Bingerville/Réhabilitation de la voirie : Comment opérateurs économiques et populations vivent le changement
Elargissement de la voie principale, reprofilage de celles des quartiers, la réhabilitation de la voierie de Bingerville donne visiblement fière allure à l’ancienne capitale et le sourire aux populations.
Bingerville, cité historique, ville-symbole située à une trentaine de kilomètres à l’est d’Abidjan. Il est 8 heures, ce 10 janvier 2020, un vent de renouveau souffle sur la commune. Une partie de la voie principale de 4,5 km qui traverse, la ville jusqu'au village d’Eloka, a été élargie. De la cité Fêh Kessé jusqu’au carrefour Bandji, le visiteur découvre une route en 2X2 voies qui étale fièrement sur plusieurs centaines de mètres son bitume fraichement posé. Les bandes blanches délimitent les deux côtés de la chaussée. La circulation est désormais fluide, une demi-heure suffit désormais pour rallier la ville coloniale. En plus de cette voie principale dont les travaux se poursuivent, des routes secondaires ont été refaites, ce qui donne à Bingerville l’allure d’une cité en plein chantier.
Transporteurs et promoteurs immobiliers satisfaits
Les populations en général et les transporteurs et promoteurs immobiliers en particulier se félicitent de ces travaux qui redonnent vie à l’ancienne capitale. Koné Aminata Fofana, enseignante à la retraite, résidente au quartier Sicogi 1 depuis plus de 30 ans, ne cache pas sa satisfaction. « Depuis l’avènement du nouveau maire, les choses sont en train de changer. A mon retour d'un voyage de trois mois, j'ai découvert une voirie refaite, surtout dans le quartier où j’habite depuis plus de 30 ans. C’est la première fois que je vis cette situation dont je m'en réjouie ».
De son côté, le président des transporteurs de la ville affirme pouvoir désormais circuler en toute quiétude. Pour lui, la réhabilitation des voies est un véritable gain pour les acteurs du secteur, d’autant plus que de nouvelles lignes de transport sont ouvertes, notamment dans les quartiers Delacelle, Mtnkro, situés derrière le Jardin botanique. « Grâce à Dieu, le Président de la République a réalisé notre rêve. Nous nous en réjouissons. Le secteur est bien organisé désormais. La mairie a ouvert de nouvelles lignes de transport. Il n’y avait pas de woro-woro à Bingerville. Il y en a maintenant ».
A Bingerville, les promotions immobilières poussent comme des champignons. Ce boom immobilier est visible à Eloka, Adjamé-Bingerville, Fêh Kessé, Marina et d’autres quartiers. Pour bon nombre de promoteurs immobiliers, le développement des infrastructures routières donne un nouveau visage à la commune et contribue à l’augmentation de leur chiffre d’affaires.
« La route précède le développement. Les infrastructures majeures permettent de faire bondir nos chiffres d’affaires au niveau de l’immobilier. Nous en sommes satisfaits. Le bitume apporte une valeur ajoutée à Bingerville, qui reste la seule zone périphérique d’Abidjan », a expliqué Ibrahim Hien, promoteur immobilier. Même son de cloche chez Sanogo Mamadou, un autre promoteur immobilier, qui affirme que depuis que les voies sont en train d’être faites, Bingerville est de plus en plus sollicitée pour l’acquisition des maisons.
Les préoccupations des commerçants
Si les travaux de voiries sont salués par certains commerçants, ce n’est pas le cas pour d'autres, en l’occurrence ceux installés sur l’emprise des travaux de réhabilitation. Ces derniers ont été déguerpis, un départ forcé qui a porté un coup dur à leurs activités. Adjibonou Dibril, président des marchés de Bingerville, ne décolère pas : « L’engouement au niveau du marché n’est plus comme avant. Les autorités pouvaient recaser les déguerpis (75%) dans le marché. Aujourd’hui, nous avons d'énormes problèmes au sein du marché où il n’y a plus de places ».
Il se félicite tout de même des travaux entrepris par la mairie. Winni Adam, un autre déguerpi renchérit : « Certes, il y a eu beaucoup de changements. Le maire est à l'oeuvre. Mais hélas, les travaux de réhabilitation ont eu un impact sur les commerçants dont les activités étaient au ralenti, à cause surtout des embouteillages occasionnés par la réfection de la voie ».
EMELINE P. AMANGOUA
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Les doléances des commerçantes
Certes le reprofilage de voies effectué en décembre 2019 a été salué par les populations de Bingerville, surtout par les acteurs du transport et du commerce, des préoccupations demeurent cependant pour une bonne partie des commerçants. Les vendeuses du marché de Gbagba (quartier situé au nord de la ville) appellent à l'aide face aux difficultés qu'elles rencontrent au quotidien.
« C’est vrai, nous nous réjouissons du reprofilage de la route à partir du moment où nous avons désormais moins de difficultés à évacuer nos marchandises vers les villages pour les vendre au marché. Mais vu la souffrance qui est la nôtre dans ce marché, nous demandons au maire de se pencher sur notre sort », a plaidé dame Zunon Cécile, vendeuse de condiments dans ledit marché.
« Le grand marché et celui de Gbagba sont les seuls de la ville. Nos jeunes sœurs qui n’ont pas eu de place sous le préau vendent à même le sol à la lisière de la route. Pendant la saison sèche, la poussière nous envahit et nous rend malades. Pendant la saison des pluies, la boue engloutit nos marchandises si ce ne sont pas les véhicules qui les détruisent au passage. Une cliente et son enfant qu’elle tenait par la main ont été renversés par un taxi ici sous nos yeux. L’enfant est décédé des suites de ses blessures. Le marché est très étroit et pas salubre », s’est-elle plainte.
Aminata Diallo, vendeuse d’ignames, abonde presque dans le sens de dame Zunon Cécile : « Nous appelons notre fils (Issouf Doumbia, le maire) à l'aide. Nous les vendeuses du marché de Gbagba, sommes exposées à toutes sortes de dangers. Le marché est petit. La route le traverse. Nos clientes sont souvent victimes de graves accidents de la circulation avec parfois des pertes en vies humaines. C’est une bonne chose d'avoir reprofilé les routes, mais qu’il pense à réhabiliter le marché, notre seul moyen de nourrir nos petites familles. Pendant la campagne électorale, il nous avait fait la promesse de délocaliser ou à défaut d'aménager le marché », se rappelle la mémé vendeuse de 69 ans.
JEAN BAVANE KOUIKA
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Issouf Doumbia (député-maire de Bingerville) : « La commune est en effervescence, les choses ont commencé à changer »
Quelles sont les principales réalisations que vous avez faites depuis un an que vous êtes aux affaires ?
Quand j’ai été porté à la tête de la mairie, j’avais demandé aux populations de Bingerville de me faire confiance et qu'ensemble, nous allions relever les défis et rehausser l’image de la ville de Bingerville. Nous sommes, aujourd’hui, à 60% de réalisation de nos ambitions pour avoir mené plusieurs actions. La réalisation de plusieurs infrastructures routières est en cours depuis 2018, dont celle de deux fois deux voies qui traverse la ville de Bingerville. La première phase prendra fin le 15 janvier quand la seconde va débuter vers fin janvier. Il faut remercier le Président de la République, Alassane Ouattara, qui a offert cette voie aux populations de Bingerville. Et c’est au regard de la démographie de la cité que le Président de la République a trouvé nécessaire d’agrandir la chaussée en deux fois deux voies. Les travaux de bitumage vont s’étendre jusqu’à Eloka. Depuis que nous sommes arrivés à la tête de la mairie, Bingerville est en effervescence. Beaucoup de choses ont commencé à changer pour donner fière allure à la cité.
Les travaux de bitumage de l’axe carrefour bandjidrome-Gbagba avaient été lancés par l’ancienne équipe. Où en êtes-vous avec ce projet ?
Dans un courrier adressé à la Première Dame. Nous avons exprimé des besoins de nos mandants. Ces besoins sont relatifs à cette voirie. Elle y a répondu favorablement en décidant, avec l’Ageroute, de réhabiliter cette voie longue de 2 km, qui va du bandjidrome jusqu’au village Marchoux. Outre cette route, toutes les autres de la commune seront réhabilitées. Lorsque le Président de la République m'a reçu en audience, le mardi 10 décembre, il a abordé plusieurs sujets concernant Bingerville. Notamment, l’emploi, le financement des projets des femmes. A cette occasion, j’ai remis au Chef de l'Etat un document portant réhabilitation des voies secondaires de la ville de Bingerville. Il nous a donné son accord de nous accompagner dans ce sens avec du bitume.
Toujours sur la question, nous avons constaté le reprofilage de certaines voies de la commune.
Tout à fait. Nous pouvons dire qu’au niveau des infrastructures, il y a eu le reprofilage de Gbagba, la construction de trois ponts, le reprofilage de toutes les voies de Bingerville.
Certes, Bingerville est maintenant accessible. Mais le transport reste un peu difficile. Les Bus ne sont pas réguliers, les Gbaka qui desservent la ville le font dans le cafouillage. Pensez-vous mettre de l’ordre dans ce secteur si vital ?
Nous sommes en discussion avec la Sotra qui, à partir de l’année prochaine (2020) va mettre 20 Bus sur la route de Bingerville. Nous avons commencé à créer des points de stationnement, avec Pfo. A partir de 2020, les Gbaka ne vont plus garer n’importe comment. Nous avons formé 65 jeunes qui, en plus des 16 de la police municipale, feront des patrouilles mixtes avec la police nationale. 24 de ces agents de la police municipale seront dotés de motos pour faciliter la fluidité routière en veillant au comportement des transporteurs. Nous avons eu des réunions avec les transporteurs pour les en informer. A partir de janvier, un Gbaka qui va garer en pleine chaussée pour charger ou descendre un ou des passagers va payer une infraction de 25 000 Fcfa. Ceci, en accord avec les transporteurs. Les taxis communaux auront une couleur unique et seront équipés de compteurs, comme à Yopougon.
Vous vous êtes appesanti sur les projets communaux d’investissement et qu'en est-il de l'urbanisme ?
Depuis notre arrivée, nous avons déjà conduit 150 opérations immobilières à Bingerville. Nous avons demandé le cahier de charges de tous les promoteurs immobiliers pour voir ce qu’ils proposent en matière de viabilisation. Nous les suivons de près à travers les projets qu'ils réalisent afin de vérifier si ces quartiers sont viabilisés comme le souhaitent les acquérant. Ils doivent ainsi construire des routes, des écoles, des aires de jeux. Si toutes ces commodités existent, des gens peuvent alorsacheter ces maisons. Il faut ajouter que le conseil se rend souvent sur le terrain pour voir si le cahier de charges est respecté.
A combien s'élève votre budget d’investissement ?
Le budget de la mairie ne nous permet pas d’aider notre jeunesse car de 800 millions, il est passé à 1 milliard 200 millions, cette année. Les 10% de ce budget sont consacrés à l’investissement et près de 900 millions pour le fonctionnement. Le fonds alloué au financement de la jeunesse était de 2 millions. J’ai demandé et obtenu du conseil de le faire passer à 5 millions de Fcfa pour permettre aux jeunes de s’auto-financer.
Ne disposant pas d'assez de ressources pour financer les projets des jeunes, avez-vous tissé des partenariats pour satisfaire cette frange importante de la population ?
En janvier 2019, j’ai conduit une délégation en Allemagne où j’ai contacté des opérateurs. Idem pour le Canada. Ces opérateurs arrivent très bientôt. Bingerville n’est pas une zone où l’on doit construire des usines, c'est une cité dortoir. Avec nos partenaires allemands, nous avons discuté de la construction d'un lycée professionnel dédié au Btp, à la mécanique, à l'électricité etc. Ce, pour permettre aux jeunes d’apprendre un métier afin de se prendre en charge.
Quelle Bingerville voyez-vous pour demain ?
Bingerville va véritablement changer. En 2019, nous avons mis l’accent sur les infrastructures ; cette année, ce sera le social. Nous continuons de faire le lobbying, afin de trouver des personnes de bonne volonté pour nous aider à développer notre cité.
Interview réalisée par EMELINE P. AMANGOUA
Collaboration : JEAN BAVANE KOUIKA