De la Cei, du Conseil constitutionnel et des élections

Le 03/12/19 à 10:57
modifié 03/12/19 à 11:37

De la Cei, du Conseil constitutionnel et des élections

Et M. Guikahué en déduit que le pouvoir actuel «prend des dispositions pour une fraude massive et ils sont en plein dans la tricherie.» (Le Nouveau Réveil du samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre 2019.)

Qui faudrait-il donc pour diriger une instance telle que la Cei ou le Conseil constitutionnel qui sont chargés d’organiser les élections ou d’en valider les résultats, sans être accusés d’organiser des fraudes? Faudrait-il quelqu’un qui n’a travaillé avec personne, qui ne connaît personne dans ce pays?

Faudrait-il donc rappeler à M. Guikahué que le président du Conseil constitutionnel que nomma Henri Konan Bédié, le président de son parti, s’appelait Noël Nemin et était auparavant son directeur de cabinet ?

Faut-il lui rappeler aussi que Laurent Gbagbo, son nouvel allié, ne cachait à personne ses liens d’amitié avec le tristement célèbre Paul Yao N’Dré qu’il appelait affectueusement Pablo, qui était un membre très influent de son parti, et qui fut son ministre de l’Intérieur?

Rappelons-lui alors ce qu’a dit Robert Badinter, le 4 mars 1986, le jour où il prêtait serment en qualité de président du Conseil constitutionnel français: «M. François Mitterrand, mon ami, merci de me nommer à la tête du Conseil constitutionnel. Mais sachez que dès cet instant, envers vous, j’ai un devoir d’ingratitude.»

Personne n’ignorait effectivement les liens d’amitié qui unissaient François Mitterrand et Robert Badinter. Et personne ne trouva à redire lorsque le premier nomma le second président du Conseil constitutionnel. Parce que ce qui comptait, c’était l’intégrité morale de celui qui occupait cette fonction de gardien de la Constitution du pays et l’idée qu’il se faisait lui-même de sa fonction. C’est ce que les Ivoiriens avaient attendu de Noël Nemin. Ils n’ont pas eu de raison d’être déçus.

Par contre, avec Paul Yao N’Dré alias Pablo, le partisan prit le dessus sur le juriste et gardien de notre texte sacré. Et cela conduisit notre pays à la quasi guerre civile.

M. Guikahué dont les meilleurs amis en ce moment sont au Front populaire ivoirien (Fpi), parti de Laurent Gbagbo et Yao N’Dré, ne peut évidemment s’accommoder que d’un président de la Cei nommé avec l’accord soit de son parti, soit du Fpi, le nouvel allié de son parti. La grande question est de savoir pourquoi sur ce continent, les opposants veulent toujours que les choses se passent selon leur volonté, et non celle de celui qui a la majorité et gouverne.

Le Pdci a boycotté les discussions sur la composition de la Cei en espérant arriver à une situation de blocage. Cela n’a pas été le cas. Aujourd’hui, le Pdci qui veut voir son champion concourir en 2020 commence à comprendre que la politique de la chaise vide n’a jamais payé.

Lorsqu’on est candidat, le minimum est d’être présent dans les instances chargées d’organiser et de valider les résultats de l’élection. Le Pdci qui commence à se mordre les doigts pense sans doute que la meilleure façon pour lui de rentrer dans le jeu est de contester le président de la structure au nom d’un curieux «délit d’initié». Mais tout cela est politique.

A notre avis, le vrai débat au sein du Pdci devrait être de savoir s’il est vraiment sage pour ce parti, dont on dit qu’il ne manque pas de cadres de grande qualité, de présenter un candidat qui aura 86 ans, dans ce pays où la large majorité de la population a moins de 30 ans, un homme qui a quitté le pouvoir il y a vingt ans, non pas de son propre chef, mais à la suite d’un coup d’État.

Rappelons que ce 24 décembre 1999, ceux qui ont pris le pouvoir, qui avaient auparavant discuté avec le président Bédié, n’ont pas cherché à l’arrêter, mais sont partis en le laissant libre de ses mouvements. Ils sont donc partis et ont annoncé plus tard qu’ils avaient démis M. Bédié de ses fonctions.

Et ce dernier a choisi d’aller se réfugier à l’ambassade de France. C’est de là-bas, lorsqu’il fut bien en sécurité, qu’il avait choisi d’appeler ses partisans à descendre pour le défendre. Ce que personne ne fit. Mais tout cela fait partie de l’histoire ancienne. Et, n’en déplaise aux caciques du Pdci, on n’écrit jamais le futur des peuples avec de la vieille encre.

Et un désir de revanche ou de faire rendre gorge à ceux que l’on considère comme des ingrats parce qu’ils ont refusé de faire la courte échelle ne peut être un programme de gouvernement. Mais tout cela est politique. Chacun fait ses calculs en se basant justement sur l’âge du capitaine et sur sa succession.

Nous y reviendrons.