par peur d’être frappé par les parents, ne le leur signale pas. Il est donc obligé de cacher la plaie jusqu’à apparition de la maladie plus tard. Cette pathologie peut atteindre les zones les plus sensibles surtout la tête.

Quelles sont, sur le plan économique, les conséquences de cette pathologie ?

Selon deux études (l’une de l’Alliance mondiale de lutte contre la rage et l’autre faite par plusieurs chercheurs ivoiriens), l’impact sanitaire de la maladie est élevé. La rage, ce sont, en moyenne, 500 personnes qui meurent chaque année et environ 50 % d’enfants. Ces études établissent que sur près de 48 000 personnes mordues par les chiens, 500 en meurent, dont 50 % d’enfants. Malheureusement, sur ces 48 000 personnes, l’Institut national d’hygiène publique n’enregistre que 14 000 ; ce qui signifie que plus de 30 000 personnes ne se rendent pas à l’hôpital, lorsqu’elles sont mordues par un chien. Du point de vue économique, les mêmes études démontrent que la rage fait perdre près de 40 millions de dollars, soit 20 milliards de F Cfa au pays par an. Et pourtant, le plan intégré de lutte contre la rage a démontré que si nous investissons 2 milliards de F Cfa par an sur 12 ans, notre pays parviendra à éradiquer cette maladie, à sauver 500 personnes et réalisera près de 20 milliards de F Cfa d’économie par an.

Quelle est la conduite à tenir en cas de morsure de chien ?

Lorsqu’une personne est mordue par un chien, elle doit se rendre aussitôt à l’hôpital. Le chien qui a mordu doit aussi être conduit aux services vétérinaires, afin d’être placé sous surveillance pendant 15 jours. Si au bout de 7 jours, ce chien est encore vivant, on suspend le traitement, car cela voudrait dire que ce molosse n’a pas la rage et que par conséquent, sa morsure n’est pas contagieuse, donc sans risque et on libère la victime.

Les propriétaires comprennent-ils la nécessité de faire vacciner leurs chiens ?

Il s’agit, à travers des campagnes d’information, de les amener à comprendre le bien-fondé des vaccinations. Il suffit de montrer un seul cas avéré de rage pour qu’une personne change immédiatement de perception. Il peut, certes, arriver que la personne s’isole et meurt. Cependant, dans 80 % des cas de rage, la victime est très furieuse et agressive. Elle craint l’eau et la lumière. Plus grave, elle réagit souvent comme un chien et aboie. Les enfants et les grandes personnes sont sujets aux mêmes comportements. Je profite de l’occasion pour souligner qu’il y a déjà de l’engouement pour les campagnes de vaccination. La preuve, de nombreuses personnes viennent faire vacciner leurs animaux (chiens, chats, singes, etc.). Cette année, près de 8 000 chiens ont été vaccinés à Bouna.

Le vaccin est-il accessible à tous ?

L’Institut national d’hygiène publique (Inhp) a ramené le coût du vaccin de 32 000 à 8 000 F Cfa et augmenté ses capacités. Malgré cela, des personnes ont encore du mal à se rendre à l’hôpital pour cause d’éloignement. Il faut donc faire en sorte de rapprocher les populations des structures médicales, notamment vétérinaires.

Quel est le taux de couverture vaccinale sur le plan national ?

Actuellement, nous sommes à un taux de couverture vaccinale de 12 % pour les chiens et nous nous évertuons à éliminer la rage, en atteignant 70 % de la population. Pour ce faire, nous voulons vacciner un million de chiens. Raison pourquoi le ministère est engagé à accentuer la lutte avec l’appui des bailleurs de fonds.

Quelles dispositions la Côte d’Ivoire a-t-elle prises pour gagner ce pari ?

Nous sommes en train de développer un système à cet effet. Cela a commencé à Bouaké et à San Pedro. À travers ce système, le médecin-vétérinaire traitant aura déjà des informations lui permettant de surveiller le stock, de sorte à pouvoir signaler à temps au ministère en charge de la Santé, avant la rupture. Ceci, afin d’éviter une rupture totale de stock qui peut entraîner des pertes en vie humaine en cas d’urgence. La Côte d’Ivoire et le Mali enregistrent une avancée notable, car disposant d’une technologie de pointe en la matière. Les deux pays travaillent avec les mêmes partenaires pour révolutionner la lutte contre la rage

Interview réalisée par


Le 23/10/24 à 16:03
modifié 23/10/24 à 16:21