Essam Daoud (président de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire): ‘’Face à la surcapacité, il faut trouver de nouveaux axes de développement de la consommation’’

Essam Daoud, président de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire. (DR)
Essam Daoud, président de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire. (DR)
Essam Daoud, président de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire. (DR)

Essam Daoud (président de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire): ‘’Face à la surcapacité, il faut trouver de nouveaux axes de développement de la consommation’’

Le 04/03/20 à 14:57
modifié 04/03/20 à 16:14
Les défis de l’industrie cimentière ivoirienne sont nombreux, dans un contexte où on assiste à un boom de la construction, mais également à une surabondance de l’offre de ciment. Essam Daoud, directeur général de Cim Ivoire et président d’une nouvelle association du secteur, expose les préoccupations de l’ensemble des opérateurs.
Qu’est-ce qui a motivé la création de l’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire ?

L’Association des cimentiers de Côte d’Ivoire (Acci) a été mise en place par quatre opérateurs, en l’occurrence Cim Ivoire qui en assure actuellement la présidence, Diamond Ciment, Ciment Prestige et Limac. L’association a enregistré récemment un nouvel entrant qui est la société Cimod. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont tout d’abord de donner un cadre légal et transparent aux échanges que nous pouvons avoir entre opérateurs de l’industrie cimentière. Et ce, dans le strict respect des règles et lois applicables en matière de concurrence. Mais aussi de constituer une force de proposition et être l’interlocuteur privilégié des autorités de tutelle et les autres autorités administratives avec lesquelles nous sommes en interaction. Et enfin, de pouvoir contribuer à l’essor de notre industrie et par ricochet de l’économie ivoirienne. A ce jour, nous avons 11 unités de production de ciment en Côte d’Ivoire détenues par sept opérateurs. Au sein de l’Acci, il y a une volonté de partager des valeurs communes. Il y a des sujets sur lesquels nous conversons avec les autres organisations et associations de notre secteur car il en va de l’intérêt commun, mais nous avons créé l’Acci parce que nous avons estimé qu’il fallait donner un nouvel élan à notre activité.

Le secteur de la construction connaît un boom depuis la fin de la crise post-électorale. Comment l’Acci compte-t-elle accompagner cet essor ?

C’est l’une de nos préoccupations majeures. Nous pensons qu’il est opportun aujourd’hui de faire un bilan d’étape au niveau national. Et notre association va approfondir les réflexions sur ce sujet. En effet, la Côte d’Ivoire est passée d’une étape où il y avait une pénurie de ciment à une autre, c’est-à-dire aujourd’hui, où grâce à l’action du gouvernement pour encourager les investisseurs et opérateurs à venir s’installer en Côte d’Ivoire, il y a un essor important du secteur. Aujourd’hui, comme je l’ai évoqué précédemment, ce sont 11 unités de productions installées pour une capacité globale de 13 millions de tonnes. C’est une bonne chose pour la Côte d’Ivoire, néanmoins cela pose de très nombreux défis pour les opérateurs, puisque la consommation locale est de 4,2 millions de tonnes par an. En outre, il y a trois nouveaux opérateurs qui sont annoncés dans les 18 prochains mois, qui viendront enrichir l’offre au marché national avec cinq millions de tonnes supplémentaires. Nous sommes donc dans une situation où il y a une surcapacité excessive. Il faut donc dynamiser la croissance de toutes les activités connexes à notre secteur, notamment le Btp qui est le premier consommateur des matériaux de construction, car il en va de la pérennité de ces unités de production. Nous sommes à un taux d’occupation moyen qui est de l’ordre de 25% à 30%, ce qui est extrêmement faible pour des unités industrielles et peut mettre en danger la pérennité de certains opérateurs si des décisions courageuses suivies d’actions ne sont pas prises aujourd’hui.

Qu’entendez-vous par décisions courageuses ?

D’abord, il faut noter que nous avons trois grands défis. Le premier est celui de la pérennité des activités et les deux autres en découlent. En effet, des investisseurs ont fait le choix de venir s’installer en Côte d’Ivoire, ont créé des emplois. Il est donc de la responsabilité de tous les acteurs et décideurs de faire en sorte que ces activités se pérennisent afin de sauver les emplois qui ont été créés et de maintenir la confiance des investisseurs. Le deuxième défi est celui de la réduction des coûts de production. Cela peut se faire par exemple en promouvant l’utilisation des matériaux locaux ou régionaux.. Nous avons notamment initié un projet qui nous tient à cœur, qui est celui de l’enrichissement de la norme actuelle pour permettre l’utilisation d’un matériau qu’on appelle la Dolomie qui est déjà utilisé depuis une dizaine d’années au Ghana et au Burkina Faso. Le projet qui, nous l’espérons, pourrait aboutir sous peu, va favoriser une réduction des coûts de production et contribuer d’une certaine manière à la politique sociale du gouvernement à travers la réduction du prix de vente du ciment. Le troisième défi concerne les nouveaux relais de croissance. Face à la surcapacité, il s’agit de trouver de nouveaux axes de développement de la consommation. Et sur ce point, nous avons une proposition concrète sur laquelle nous discutons avec les autorités compétentes : favoriser la construction de routes en béton. Nous pensons que c’est la principale piste à privilégier. Il y a très peu de temps, on considérait que c’était cher parce que le coût des matériaux était élevé, mais vu tous les efforts qui ont été consentis pour attirer les investisseurs, mais aussi pour réduire le coût de production, nous pensons que c’est une très bonne solution. Les routes en béton ont aussi l’avantage de ne nécessiter quasiment pas de maintenance, contrairement aux routes en bitume. Et dans des endroits assez reculés, fortement exposés à la pluviométrie, c’est une excellente solution.

Envisagez-vous aussi de vous lancer dans des projets de logements à coût abordable ?

Ça fait partie des actions sur lesquelles nous devons travailler. Parce qu’il y a effectivement un déficit en matière de logement, et donc plus l’offre sera grande plus les prix seront intéressants. Nous avons un projet qui est en cours de préparation, mais cela demande une concertation plus élargie. Puisqu’il s’agit de régler trois problèmes : garantir des matériaux de construction à des prix compétitifs, garantir un accès au foncier qui ne soit pas très coûteux et garantir les financements. Ça nécessite également l’action combinée de quatre acteurs principaux de l’économie à savoir les producteurs de matériaux de construction, les banquiers, les promoteurs immobiliers et bien entendu les pouvoirs publics. C’est donc un axe sur lequel nous allons travailler dans le cadre de cette mandature.

Il y a certes une surcapacité, mais le consommateur final trouve que le prix du ciment est toujours élevé. Votre association a-t-elle les moyens d’agir sur cet aspect ?

Au niveau des usines, un effort important a été fait sur les prix. Mais cela ne s’est pas encore répercuté suffisamment sur le consommateur final. Il y a toute une chaîne que nous nous devons d’analyser en profondeur pour qu’on comprenne où il y a l’effort additionnel à faire.. Nous avons déjà évoqué ce sujet avec notre tutelle, le ministère du Commerce et de l’Industrie, qui est très soucieux de la réduction de la cherté de la vie. Il s’agit de se mettre d’accord aujourd’hui sur certains mécanismes de nature à garantir un contrôle efficient sur le marché avec les revendeurs. Parce qu’il y a une abondance de ciment et sommes d’avis que le consommateur puisse en bénéficier.

Quelle place occupe la responsabilité sociétale au sein de l’Acci ?

Les membres de l’Acci ont entrepris beaucoup d’actions individuellement dans le sens de la Rse. Nous travaillons à mettre en place un programme exhaustif sur la responsabilité sociétale. Mais nous considérons que notre première responsabilité sociétale, en tout état de cause, c’est de pouvoir garantir deux choses : un ciment de qualité mondiale et un prix acceptable pour le consommateur. Nous attachons également du prix à la sécurité et à l’environnement. Notre industrie est considérée à tort ou à raison comme une industrie polluante, mais il faut savoir que nos unités sont dotées d’équipements de dernière génération qui fonctionnent en circuit fermé et donc qui permettent de réduire de façon considérable les nuisances.


Le 04/03/20 à 14:57
modifié 04/03/20 à 16:14