Cynthia Nassardine : « Mon but n’est pas d’être la plus célèbre mais de gagner du respect par mon travail »
Cynthia Nassardine est une étoile montante du cinéma et de l’audiovisuel en Côte d’Ivoire. Sa renommée a franchi les frontières ivoiriennes comme en témoigne les distinctions et les rôles glanés çà et là. Rencontre avec une entrepreneure qui force respect et considération.
Sans l’avoir rencontré un confrère spécialiste du cinéma et président du Festival Ciné Droit écrit : « Cynthia Nassardine joue simple et juste, sans chercher à en faire trop ». Le 24 novembre 2019, à Abuja au Nigéria, Cynthia Nassardine remporte le « Prix de la meilleure performance féminine dans une série de télévision francophone » au Zaffaa Awards 2019, à Abuja.
Comment est-ce que vous êtes arrivé dans le milieu du cinéma et de l’audiovisuel ?
Je nourris depuis l’enfance une grande passion pour l’art de façon générale. L’art me permettait de toujours bien m’exprimer. Il faut dire que j’ai toujours eu de bonnes notes en art à l’école.
Voulez-vous dire que vous aviez des prédispositions ?
J’avais des prédispositions. J’aime la danse, la musique la peinture. Je suis arrivée au cinéma parce que je trouvais que c’était la forme d’art la plus appropriée pour pouvoir exprimer les émotions. Et cela, vue que je suis une fanatique de littérature. Je lisais beaucoup de pièces de théâtre à l’école que nous reproduisons par la suite. C’est ainsi que j’ai commencé à nourrir cette passion pour le théâtre qui est, en fait, la base du cinéma.
Quelle est votre formation de base ?
Je suis financière à la base. J’ai un master en management, un bachelor en business administration, un master en finance et un Mba en management et finance. A la suite de l’étude traditionnelle, je suis entrée à l’école américaine des arts dramatiques de New-York où j’ai suivi une formation acting, c’est-à-dire en technique d’audition. C’était en 2014. En 2016, j’ai fait une formation avec Luc Besson pendant un stage à l’école de la cité. C’est là-bas que j’ai eu mes premiers cours de techniques de réalisation. Voilà, ce qui m’a poussé à me perfectionner.
Est-ce vrai que la formation en art aux Etats-Unis d’Amérique est élitiste ?
Cette formation est élitiste puisqu’il y a des tests à passer. Je pense que lorsqu’on est déterminé à atteindre ses objectifs, on se donne les moyens. C’est juste des petits tests relatifs à la culture générale et aux prédispositions.
Qu’en est-il du coût de cette formation ?
Je ne vais pas vous mentir, la formation en art aux Etats-Unis d’Amérique revient très chère. J’ai fait beaucoup de sacrifice personnel, en termes de finance, pour m’inscrire à ces cours. La ville même de New-York est chère. Ma mère peut témoigner. De fois, je l’appelais pour lui dire que la vie est excessivement chère à New-York. Elle réagissait pour me dire de tenir bon et que j’y étais pour un objectif. Il faut finir ta formation. C’est ce que tu as choisi de faire, me disait-elle. Pour cette formation, je dis merci à mes parents pour le soutien qu’ils m’ont accordé. Pour une personne qui n’a pas les moyens, la formation en art aux Etats-Unis n’est pas donnée.
Est-ce que vos premiers pas dans le cinéma ont été faciles ?
Facile ? C’est relatif. J’ai été présentée aux sœurs Amon pour mon premier rôle (Ndlr : Chroniques africaines des sœurs Amon- meilleure série du Fespaco 2015). C’est à la suite d’un casting qu’on a déterminé que j’étais apte à jouer le rôle principal de la série. Il fallait faire ses preuves. Au Ghana, c’était pareil. Il fallait faire des castings. Un bon acteur ne doit pas attendre d’être présenté à un réalisateur par amitié. L’acteur doit être prêt à faire un casting et imprégner le personnage dont il doit jouer le rôle. L’acteur doit se donner les moyens de réussir. Pour l’instant, je suis motivée à avoir les meilleurs rôles et je me donne les moyens pour être une actrice brillante.
Comment appréciez-vous le monde du cinéma en Afrique et surtout en Côte d’Ivoire ?
Nous sommes dans une évolution constante. Nous avons connu de grands réalisateurs en Côte d’Ivoire qui ont surtout marqué leur temps avec des films importants. Cependant, il y a longtemps qu’un film ivoirien n’a pas été récompensé à un festival international d’envergure. Nous avons eu beaucoup de retards dû à la crise sociopolitique que le pays a connu. Les choses commencent à redémarrer tout doucement. J’ai bon espoir que le cinéma africain voire ivoirien, parce que le monde a envie de connaitre nos histoires, va se relever.
Que faire pour que le cinéma ivoirien soit opérant sur le plan international ?
Pour faire de très bon film, il faut deux choses. Une formation adéquate des techniciens et des acteurs ainsi que du financement. Nous manquons de financement réel et de techniciens formés spécialement dans le domaine du cinéma. C’est l’occasion pour toutes les entreprises qui voudraient investir dans ce secteur de le faire. Le ministère de la Culture et de la Francophonie a fait un grand geste en instituant un Fonds de soutien à l’industrie cinématographique en Côte d’Ivoire (Fonsic). Ce qui a permis la réalisation de plusieurs projets audiovisuels et de films. Pour récapituler, nous avons besoin de formation à travers des écoles de cinéma et financement pour nos projets cinématographiques.
Est-ce que personnellement vous avez un projet dans ce sens ?
A moyen terme, je pourrais contribuer à la formation des jeunes qui voudront se lancer dans les carrières cinématographiques. Et cela, en tant que techniciens, producteurs ou acteurs. Mon objectif, c’est aussi d’aider des jeunes à faire ce qu’ils veulent. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont laissé faire ce que je voulais. Aujourd’hui, j’ai commencé à entreprendre. Et j’espère que ma petite notoriété me permettra d’être leur porte-parole et de pouvoir leur faire des ouverture sur le reste du monde. J’aimerais être la voix des jeunes qui ont des rêves et qui ont peur de les exprimer. Mon engagement c’est de motiver ceux qui n’ont pas la force d’assumer leur ambition et leur rêve.
Vous avez initié un projet-test où vous avez apporté un soutien à deux jeunes filles dans leurs activités ?
Pour revenir à ma formation comme je vous l’ai dit, j’ai deux passions, à savoir, la finance et le cinéma. Je pense que je suis assez outillée pour entreprendre ce que j’ai commencé avec ces deux jeunes filles. J’étais forum sur l'autonomisation des jeunes entrepreneurs africains, au Nigeria. C’est ce qui m’a vraiment inspiré. A la suite du panel auquel j’ai eu l’honneur de participer, j’ai été motivée par tout ce que les personnalités qui ont pris part à cette rencontre ont dit. Malgré le fait que je ne sois pas encore apte à avoir des cachets de millions de dollars, je me suis dit que je peux aider des personnes sérieuses avec ce que gagne aujourd’hui. Au lieu que je me fasse plaisir en faisant du shopping pour acheter des sacs. Ce qui n’est pas forcement nécessaire - juste pour poster des photos que des gens viendront liker - je préfère donner le prix de ce sac à deux filles pour entreprendre un business. Demain, elles pourront m’aider si leurs business prospèrent. On ne sait jamais. Elles peuvent investir dans mes films ou d’autres choses. Elles pourront être des partenaires économiques. C’est pour moi, une façon de mettre sur pied un système d’entraide sociale. Mais aussi de créer une sorte de fonds de garantie pour ces jeunes qui ont besoin d’argent mais qui n’ont pas de capitaux pour commencer leur projet. Voilà à peu près ce que j’ai décidé de faire.
Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ce sens ?
Je m’inspire un peu de partout. Mais je veux prendre l’exemple sur ce grand Monsieur qu’est le président Tony Elumelu (Ndlr : La Fondation Tony Elumelu est la principale organisation philanthropique africaine dédiée à l'autonomisation des jeunes entrepreneurs africains) qui le fait de façon magnanime. Et aussi avec une sérieuse volonté de pousser la jeunesse africaine vers l’excellence. La recherche de l’excellence est importante pour moi parce que dans tout ce qu’on entreprend, il faut chercher à être le meilleur. Pas le seul, ni le premier mais le meilleur. J’ai été inspiré par Billes Gates, en fait par toutes ces personnalités qui se distinguent ainsi. Je me dis que pour être excellent, on n’a pas besoin d’attendre d’être riche. On peut commencer à être excellent, même au plus bas de l’échelle.
On vous voit participer à des grands festivals comme le festival de Cannes. Comment vous faites et qu’est-ce que vous recherchez ?
Le festival de Cannes est l’un des plus grands festivals de film de cinéma au monde. C’est une rencontre annuelle très importante pour les professionnels du cinéma du monde. Il se tient sur une dizaine de jours. Pendant ces jours, il y a des masters class, des séminaires, des interviews publiques avec des stars. On y fait des rencontres très importantes. En y allant, je rencontre de nombreux professionnels de l’audiovisuel et du cinéma. Ce qui me permet d’avoir un carnet d’adresse assez fourni et de pouvoir faire la promotion de ce que je fais en parallèle de mon métier d’actrice. J’ai monté une société qui s’appelle Golden-Lioness production qui a pour ambition de produire des films. Pour l’instant, nous faisons de l’accompagnement en production, c’est-à-dire, on fait de la recherche et de la promotion de lieux de tournage en Afrique. Nous faisons de la promotion de talents, de techniciens. Nous avons un registre de techniciens que nous mettons à la disposition de sociétés de production qui veulent venir tourner en Côte d’Ivoire. Nous disposons également d’un important registre d’acteurs. Nous avons tout une base de données composées de professionnels locaux qui sont disposés à travailler sur des projets internationaux. Je ne vais pas à ce genre de festival parce que j’ai des films qui ont été sélectionnés mais pour faire de la recherche et travailler en off. C’est vrai que la majorité des personnes ne savent pas ce qui se passent en dehors du tapis rouge, mais il y a une grande machine derrière. C’est ce qui me permet aujourd’hui de connaître les tenants et les aboutissants de cette industrie. Aujourd’hui, je connais les étapes de toute la chaîne de valeurs du cinéma.
Quels sont vos modèles dans le cinéma ?
Meryl Streep parce que c’est une actrice qui a un registre de jeux complets. Elle est excellente dans tous les rôles qu’on lui donne. Elle a de la classe et de l’élégance et j’aime cela. C’est également une femme très intelligente qui fait beaucoup de chose en dehors du cinéma. J’aime aussi Oprah Winfrey. C’est un emblème pour les jeunes femmes noires. Elle représente la réussite sociale mais surtout l’effort du travail bien fait. Elle a le respect de tout le monde. J’aspire avoir ce respect. Mon but n’est pas d’être la plus célèbre mais de gagner du respect par mon travail.
Quelles est votre actualité ?
J’ai joué dans deux séries ivoiriennes qui vont être diffusées en début d’année (Ndlr : 2020). Il s’agit d’une série Novelas, la première ivoirienne qui sera vraiment palpitante. Je sais que les Ivoiriens vont l’aimer. Je suis en train de travailler aussi sur ma première production, en co-production avec le Nigéria. Il s’agit d’une série. Je n’en dis pas plus. Le tournage commence en début d’année 2020.