Nouvelle audience à la Cpi, jeudi : Les victimes craignent une libération de Gbagbo

Paolina Massida, avocate des victimes ivoiriennes dans le procès devant la Cpi. (DR)
Paolina Massida, avocate des victimes ivoiriennes dans le procès devant la Cpi. (DR)
Paolina Massida, avocate des victimes ivoiriennes dans le procès devant la Cpi. (DR)

Nouvelle audience à la Cpi, jeudi : Les victimes craignent une libération de Gbagbo

Le 06/02/20 à 20:32
modifié 06/02/20 à 23:53
« Les victimes disent craindre que la libération des défendeurs autoriserait ceux-ci à retourner en Côte d’Ivoire et à chercher à obtenir le pouvoir politique pour entraver activement la procédure d’appel devant la Cour. Les victimes également indiquent que si les défendeurs devaient être élus, et bien, ceux-ci utiliseraient leur pouvoir pour faire obstruction à la justice et rendre toute poursuite ultérieure impossible ».

Ainsi s’est exprimée la représentante des victimes ce jeudi 6 février, à La Haye. Me Paolina Massida a fait cette plaidoirie à l’ouverture d’une audience qui faisait suite à une requête de l’ancien président Laurent Gbagbo. Dans sa demande, M. Gbagbo souhaite voir les juges reconsidérer les conditions imposées à lui et à Charles Blé Goudé poursuivis devant la Cpi pour crimes contre l’humanité depuis 2014.

« La Défense est d’avis qu’en principe, aucune restriction ne devrait être imposée à une personne qui a été acquittée (...) Le droit à la liberté pour un acquitté n’est pas négociable», a soutenu Me Dov Jacob's, l’un des avocats de Gbagbo.

Pour la défense, il est légitime que Laurent Gbagbo et Blé Goudé soient totalement libres et qu'ils puissent rentrer en Côte d’Ivoire et participer, directement ou non, à la présidentielle d’octobre 2020.

Selon la représentante des victimes, les rencontres avec les dirigeants politiques, notamment Henri Konan Bédié du Pdci et Affi N’Guessan du Fpi sont la preuve que Gbagbo n’est ni privé, ni pénalisé dans l’exercice de ses droits civils.

Rappelons que la décision d’acquitter Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé le 15 janvier 2019 avait fait l’objet d’un appel de la part de la procureure de la Cpi, Fatou Bensouda. Aussi, les deux accusés bénéficient-t-ils, depuis le 1er février 2019, d’une liberté assortie de huit conditions. Celles-ci visent, notamment, à éviter le risque de fuite de la part des accusés ou leur refus de poursuivre le procès.

Jeudi, le bureau du procureur a indiqué que ce risque réel et légitime de fuite existe bel et bien, de sorte que les conditions restrictives imposées aux accusés demeurent toujours « nécessaires ».

Bien qu’il se soit déclaré « indigent » devant la Cour, Gbagbo dispose de « ressources » utilisées à des fins de campagnes contre le procès, soutient l’accusation. Parmi ces groupes, sont cités le Fpi et ses alliés réunis dans la Coalition Ensemble pour la démocratie et la solidarité (Eds) dirigée par Georges Ouégnin.

Ces groupements politiques « coordonnent », selon l’accusation, les manifestations en Côte d’Ivoire et en Europe avec « l’appui » de l’ex-président et Charles Blé Goudé. « Le réseau pro-Gbagbo dispose manifestement de ressources », a insisté l’accusation, rappelant également « la gravité des charges » contre Gbagbo et Charles Blé Goudé.

Selon le bureau du procureur, un gendre de Gbagbo, impliqué dans des actions de déstabilisation en Côte d’Ivoire, fait partie de ceux qui financent ces activités. « La requête de Monsieur Gbagbo ne présente pas d’argument supplémentaire pour démontrer qu’il y a eu un changement de circonstances nécessitant que la chambre d’appel réévalue ou révoque les conditions », a ajouté l’accusation, soutenue en cela par les représentants de la Côte d’Ivoire.

Répondant aux allégations des avocats sur une supposée illégalité des conditions imposées aux deux accusés, l’accusation estime parfaitement légal que l’on impose des conditions restrictives de liberté à une personne acquittée mais en attente d’une procédure d’appel. Cela est, à ses yeux, conforme aux avis de la Cour européenne des droits de l’homme et aux divers instruments de droits de l’homme.

Pour l’accusation, c’est seulement lorsque l’acquittement est « définitif » qu’une demande de libération totale peut prospérer. Le procès devrait, lui, reprendre aujourd’hui.


Le 06/02/20 à 20:32
modifié 06/02/20 à 23:53