Maltraitance : quand l’enfant paie le prix toute la vie

La violence sur les enfants au sein du huis clos familial. (Ph:DR)
La violence sur les enfants au sein du huis clos familial. (Ph:DR)
La violence sur les enfants au sein du huis clos familial. (Ph:DR)

Maltraitance : quand l’enfant paie le prix toute la vie

Le 27/10/24 à 07:43
modifié 27/10/24 à 08:01
Définit comme la maltraitance physique, sexuelle ou mentale, la violence familiale peut avoir des conséquences néfastes sur le développement physique, affectif et social au cours de l’enfance mais également plus tard dans la vie de l’être humain.

Michel Affi continue de ruminer sa colère contre ses voisins qui ont osé appelé la police parce qu’il a battu à sang son propre fils de 7ans.

En effet, cet instituteur de 40 ans, à passer deux jours de garde à vue au poste de police de son quartier dans la commune de Yopougon pour des actes de violence physique sur sa progéniture.


Pour lui, c’est une correction « méritée » qui fait partie de l’éduction qu’il entend donner à son gamin.

Michel Affi a été dénoncé à la police par ses voisins, qui sont excédés par les actes de violences que le mis en cause exerce de façon régulière sur sa petite famille.

« Si ce n’est pas ses enfants qui sont passés à tabac c’est sa compagne qui est agressée physiquement et verbalement. Toujours ce sont des éclats de voix dans cette famille. Nous avons plusieurs fois tentés d’intervenir. Mais, il prenait les gens à partie », témoigne, Mme Gonto, une voisine.

Avant de préciser pour ne pas être gêné dans sa besogne, il prend chaque fois soin de fermer hermétiquement le portail de son habitation lorsqu’il veut exercer des punitions corporelles sur ses enfants.


Elle explique que le dernier cas, qui a motivé les voisins à appeler la police, c’est que M. Affi a passé à tabac son fils tout simplement parce que le petit Affi a refusé de se battre avec un ami de jeu qui voulait coûte que coûte en découdre avec lui suite à un petit différend entre enfants.

Michel Affi explique à ses collègues qui sont venus prendre de ses nouvelles ce 15 janvier à Yopougon Toit-rouge après sa libération « qu’un garçon doit pouvoir relever tout défi physique face à un autre garçon du même âge ».

Bien que incompréhensible pour nombre de personne, une étude Socio-anthropologique de E. Durkheim, « L’éducation morale, Paris, Alcan, 1925 » explique très bien le comportement de M. Affi et ses motivations : « l’enfant fait l’apprentissage de ces normes de façon progressive, ceci dès son entrée dans le monde des adultes. En Côte d’Ivoire, l’enfant est prématurément en contact avec les adultes qui lui apprennent à hiérarchiser les priorités et à se responsabiliser... En outre, le contact prolongé avec les réalités quotidiennes permet à l’enfant de se comporter comme les autres membres du groupe. A ce propos, Durkheim relèvera que « lorsque l’enfant remarque que tout le monde autour de lui se comporte toujours de la même manière dans les mêmes circonstances, il considère qu’il est impossible de se comporter autrement ».

Autre lieu, autre décor, une grande résidence privée en zone 4, un quartier chic d’Abidjan. Une pièce de cet appartenant au Dr Gonto Eugène sert de cabinet de consultation. Il est Psychologue et exerce son métier dans un cabinet privé dans une banlieue difficile de Paris.

En séjour privé de 3 mois en Côte d’Ivoire, son pays natal il a accepté de suivre de façon volontaire des adolescents vivants dans des environnements de violence familles durant son séjour.


Ce jour là, il venait de consulter A. K, un adolescent de 16 ans et en classe de 5è dans un lycée de Koumassi.

L’oncle, M. Etienne Kouassi, un cadre dans l’administration publique ivoirienne qui a recueilli l’enfant après le décès de son frère l’année dernière ne comprend pas pourquoi l’enfant a toujours des difficultés scolaires. Il a du mal à assimiler les cours et suivre en classe. Alors qu’il a l’encadrement nécessaire. Il a même un répétiteur à la maison. Pire, le jeune homme est replié sur lui-même.

Il est toujours seul dans sa chambre. Il ne parle presque à personne et n’a pas d’ami.


Dr Gonto Eugène a diagnostiqué que l’environnement de violence familiale dans lequel l’enfant a été soumis pendant plusieurs années a eu impact négatif sur le jeune. « C’est donc cet environnement délétère qui a provoqué chez lui, une situation de replie sur lui-même. Il se reproche de ne pouvoir défendre sa mère qui a par la suite quitté son père ».

L’oncle Etienne Kouassi, ne dit pas autre chose lorsqu’il révèle : « Il ne se passait pas un jour que mon frère ne se bagarre pas avec sa femme. Il rentre tous les jours chez lui en état d’ébriété. Et c’est la bagarre dans le couple. Je suis toujours appelé à la rescousse », a-t-il souligné. Avant de préciser que son comportement violent fait qu’il n’arrivait pas à se stabiliser au niveau de foyer. Il était à son troisième mariage.


Ils sont nombreux les enfants qui vivent dans un environnement de violence familiale. Une récente étude du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) les femmes dont le mari a été victime de violences lorsqu'il était plus jeune, ou a été témoin de violences exercées contre sa mère, sont plus souvent maltraitées.

De nombreuses études montrent que les enfants issus de foyers violents avaient des comportements plus agressifs que les autres et risquaient trois plus de se battre.


« Notre père était très violent avec toute la famille y compris ma mère. Il ne tolérait aucun écart de comportement. Tout était prétexte à une punition corporelle. Exemple rentrer tard de l’école, ou bien avoir une mauvaise note à l’école etc. », explique Koné Lanciné, un patient du Dr Gonto.

Pour lui le comportement violent qu’il avait était normal, jusqu’à ce qu’il rencontre un psychologue. « Car, grâce à cette éducation de mon père que mes frères et moi avions pu nous caser aisément dans la vie. Sauf que j’ai un comportement agressif et j’ai des crises de colères que j’essaie de traiter ».


Pour Dr Sissoko Daniel, un sociologue ivoirien, la violence familiale renvoie le plus souvent à des relations très hiérarchisées où les frères peuvent l’exercer sur les sœurs, les aînés sur les cadets, et le père sur tous.

La violence sur les enfants au sein du huis clos familial est d’autant plus forte que ces derniers n’ont généralement pas le droit à la parole et sont entièrement soumis à l’autorité des aînés.


Cette analyse est aussi partagée par l’Expert des droits sur l’enfance, Rapporteur spécial du secrétaire général de l’Onu pour l’étude sur la violence contre les enfants, Pr. Paulo Sergio Pinheiro.

Il explique qu’en Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, au niveau de la structure familiale, les enfants se situent dans des relations affectives différentes en fonction de leur sexe, leur place dans la fratrie, leur âge et leur statut. « Cela peut les placer dans une situation de violence différente. Ils sont généralement plus vulnérables à la violence lorsqu’ils sont confiés, ou conçus hors mariage, issus de mariages inter-ethniques ou polygames, orphelins, etc. », indique t-il.

Selon l’eexpert indépendant de l’Onu, l'éducation des enfants africains se passe souvent dans un cadre qualifié de "parenté de crainte".

Les enfants ne partagent pas les mêmes espaces que les adultes, ils ne peuvent pas contester les propos des adultes ou refuser leurs ordres et encore moins les regarder en face.


Les conséquences de la violence familiale

Selon, le Professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de l’université d’Abidjan, Pr Amani N’goran, les enfants plus jeunes sont plus menacés par l'impact négatif que les plus âgés à l’exposition aux violences familiales. Selon lui, c’est l’étape décisive dans le processus de croissance chez l’enfant. Il s’agit du développement mental et émotionnel.

« Alors qu'ils grandissent, les enfants qui sont exposés à la violence domestique continuent à faire face à toute une série de menaces allant des difficultés scolaires à celles concernant leurs aptitudes à la vie sociale, en passant par la dépression, l'anxiété et d'autres problèmes psychologiques », renchérie un expert de l’unicef.

Face aux violences familiales nombre de foyer se disloquent. « J’aimais très forment mon mari. Mais je ne pouvais plus supporter ses agressions physiques. Mais parents et amis m’ont conseillé de la quitter sinon allait finir par me tuer. J’ai donc abandonné mon foyer, un jour mon mari était en voyage », commente Ami Ouattara.

Certains enfants des rues d’Abidjan sont le résultat des violences familiales. En effet, selon les experts, lorsque l’enfant refuse l’autorité de la famille qui se manifeste par une pression communautaire et la violence du chef de famille. Il est à une sanction. Les « rebelles » étant exclus du groupe ils se retrouvent dans la rue.

« Mon père m’a envoyé à ses frères au village pour dit-il, bien m’éduquer parce que j’étais turbulent et je ne respectais rien. Je faisais l’objet de sévices corporels lorsque j’enfreignais les règles de la coutume. Je n’en pouvais plus. C’est pour quoi je me suis enfuis pour retrouver dans la rue et vivre de façon indépendante », révèle, A. Thomas, un adolescent de 15 ans qui sillonnent chaque jour plusieurs quartiers d’Abidjan avec sa bande d’amis.

Comment apporter des solutions à cette situation de violence familiale ?

Comme nombre de pays Africains, la Côte d’Ivoire n’a pas une véritable politique de lutte contre la violence familiale. En réalité, le phénomène est très mal connu.

Il faut se tourner du côté des organisations internationales telles que l’Unicef pour avoir des propositions de solutions.

En effet, selon un récent rapport de l’Unicef. L’institution insiste pour que les gouvernements Africains dont celui de la Côte d’Ivoire et les sociétés accordent davantage d'attention aux besoins spécifiques des enfants qui vivent dans des ménages affectés par la violence domestique. « Mettre en place des politiques et lois qui protègent les enfants. Les gouvernements doivent promulguer et appliquer une législation qui érige en crime les actes de violence familiale et protège toutes les victimes », insiste le rapport de l’Unicef.

Ainsi elle préconise un développement des campagnes de sensibilisation et des politiques publiques et des lois de protection des enfants. Il faut aussi une amélioration des services sociaux en charge de ces problèmes.

Selon les experts les interventions visant à soutenir les enfants exposés à la violence familiale contribuent à minimiser les risques qu'ils courent à long terme.

Quant à la directrice générale de l'Unicef, Ann M. Veneman, « La violence familiale peut avoir des conséquences négatives durables sur les enfants. C’est pourquoi il faut que les enfants puissent grandir dans un environnement stable, sûr et à l'abri de la violence ».

L’environnement de violence familiale dans lequel vivent les enfants fait ressortir aussi une autre situation de non respect des droits de l’homme. En fait, les femmes sont en grande partie elles, aussi victimes de la violence familiale.



Le 27/10/24 à 07:43
modifié 27/10/24 à 08:01