
Cet individu a demandé aux mineurs qui travaillaient pour lui de s'enfuir, à la vue des unités de police. Il est sommé de s'expliquer.(Gabo)
Cet individu a demandé aux mineurs qui travaillaient pour lui de s'enfuir, à la vue des unités de police. Il est sommé de s'expliquer.(Gabo)
Lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants : 137 mineurs secourus et 13 trafiquants interpellés dans le Sud-Comoé
Une opération a été menée les 9 et10 janvier, dans les plantations de cacao et sur les axes routiers par la police .
Comme les enfants de son âge, Walissatou devait être dans une salle de classe ce jeudi 9 janvier 2020, qui est un jour d’école en Côte d’Ivoire. La fillette était plutôt, ce jour-là, dans une plantation de cacao à Moussakro, un campement situé à environ 5 kilomètres de Yaou, une sous-préfecture du département d’Aboisso, veillant sur les fèves de dernière récolte sous un soleil de plomb. La dame, qui a visiblement soumis l’enfant à cette corvée, assure être sa mère. Paradoxalement, elle ne se souvient pas de son âge. Qu’à cela ne tienne, la petite fille, qui pourrait avoir entre huit et dix ans, ne jouit pas de son droit à l’éducation. Pire, elle travaille dans un champ. Une raison valable pour l’équipe du capitaine Rosa Isabelle Angah, en patrouille dans la zone, d’emmener la môme avec elle pour nécessité d’enquête.
La descente musclée et inopinée des policiers dans la plantation de cacao où a été retrouvée Walissatou s’inscrit, en fait, dans le cadre d’une vaste opération de traque des auteurs de traite, d’exploitation et de travail des enfants dans la région du Sud-Comoé, dénommée ‘‘ Bia 3’’. Cette action d’envergure menée, les 9 et 10 janvier, sur les axes Aboisso-Ayamé-Bianouan et Aboisso-Noé, visait, au dire du commissaire Yéboué Kouadio, préfet de police adjoint d’Aboisso, « à rechercher et secourir les enfants exploités dans les plantations de cacao, ou sous d’autres formes, à débusquer les enfants non accompagnés dans les cars de transport en commun et à interpeller les auteurs de la traite et du trafic de ces enfants ».
Des trafiquants d’enfants aux mains de la justice
Quant aux auteurs de traite et de trafic d’enfants, une procédure judiciaire sera ouverte contre 10 d’entre eux au tribunal d’Aboisso. Les trois autres seront poursuivis devant les tribunaux à Abidjan. Le commissaire Luc Zaka explique que les enfants interceptés dans les cars en provenance des pays de la sous-région, via le Ghana, sont convoyés par des trafiquants à Abidjan où ils seront exploités. « Dans la capitale économique, ces passeurs ont des complices qui les attendent pour récupérer les mineurs. Il s’agit donc d’un réseau qui sévit jusqu’à Abidjan. Si la procédure s’arrête à Aboisso, ce sera une enquête inachevée. Il faut donc aller jusqu’au bout pour mettre la main sur tous ceux qui sont impliqués. C’est pourquoi, nous allons prolonger le dossier à Abidjan », a indiqué le premier responsable de l’unité de lutte contre le trafic des enfants et la délinquance juvénile. Selon lui, le trafic d’enfants est un crime dont les auteurs encourent jusqu’à 20 ans de prison.
Trois équipes de patrouille dans les champs de cacao et sur les routes
Parmi la centaine d’enfants secourus ce jour, un cas typique d’exploitation de mineur. Celui d’Abdelrahim, retrouvé dans un champ de cacao près de Yaou. L’adolescent, au dire de sa ‘‘tutrice’’, est venu du Burkina Faso. « Ce sont ses parents qui l’ont fait venir. Un monsieur devait venir par la suite le récupérer avec nous. Jusque-là, il n’a pas encore donné signe de vie. Cela dure des mois. En attendant, il nous aide, mon mari et moi, dans nos champs », explique-t-elle.
Comme Abdelrahim, quatre jeunes togolais, fraîchement entrés sur le territoire ivoirien par le Ghana via des pistes détournées, ont été interceptés au bord de la route au carrefour du campement de Moussakro. Ils disent se rendre à Akressi pour être contractuels dans des plantations de cacao et d’hévéa. Il n'ont pas de contact véritable, si ce n’est le plus âgé du groupe (il a la vingtaine) qui les a fait venir pour se « chercher » en Côte d’Ivoire. « Mes parents savent que je suis ici », tente de justifier David Djaguidi, un membre de la bande. Le jeune homme prétend être âgé de 23 ans. En réalité, il en a moins. « J’étais en sixième quand j’ai arrêté l’école il y a trois ans », fait-il savoir. Quand on ajoute trois ans à l’âge auquel on entre en sixième dans les systèmes scolaires actuels, on déduit que David devrait avoir entre 15 et 17 ans. Son visage d’adolescent l’illustre fort bien d’ailleurs. Pourquoi se ferait-il passer pour un jeune de 23 ans ? Un agent de police répond que c’est la stratégie courante développée par les trafiquants d’enfants pour ne pas tomber sous le coup de la loi interdisant l’exploitation et le travail des mineurs.
15 mineurs interceptés dans un car en provenance du Bénin