Champions nationaux : Attention au piège des capitaux étrangers
Si Jean Kacou Diagou est si méfiant, c’est à raison. Il a failli perdre le contrôle de la société qu’il a fondée en 1995, à la suite de la décision du capital-investisseur français, Améthis, et de la Banque nationale du Canada de revendre les actions de Nsia participations acquises en 2015.
L’ancien président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) regrette le fait que l’objectif du plan du Président Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la Côte d’Ivoire, qui était de créer des entreprises d’État et de les céder ensuite à des investisseurs nationaux n’ait pas été atteint. « Malheureusement, cela n’a pas toujours été le cas. Elles ont plutôt été cédées à des entreprises étrangères. Un pays ne peut pas compter seulement sur des étrangers comme acteurs économiques », déplore-t-il.
Dans un article publié dans une tribune de Jeune Afrique, Alain Kouadio, président du groupe Kaydan, ex-vice-président de la Cgeci, exprime un avis similaire à celui de Jean Kacou Diagou. Ce proche du Pdg de Nsia, dont-il a été le vice-président à la Cgeci, soutient que les rares « champions nationaux » africains n’impactent pas véritablement la vie des populations. En cause, « l’internationalisation de la finance qui a profondément modifié la structure capitalistique de ces champions souvent détenus par des acteurs étrangers qui, grâce aux codes d’investissements de nos pays, peuvent d’ailleurs rapatrier leurs dividendes sans frottement fiscal ».
Alain Kouadio rappelle l’exemple allemand, un cas d’école qui devrait inspirer plus d’un État africain déterminé à se doter d’un tissu industriel fort et résilient. « Dans l’Allemagne du XIXe siècle, une politique publique volontariste, appuyée sur la synergie entre l’industrie, la banque et l’État, a favorisé l’émergence de groupes ayant pour objectif de rattraper le retard industriel du pays. Ces derniers ont ensuite bénéficié du protectionnisme de l’État dans une logique de souveraineté nationale, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. De façon générale, c’est le développement économique et la souveraineté nationale, et non pas la croissance inclusive, qui ont guidé ces politiques industrielles volontaristes », pense Alain Kouadio. Et de conclure: « Si les États africains veulent s’engager avec succès sur ce chemin, dans notre époque marquée par la mondialisation de la finance et des chaînes de production, ils devront construire des « filières championnes nationales » avec des entrepreneurs locaux forts sur toute la chaîne économique, soutenus par un secteur bancaire national solide ».
En contrepartie, la responsabilité des champions ainsi construits ne devra pas être un devoir moral, mais une stricte obligation réglementaire, conclut le président du groupe Kaydan