Jacques Assahoré (DG du Trésor public): «Les souscriptions aux Bons du Trésor sont passées de 1,2 milliard FCfa en 2016 (…) à plus de 6,9 milliards de FCfa»

Jacques Assahoré, directeur général du Trésor public. (DR)
Jacques Assahoré, directeur général du Trésor public. (DR)
Jacques Assahoré, directeur général du Trésor public. (DR)

Jacques Assahoré (DG du Trésor public): «Les souscriptions aux Bons du Trésor sont passées de 1,2 milliard FCfa en 2016 (…) à plus de 6,9 milliards de FCfa»

Le 03/02/20 à 11:54
modifié 03/02/20 à 13:21
Le premier responsable du Trésor et de la Comptabilité publique passe en revue, dans cette interview exclusive, toutes les activités de son administration, les acquis et fait des projections.
Le Trésor Public s’est vu décerner la Certification Globale de l’ensemble de ses services sur toute l’étendue du territoire national à la norme internationale ISO 9001 version 2015. Quels sont les enjeux et les retombées de cette Certification ?
La certification globale des services du Trésor Public à la norme ISO 9001 version 2015 est la résultante d’une vision que j’ai largement partagée avec l’ensemble de mes collaborateurs. En effet, dès ma prise de fonction en 2016, je leur ai présenté mon projet d’entreprise, à savoir bâtir une administration du Trésor Public plus performante, capable d’accompagner efficacement la croissance économique forte, amorcée depuis plusieurs années. Aussi un Plan Stratégique de Développement dénommé Psd 2016-2020 du Trésor Public a-t-il été mis en place. Ce plan comprend quatre axes, à savoir : accélérer la modernisation des outils et méthodes de gestion ; accroître et pérenniser la capacité de financement de l’État ; améliorer la transparence et la gouvernance ; renforcer les capacités opérationnelles et le bien-être social du personnel. Par rapport à l’axe d’accélération et de modernisation des outils et méthodes de gestion, un objectif stratégique a été retenu, et vise à « assurer la certification globale du Trésor Public », ce d’autant plus que notre institution disposait d’atouts indéniables :

- La démarche qualité était déjà implémentée au Trésor Public depuis plusieurs années ;

- Deux postes comptables avaient été certifiés à la norme ISO en 2008 et en 2011. Nous avons donc au niveau de la Direction générale, poussé nos équipes à aller plus loin. C’est ainsi qu’à la suite de l’audit de notre Système de Management de la qualité réalisé du 22 au 28 novembre 2019 par l’organisme de certification Afnor, le Trésor Public s’est vu décerner le Certificat ISO 9001 version 2015, sur l’ensemble des activités métiers de ses services repartis sur l’ensemble du territoire national. Les enjeux et les retombées de la certification globale à la norme ISO 9001 version 2015 peuvent être appréciés à plusieurs niveaux :

- Au niveau de l’État et donc du Trésor Public, en tant qu’Administration Financière au cœur de la gestion des Finances Publiques, la certification va significativement contribuer à :

• Renforcer la crédibilité et améliorer l’image de marque du Trésor Public ;

• Renforcer également la confiance des Usagers/ Clients et des parties intéressées pertinentes ;

• Améliorer la qualité des prestations fournies aux usagers/clients ;

• Accroître l’harmonisation des méthodes et le partage des bonnes pratiques dans l’ensemble de nos services ;

• Mobiliser à moindre coût les ressources nécessaires au financement du budget de l’État par le renforcement de la Qualité de sa signature sur les marchés financiers et de capitaux ;

- Au niveau du citoyen, en sa qualité d’usager/client, le citoyen doit voir son niveau de satisfaction amélioré par le traitement diligent de son dossier quel que soit le service du Trésor Public auquel il s’adresse à travers le Centre d’Écoute et notre dispositif de gestion delà relation client appelé BAOBAB où il peut aisément exprimer ses préoccupations.

Face aux diverses sollicitations des usagers/clients, les agents du Trésor Public doivent développer une écoute attentive en démontrant en toute circonstance, leur capacité d’adaptation, en recherchant en permanence la performance opérationnelle.

Vu que l’ensemble des services du Trésor Public sur toute l’étendue du territoire national est certifié. Peut-on en déduire que les quelques griefs qui vous étaient faits par le passé » par certains fournisseurs de l’État ont trouvé solution ?

-La certification à la norme ISO, qu’il s’agisse d’un organisme privé ou d’une administration publique, représente une véritable opportunité pour approfondir et optimiser son Système de Management. En conséquence de quoi, les dirigeants et les acteurs opérationnels doivent tout faire pour accroître la satisfaction des usagers/clients dans la fourniture de leurs prestations de service. Il en découle que les usagers/clients du Trésor Public doivent être rassurés de ce que tout est mis en œuvre, en terme de dispositif, pour prendre rapidement et efficacement en charge les éventuels dysfonctionnements qui pourraient survenir dans la fourniture du service ou des prestations auxquels ils ont droit. En effet, un accent particulier est mis sur l’application rigoureuse des dispositions relatives aux engagements de service, notamment en matière d’accueil physique et téléphonique, de traitement des plaintes et réclamations et plus spécifiquement, en matière de prise en charge et de paiement des mandats de dépenses. Dans ce domaine, en particulier, nos engagements nous conduisent à procéder au paiement de dépenses prises en charge, en prenant en compte les critères d’antériorité et de maturité des mandats.

Bien entendu, les dysfonctionnements peuvent survenir dans la gestion pratique des services. Mais notre dispositif de veille et d’alerte est là pour nous permettre d’apporter les corrections nécessaires. Ce dispositif est évalué périodiquement pour nous permettre de nous assurer qu’il fonctionne et qu’il demeure efficace.

Vous avez reçu une certification globale, là où d’autres n’ont fait certifier que des services particuliers, quel est votre secret et pourquoi avoir été si loin ?

-L’objectif visé à travers la certification de l’ensemble des services du Trésor Public est d’éviter une administration à deux vitesses dans laquelle certains services fonctionnent bien à la satisfaction des usagers-clients et d’autres un peu à la traîne. La performance globale de nos services ne peut être véritablement appréciée que si tous partagent les mêmes méthodes et outils de gestion ainsi que les bonnes pratiques internationalement admises. Le Trésor Public étant investi d’une mission de service public et présent sur l’ensemble du territoire national, il est important qu’il puisse offrir la même qualité de prestation au citoyen lambda qui se présente à son bureau quel que soit son lieu de résidence géographique. Le faisant, le Trésor Public met en application les dispositions de l’article 42 de la Constitution qui dispose que « l’État et les collectivités publiques doivent garantir à tous un service public de qualité, répondant aux exigences de l’intérêt général » et rend visible l’orientation client de son système de management de la qualité. Bien entendu, au départ nous avons procédé par étape, en faisant certifi er d’abord deux postes comptables, en l’occurrence la Trésorerie Générale de Yamoussoukro et l’ex-Agence Comptable de la Dette Publique. C’est la capitalisation de cette expérience réussie au niveau de ces deux sites pilotes et son déploiement opérationnel au niveau de l’ensemble des services qui vaut aujourd’hui au Trésor Public d’obtenir la Certification globale.

A l’instar des années antérieures, le Trésor public sera encore mis à contribution pour mobiliser des ressources sur les marchés financiers. A combien se chiffre votre objectif cette année (2020) ?

-Le besoin de financement sur les marchés financiers régional et international au titre de l’année 2020 s’élève à 1 494,4 milliards FCfa, soit 18,53% des ressources totales du budget 2020. Au titre du marché financier régional, il est prévu un objectif de mobilisation de 1 001,5 milliards sur le montant total de 1 494,4 milliards FCfa. Il convient de noter que sur les trois dernières années, le Trésor Public a atteint ses objectifs en mobilisant les ressources mises à sa charge :

- 2017 : 1 583,5 milliards FCfa dont 851,3 milliards sur le marché régional ;

- 2018 : 1 581,3 milliards FCfa dont 466,3 milliards sur le marché régional ;

- 2019 : 1 486, 5 milliards FCfa dont 982,5 milliards sur le marché régional.

Quelle sera votre stratégie pour atteindre cet objectif ?

-Notre stratégie s’inscrit dans le cadre de la Stratégie de gestion de la dette à moyen terme, qui vise à optimiser le profil coût-maturité de tout nouvel endettement commercial, et s’articulera ainsi autour des principaux objectifs directeurs suivants :

– la mobilisation rapide et efficace des ressources nécessaires à l’exécution budgétaire 2020 ;

– la poursuite de la gestion du risque de change, en garantissant une exposition stable ou décroissante ;

– la poursuite du travail de diversification de la base investisseurs et des sources de financement du pays ;

– le maintien de marges de manœuvre suffisantes vis-à-vis des ratios d’Avd (analyse de viabilité de la dette) à moyen-terme afin de maintenir le risque de surendettement de la Côte d’Ivoire à un niveau modéré.

Quelle est la stratégie de collecte de l’épargne intérieure du Trésor public ?

-Vu les coûts que peuvent engendrer le recours à des capitaux extérieurs, la mobilisation de l’épargne intérieure représente un moyen approprié de maintenir la croissance forte et inclusive amorcée depuis plusieurs années. Aussi, le Trésor public a-t-il développé une stratégie axée principalement sur la mise sur le marché de produits d’épargne dénommés « Bons et Obligations du Trésor inscrits en compte courant dans les livres de l’Agence Comptable Centrale des Dépôts (Accd) ». Il faut dire que ces titres publics à court, moyen et long termes recèlent en eux-mêmes des caractéristiques générales qui en font des canaux efficaces de mobilisation de l’épargne locale. Institués respectivement par des arrêtés de 2005 et 2008, les Bons et Obligations du Trésor affichent des taux d’intérêt très compétitifs et rémunérateurs, allant de 3,75% à 8,25% selon les produits. Bien plus, les intérêts assortis ne sont plus soumis à l’Impôt sur le Recouvrement des Créances (Irc) depuis la réforme introduite par l’annexe fiscale 2019. Au-delà de cette attractivité intrinsèque, la mobilisation des produits d’épargne du Trésor public a été renforcée avec l’extension du public cible qui comprend désormais, outre les personnes physiques, les groupements associatifs et les mutuelles locales de développement légalement constitués, conformément aux dispositions de l’arrêté du 28 mai 2019. Cela dit, pour encourager la mobilisation de l’épargne intérieure, le Trésor public développe une démarche de proximité marquée par la tenue de rencontres de sensibilisation et la diversification des modalités de souscription. Ainsi, plusieurs missions de sensibilisation sont organisées chaque année, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays, afin de porter l’information à l’attention de toutes les couches de la population (cadres publics et privés, opérateurs économiques, acteurs du secteur informel...). De plus, la multiplication des agences de la banque du Trésor sur toute l’étendue du territoire national ainsi que l’ouverture prochaine de guichets de souscription dans l’ensemble des postes comptables participent de la volonté d’optimiser la collecte de l’épargne intérieure. D’ailleurs, dans une logique de digitalisation, les titres d’épargne du Trésor Public seront bientôt accessibles en ligne à travers le lien « investir.tresor.gouv.ci ». Cette approche fondée sur le renforcement de l’attractivité des produits ainsi que le développement d’une démarche de proximité a permis de mobiliser d’importantes ressources. Ainsi, de 890 510 000 FCfa en 2005, les souscriptions aux Bons et Obligations du Trésor sont passées à 1 297 600 000 FCfa en 2016 avant d’atteindre 3,5 milliards de FCfa au titre de l’année 2018. En 2019, ce montant a presque doublé avec une mobilisation de plus de 6,9 milliards de FCfa.

A travers la banque du Trésor votre institution se rapproche chaque jour davantage de la population. Quel bilan faites-vous de cette opération de décentralisation ?

-Dans le Psd 2016-2020 du Trésor, il est prévu l’ouverture de 14 agences. Au 31 décembre 2016, la banque des dépôts du Trésor comptait 35 agences. Au 31 décembre 2019, elle compte 45 agences. Donc, de 2017 à 2019, la banque a ouvert 10 agences et 5 guichets dans le nord du pays. Il s’agit des agences de Tiassalé, Dimbokro, Tanda, Touba, Toulepleu, Botro, Sinfra, Zuénoula, Grand-Lahou et Bonoua. Les guichets sont à Tienko, Tiémé, M’Bengué, Kaniasso et Dianra. Celui de Dianra ne fonctionne pas encore car les travaux de Côte d’Ivoire Télécom sont en cours d’achèvement. Concernant les dépôts, ils ont progressé de 130% en 3 ans passant de 402 milliards en 2016 à 927 milliards au 31 décembre 2019. Cette performance est le fait essentiellement des structures publiques qui réalisent une augmentation de 141%. En effet, depuis 2017, toutes les ressources des entités publiques sont centralisées à la banque des Dépôts du Trésor. Même les dépôts privés connaissent une hausse importante de 12 milliards de FCfa durant ces trois ans.

L’implantation de la Banque des dépôts du Trésor à l’intérieur du pays va-t-elle se poursuivre ? Quelles sont les localités qui sont visées cette année ?

-L’objectif du Trésor Public est d’ouvrir une agence de la Banque des dépôts du Trésor dans chaque ville du pays là où le système bancaire classique est absent ou insuffisamment représenté. Pour ce faire, le Trésor Public a réalisé une étude qui a abouti à l’élaboration de la cartographie des localités à forte potentialité économique et des populations à forte culture d’épargne. Les agences sont installées sur la base de cette étude. Cette année 2020, le Trésor Public ouvrira des agences dans les localités de Jacqueville, Akoupé, Tabou, Bonon.


Le 03/02/20 à 11:54
modifié 03/02/20 à 13:21