Gon coulibaly(DR)
Trois ans du Premier ministre: Amadou Gon Coulibaly ou l’art d’être sur tous les fronts
CONTEXTE EXPLOSIF
A l’entame de sa nouvelle expérience à la tête du gouvernement, le hasard fait mal les choses. Les évènements choisissent de le prendre de vitesse. Nommé le 10 janvier 2017, le chef du gouvernement n’a pas le temps de sortir la bouteille de champagne. Une mutinerie met des soldats dehors, dès les premières heures de sa nomination. Des routes sont coupées, les écoles ferment. A Adiaké, bastion des forces spéciales, la crème des crèmes de l’élite militaire, il y a aussi une odeur de poudre dans l’air. A Bouaké, épicentre de la rébellion de 2002, les réflexes d’antan reviennent en surface. On parle « d’ex-démobilisés », de « promotion 2009 », de « cellule 38 »... Les quintes militaires s’étendent sur une bonne partie de l’année. Et la buchette miliaire allume le foyer des grèves. Les fonctionnaires, notamment, les enseignants et le personnel de la santé, les deux gros contingents des effectifs de la Fonction publique, sont dans la rue.
BONS RÉFLEXES
Le lion monte au front. A l’épreuve du terrain et du destin. Il est de toutes les consultations. Avec les militaires comme les enseignants. Dans les deux corporations, on réclame des indemnités qui remonteraient à 2009. S’ils sont à l’écoute, le Président de la République et son gouvernement n’admettent pas cependant les sorties de route. La question militaire est traitée dans l'urgence. Un dialogue direct et franc fait tomber la fièvre. La solution finale est apportée par la mise en œuvre intelligente de loi de programmation militaire. Sur le front de l’éducation nationale, le gouvernement, à travers le Premier ministre qui pilote les négociations, joue de souplesse et de rudesse. Il consent à payer les stocks d’arriérés de plusieurs milliards de FCfa qui remontent à 2009, mais obtient des échelonnements par vagues. Cette épidémie générale est un pan de l’héritage de la crise politico-militaire de 2002 à 2010. Le nouveau Premier ministre n’y est pour rien, sinon pour peu, mais il doit assumer. C’est la rançon de la fonction. De l’habilité, il lui en faut. Entre fermeté et subtilité, entre la rigidité du lion et la souplesse du réseau, il faut trouver la bonne articulation, le bon dosage.
CONCILIATION
C’est seulement quelques mois après sa nomination, qu’Agc peut répondre à l’appel de ses parents qui veulent le fêter. Pendant les 48 heures qu’il passe dans sa ville natale de Korhogo, le chef du gouvernement transforme la célébration en réunions de travail. Il explique aux chefs traditionnels pourquoi ils doivent rappeler à la raison leurs « enfants militaires ». Il met en mission le corps préfectoral de veiller à la sécurité des populations et s’engage en retour à leur trouver les moyens de l'action. Face à l’irruption sur tous les fronts, Amadou Gon Coulibaly trouve aussi le ton de la conciliation. Il joue la carte de l’apaisement, de la réconciliation nationale et de la cohésion, y compris au sein de sa famille politique. A Korhogo, ce mois de mars 2017, il réussit le coup de réunir Guillaume Soro et Hamed Bakayoko, alors respectivement président de l’Assemblée nationale et ministre d’État en charge de l’Intérieur et de la Sécurité. Bons points.
SOLIDARITÉ A FOND
De 2017 à fin 2019, le ministère de l’Éducation nationale n’a pas trahi sa réputation de département difficile à gérer. Si la ministre Kandia Camara a eu souvent du souci avec les enseignants en grève et a dû faire face parfois aux sauts d’humeur des élèves, elle a toujours pu compter sur l’appui constant du chef du gouvernement qui monte au front avec elle dans les discussions avec le corps enseignant. Cette solidarité à toute épreuve du Premier ministre s’exprimera également dans son soutien appuyé au ministre de la Santé, Aka Aouélé, face aux menaces de grogne. Si c’est dans le chaudron, quand les fronts sont en irruption, qu’on reconnaît le bon commandant de bataillon, alors Agc aura été un bon commandant à la tête du bataillon gouvernemental.
HOMME DE MISSION
Plus dans l’action que dans les déclarations, le Premier ministre ivoirien n'a peut-être pas son pareil quand il s’agit de fidélité. Ses apparitions comme ses abstentions sont dans cette précaution constante et délicate de ne pas faire obstruction à la vision de son mandant, le Chef de l’État Alassane Ouattara. Homme de mission, jamais dans la contestation, encore moins dans l’exaltation ou l’autocélébration, il donne une leçon d’humilité, d’obéissance et de patience à ses compagnons de route, à travers cette fidèle et étroite collaboration auprès du Président de la République.