Valy Touré : « Le retour des conseils scolaires, une solution pour un climat apaisé dans les établissements »

Valy Touré
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Valy Touré : « Le retour des conseils scolaires, une solution pour un climat apaisé dans les établissements »

Le 23/10/24 à 19:17
modifié 23/10/24 à 19:32
Dans cet entretien, Valy Touré, ancien président national des Conseils scolaires de Côte d'Ivoire (1991-1993) et actuel leader de l'Union des Houphouetistes pour la République (UHR), revient sur les circonstances qui ont conduit à la création du Conseil national des élèves (CONESTPCI). Face à l'insécurité instaurée par la FESCI dans les années 90, il explique comment les Conseils scolaires, avec le soutien du ministre de l'Éducation nationale de l'époque, Vamoussa Bamba, ont réussi à instaurer la paix et à représenter les élèves. Il plaide aujourd'hui pour un retour au modèle du Conseil scolaire, aussi bien dans les établissements secondaires que dans les universités, en tant qu'alternative pacifique aux mouvements estudiantins, souvent sources de tensions.
M. Valy Touré, bonjour. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont motivé la création du Conseil scolaire à l’époque où vous l’avez mis en place sous le ministre de l'Éducation nationale, M. Bamba Vamoussa, et comment il fonctionnait ?

Avant tout, permettez-moi de me présenter : je suis Valy Touré, ancien Président national des Conseils scolaires de 1991 à 1993. Depuis 2011, je suis le Président de l’Union des Houphouetistes pour la République (UHR).

Après la dissolution du MEECI (Mouvement des Élèves et Étudiants de Côte d'Ivoire), qui était le regroupement de tous les élèves et étudiants sous le régime du parti unique PDCI-RDA, la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire) a été créée pour remplacer le MEECI. Cependant, au lieu d’accepter la compétition avec les autres syndicats, la FESCI a choisi de s’imposer par la violence, créant ainsi un climat d'insécurité et de perturbation générale dans le système éducatif et universitaire.

Face à cette situation, avec des amis, nous avons décidé de former des comités d’autodéfense dans les établissements secondaires d’Abidjan pour assurer la paix. Grâce au succès de cette initiative et avec le soutien du ministre de l’Éducation nationale, M. Bamba Vamoussa (que Dieu l’accueille en son paradis), nous avons transformé ces comités en conseils scolaires dans tous les établissements du pays. Les conseils scolaires étaient composés des chefs et sous-chefs de classe et représentaient les élèves auprès de l’administration scolaire.

Nous avons ensuite créé des délégations régionales dans les 10 grandes régions de l’époque, pour faire le lien entre les conseils scolaires et le gouvernement. En février 1991, lors d’un congrès au lycée des jeunes filles de Bouaké, en présence du ministre de l’Éducation nationale, nous avons mis en place le Conseil National des Élèves de l’Enseignement Général, Technique et Professionnel de Côte d'Ivoire (CONESTPCI). Cette structure était composée d’un conseil d’administration, d’un conseil de gestion et d’un commissariat aux comptes. Elle servait de porte-parole des élèves auprès du gouvernement.

Sous mon mandat en tant que premier Président du CONESTPCI, nous avons obtenu des avancées significatives, telles que la clôture des établissements scolaires pour renforcer la sécurité, l’harmonisation des coefficients des matières spécifiques au BAC, et l’organisation des fêtes de fin d’année régionales. Nous avons également mobilisé les élèves pour participer aux obsèques du ministre Bamba Vamoussa en juin 1993 et à celles du Président Houphouët-Boigny en 1994. Cependant, en 1994, le ministre Pierre Kipré a suspendu le fonctionnement du CONESTPCI pour des raisons budgétaires, mettant fin à cette organisation.

Selon vous, quelles sont les raisons qui ont conduit l'État à suspendre les mouvements estudiantins, et quel impact cela a-t-il sur les droits et les libertés des étudiants ?

La principale raison de la dissolution des syndicats d’étudiants est la déviation de leur mission initiale, qui devait être la représentation des élèves et l’animation de la vie universitaire. Au lieu de cela, certains syndicats se sont engagés dans des activités illégales et politiciennes, entraînant une insécurité galopante sur les campus. En revanche, les conseils scolaires n'ont jamais été mêlés à des scandales ou à des activités politiciennes. Ils ont toujours promu la paix et la réussite scolaire, sans bruit ni violence.

Quels seraient, selon vous, les avantages d’un retour au modèle du Conseil scolaire pour la représentation et la prise de décision des élèves et des étudiants ?

Le modèle des conseils scolaires existe toujours, mais il manque aujourd'hui un interlocuteur national. Il est donc essentiel de rétablir le CONESTPCI. Pour les étudiants, il serait pertinent de mettre en place un modèle similaire dans les universités et grandes écoles, avec une autonomie dans leur fonctionnement pour un encadrement efficace.

Pensez-vous que le Conseil scolaire pourrait être un cadre plus efficace pour gérer les revendications des étudiants par rapport aux mouvements estudiantins traditionnels ?

Le statut d'étudiant n'est pas une carrière, il est donc inapproprié de parler de syndicats dans leur milieu. Les mouvements d’élèves et d’étudiants doivent faire des propositions pour améliorer leurs conditions de vie et d'études, et non s'engager dans la politique. Ils doivent être encadrés par l’administration tout en restant autonomes.

Plaidez-vous en faveur du retour du Conseil scolaire dans le contexte actuel de suspension des mouvements estudiantins ?

Les conseils scolaires ne sont pas concernés par la mesure du gouvernement. Ils sont une création gouvernementale bien encadrée et jouent un rôle important dans la représentation des élèves. Ce qui manque, c’est un interlocuteur national pour coordonner leurs actions à travers des formations et une meilleure communication.

Comment envisagez-vous une collaboration entre l'État, les établissements scolaires et le Conseil scolaire dans un contexte où les tensions entre autorités éducatives et étudiants sont toujours présentes ?

L'État est le maître du jeu. Il encadre les conseils scolaires, et tout fonctionne bien. Toutefois, sans le CONESTPCI, ce modèle reste une "symphonie inachevée".

Quels ajustements devraient, selon vous, être apportés au modèle du Conseil scolaire pour l’adapter aux réalités actuelles du système éducatif en Côte d'Ivoire ?

Il faut ajouter au modèle actuel des formations civiques pour mieux préparer les élèves à la vie universitaire et à la citoyenneté, notamment pendant les vacances scolaires.

Pensez-vous que la réintroduction du Conseil scolaire pourrait favoriser un dialogue constructif entre les étudiants et l’administration, et contribuer ainsi à la réconciliation dans le système éducatif ?

Plutôt que la réintroduction, il serait préférable d’introduire le modèle des conseils scolaires dans les universités. Cela assainirait l’environnement, améliorerait les relations entre étudiants et administration, et renforcerait la prise en compte de leurs propositions.

Est-ce cette expérience qui vous a incité à créer l’Union des Houphouetistes pour la République (UHR) ?

Oui, cette expérience a joué un rôle crucial dans la création de l'UHR en 2011. Elle nous a appris la valeur du dialogue, de la patience, et de la résilience, des qualités que nous inculquons à nos militants.

Une interview réalisée par Salif D. CHEICKNA



Le 23/10/24 à 19:17
modifié 23/10/24 à 19:32