Sérgio Pimenta (Vice-président SFI) : « L’UEMOA offre un énorme potentiel de développement des marchés des capitaux locaux »

Sérgio Pimenta est le Vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la Société Financière Internationale, IFC, un membre du Groupe de la Banque mondiale  (DR)
Sérgio Pimenta est le Vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la Société Financière Internationale, IFC, un membre du Groupe de la Banque mondiale (DR)
Sérgio Pimenta est le Vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la Société Financière Internationale, IFC, un membre du Groupe de la Banque mondiale (DR)

Sérgio Pimenta (Vice-président SFI) : « L’UEMOA offre un énorme potentiel de développement des marchés des capitaux locaux »

Le 11/02/20 à 13:45
modifié 11/02/20 à 19:48
Interview avec Sérgio Pimenta, Vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la Société Financière Internationale, IFC, un membre du Groupe de la Banque mondiale.
Les 10 et 11 février 2020, à l’hôtel Sofitel Ivoire d’Abidjan, vous organisez la première conférence sur le Programme conjoint sur les marchés financiers (J-CAP), dont le thème est « Marchés des capitaux : Investir pour la croissance ». Que couvre ce programme, quels sont ses objectifs et en quoi est-il différent du soutien traditionnel que le Groupe de la Banque mondiale apporte a
Avec une taille totale estimée à 178 000 milliards de dollars, les marchés des capitaux du monde entier sont l’un des plus puissants moteurs mondiaux de la croissance économique et de la création de richesse. Pourtant, de nombreux pays à revenu intermédiaire et à faible revenu n’ont qu’un accès limité à ces avantages. Pour aider les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu à tirer parti des avantages des marchés des capitaux locaux solides, la Banque mondiale et l’IFC ont lancé le Programme conjoint sur les marchés financiers (J-CAP) en juin 2017.

Le J-CAP se distingue des autres initiatives dans la mesure où il mobilise des experts de l’ensemble du Groupe de la Banque mondiale pour fournir des conseils et des investissements adaptés aux pays et susceptibles d’avoir un impact systémique sur le marché. Pour développer avec succès les marchés des capitaux, il faut que les pays disposent de cadres institutionnel, juridique et réglementaire favorables aux investisseurs, ainsi qu’aux sociétés émettrices et aux banques. Pour que de tels cadres se développent, une approche fortement coordonnée est nécessaire. Elle requiert un large éventail d’experts et de parties prenantes, notamment des banques centrales, des ministères et des organismes de réglementation, des bourses et du secteur privé. Étant donné que l’objectif de chaque marché est de faciliter les transactions, le J-CAP comprend aussi une forte composante d’investissement qui vise à attirer les émetteurs et les investisseurs, en agissant comme investisseur principal, atténuateur de risque ou fournisseur de solutions en monnaie locale.

Cette conférence se concentre sur l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui est composée de huit pays. Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur cette Union, quelles en sont les caractéristiques et comment cette conférence peut-elle offrir des opportunités sans précédent ?

Quelles sont les composantes des « marchés des capitaux » et qu’est-ce qui fait qu’ils sont importants pour le développement économique de certains pays ou de tous les pays ?

Le J-CAP s’est concentré dans un premier temps sur six pays prioritaires et une sous-région : le Bangladesh, l’Indonésie, le Kenya, le Maroc, le Pérou, le Viet Nam et l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Ces régions prioritaires remplissent certaines conditions préalables importantes pour le développement des marchés des capitaux, notamment un environnement macroéconomique relativement stable, un niveau de développement de base du secteur financier et un cadre institutionnel qui protège les droits de propriété fondamentaux.

La conférence J-CAP 2020 se tient à Abidjan et se concentre sur l’UEMOA car la région offre un énorme potentiel de développement des marchés des capitaux locaux. Le J-CAP a été lancé ici en 2018, avec le CREPMF comme partenaire de mise en œuvre, et avec la participation d’autres partenaires locaux clés. Au cours des 18 derniers mois, l’équipe J-CAP de l’UEMOA a fait des progrès significatifs, contribuant à renforcer le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux de la région. Le succès initial du J-CAP au sein de l’UEMOA n’aurait pas été possible sans l’engagement et le soutien fermes du CREPMF, l’investissement de l’IFC dans l’obligation à 15 ans de la CRRH, la plus longue échéance d’une obligation de société au sein de l’UEMOA à ce jour. Pour ce qui est de l’avenir, nous sommes convaincus qu’il existe de nombreuses autres possibilités, notamment dans des secteurs tels que le financement des PME, l’immobilier et le développement des infrastructures. Cela ne se concrétisera que si l’UEMOA continue à améliorer son environnement propice et à attirer des investisseurs nationaux et étrangers vers les marchés des capitaux non souverains.

La conférence J-CAP 2020 intervient à point nommé. Elle offre aux dirigeants des gouvernements et des entreprises une plateforme pour discuter des récentes opportunités des marchés des capitaux et des politiques nécessaires pour les exploiter. Des décideurs et des acteurs du secteur privé des cinq continents sont présents, ce qui suscitera des discussions très productives. Par exemple, l’un des panels qui promet d’être extrêmement intéressant s’intitule : « Comment attirer les émetteurs — une discussion à bâtons rompus avec des penseurs d’avant-garde ». Il mettra l’accent sur les dernières recherches et innovations en date concernant les solutions des marchés de capitaux pour le financement des PME, les établissements financiers et le financement des infrastructures. Dans la mesure où les besoins de financement globaux de l’économie de l’UEMOA restent importants, il sera crucial de développer des solutions financières capables de mobiliser des capitaux privés à grande échelle. Ces solutions doivent tenir compte du niveau de sophistication financière des différentes économies et doivent pouvoir être reproduites. Une autre session très pertinente pour les marchés des capitaux de l’UEMOA portera sur la mobilisation des investisseurs intérieurs.

La conférence portera sur trois thèmes : la création d’un marché des obligations publiques qui fonctionne bien, le développement des marchés boursiers et d’affaires, et l’expansion et la diversification des investisseurs. Du point de vue du Groupe de la Banque mondiale, quels sont les critères d’évaluation des performances dans chacun de ces domaines ?

Il n’existe pas de définition universellement acceptée de ce qu’est un marché des capitaux bien développé. Des tentatives ont été faites pour mesurer le développement des marchés des capitaux en examinant quatre paramètres : la taille, l’accès, la profondeur et l’efficacité. Bien que ces mesures puissent donner un premier aperçu, elles ne représentent pas le niveau réel de développement du marché dans la mesure où bon nombre de leurs indicateurs sous-jacents sont très sensibles aux fluctuations des prix. Plus généralement, je dirais qu’un marché des capitaux « développé » est un marché où les participants achètent et vendent librement un large éventail d’actifs financiers, y compris des titres à revenu fixe et des actions, avec une régularité raisonnable et une transparence des prix, et où la liquidité est suffisante pour que les prix de ces actifs reflètent les conditions sous-jacentes du marché. Tout ce qui n’est pas conforme à cette norme, certes peu rigoureuse, est considéré comme un marché des capitaux insuffisamment développé, qui présente une marge de développement et de maturation.

Les économies de l’UEMOA sont confrontées à un faible taux de bancarisation, un niveau d’épargne bas, des crédits à long terme insuffisants, des déficits de financement des PME, etc. Après la conférence d’Abidjan, quelle sera la stratégie pour soutenir les différents acteurs économiques.

Cette année, dans le cadre du J-CAP, nous nous concentrerons sur l’introduction de nouveaux instruments d’investissement qui permettraient aux investisseurs intérieurs, institutionnels et particuliers de participer plus activement aux marchés des capitaux non souverains. Le financement des PME est l’un des domaines de focalisation. Les équipes J-CAP ont déjà commencé à travailler sur une initiative sectorielle, qui créerait une plateforme de titrisation multi-donneurs d’ordres pour que les banques commerciales puissent refinancer leurs portefeuilles de prêts aux PME. Les recettes pourraient ensuite être utilisées pour accorder de nouveaux prêts aux PME. Une étude de faisabilité est déjà en cours et les résultats devraient être finalisés d’ici la fin mars. En outre, l’équipe étudie les moyens de soutenir la BRVM et son programme ELITE, en aidant les PME à accéder aux marchés boursiers locaux par l’intermédiaire d’une autre commission aux exigences de cotation moins strictes. Une autre réforme que je voudrais mentionner est celle qui est en cours de réalisation sur les fonds d’investissement (OPCVM). Les fonds d’investissement ont le potentiel de mobiliser davantage les investisseurs intérieurs de l’UEMOA sur les marchés des capitaux non souverains. Bon nombre de ces investisseurs détiennent actuellement d’importants investissements dans des titres souverains ou des dépôts bancaires.

L’Afrique est considérée comme le continent du futur, malgré les différents risques que les experts et les observateurs ont constatés. Comment le Groupe de la Banque mondiale peut-il renforcer cette opportunité pour en faire un continent plus attractif pour les investisseurs ?

Le Groupe de la Banque mondiale aide l’Afrique à attirer davantage les investisseurs sur trois plans. Premièrement, l’objectif est de développer des marchés financiers locaux solides : pour que les investisseurs étrangers deviennent des partenaires à long terme de l’Afrique, ils ont besoin de marchés des capitaux intérieurs qui fonctionnent relativement bien. Cela signifie notamment la base d’investisseurs intérieurs doit être suffisamment importante pour contrebalancer toute volatilité des flux financiers étrangers, garantissant ainsi la stabilité globale du secteur financier. En outre, un certain niveau de liquidité du marché secondaire est nécessaire. En particulier après la crise financière de 2008, il est peu probable que les investisseurs étrangers entrent sur un marché des capitaux local, à moins qu’ils ne pensent avoir une option de sortie.

Deuxièmement, le Groupe de la Banque mondiale contribue à combler le déficit d’infrastructures : la mauvaise qualité des infrastructures entre les pays est une contrainte majeure pour le commerce transfrontalier. Outre la connectivité physique, l’importance croissante des plateformes numériques pour la fourniture de solutions à grande échelle a également mis en exergue la nécessité de renforcer et d’améliorer les infrastructures numériques dans la région. Il est également nécessaire d’harmoniser et de normaliser les accords commerciaux qui se recoupent afin de réduire la complexité et de créer de plus grandes possibilités de participation du secteur privé et de modèles de partenariats public-privé (PPP).

Troisièmement, nous contribuons à créer un secteur réel productif : un grand nombre de pays de la région dépendent fortement des ressources naturelles pour leurs recettes et leurs exportations et ont été durement touchés par le choc des prix des matières premières. Pour renforcer ces économies et relancer la croissance, il est important de diversifier et de développer les secteurs réels productifs.

Une réunion de 300 experts du secteur financier du monde entier à Abidjan. Qui sont les principaux participants, vos invités, et quelles sont vos attentes au cours de ces 48 heures de conférence, de discussions, de rencontres entre entreprises ?

La conférence J-CAP 2020 réunira plus de 300 dirigeants de gouvernements et d’industries des cinq continents pour discuter des tendances, des défis et des opportunités les plus importants pour les marchés des capitaux de l’UEMOA. Au nombre des participants, figurent le Gouverneur de la BCEAO et les ministres des Finances de la Côte d’Ivoire et du Bénin. En outre, des sociétés de renom, telles que la Société Générale, Attijari Bank, Macquarie et S&P seront également présentes. L’objectif est d’offrir une plateforme pour permettre aux secteurs public et privé de se réunir et d’avoir un dialogue franc sur les futurs marchés des capitaux de l’UEMOA. Qu’est-ce qui freine le marché ? Quelles mesures concrètes doivent être prises pour que nous ne continuions pas à discuter des mêmes défis ? Mon expérience m’amène à penser que si nous centrons ces discussions sur des investissements concrets, cela contribuera à rendre la discussion constructive et axée sur l’action. Par ailleurs, si nous parvenons à identifier des mesures stratégiques concrètes et des opportunités d’investissement, cet événement sera un excellent moyen de promouvoir les marchés des capitaux de l’UEMOA auprès de la communauté des investisseurs régionaux et internationaux.


Le 11/02/20 à 13:45
modifié 11/02/20 à 19:48