Coronavirus enquête express (Bongouanou - Daoukro): Comment tenanciers et clients rusent avec la mesure de fermeture des maquis

Ce maquis, qu'on voit fermé, donne la possibilité aux clients de consommer de l'alcool.(DR)
Ce maquis, qu'on voit fermé, donne la possibilité aux clients de consommer de l'alcool.(DR)
Ce maquis, qu'on voit fermé, donne la possibilité aux clients de consommer de l'alcool.(DR)

Coronavirus enquête express (Bongouanou - Daoukro): Comment tenanciers et clients rusent avec la mesure de fermeture des maquis

Le 30/03/20 à 21:00
modifié 01/04/20 à 11:18
Parmi les mesures de prévention prises par le Chef de l’État pour freiner la propagation du Coronavirus, figure la fermeture des bars, boîtes de nuit, restaurants et maquis. La mesure semble être appliquée dans les localités de Bongouanou et Daoukro, mais pour peu que l'on observe, la dangereuse réalité s'offre à la vue.
Que ce soit à Bongouanou, chef-lieu de région du Moronou, ou à Daoukro, chef-lieu de région de l’Iffou, l'on constate de visu la fermeture des bars, boîtes de nuit, restaurants et maquis. Pourtant dans les faits, certains de ces édifices, particulièrement les maquis, fonctionnent. C'est que tenanciers et clients ont trouvé des astuces pour contourner les mesures de fermeture prises par le Président de la République.
Des maquis délocalisés dans des domiciles à Bongouanou
Vous ne trouverez pas de maquis ouvert, particulièrement en bordure de route. Les portes sont hermétiquement fermées. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’aucun ne fonctionne dans la ville. Pour en trouver, il faut se rendre dans des domiciles. Notre hôte du jour nous indique discrètement une cour transformée en maquis. Aucune indication ne prouve que l'on y vend et consomme de l'alcool. La propriétaire des lieux, Ekissi Bernadette, dira : " Ici, c'est mon domicile, je suis chez moi et je ne fonctionne pas comme les maquis habituels. Dans tous les cas, la commercialisation de l'alcool n'est pas interdite. Mais, je vends en général pour faire plaisir à certaines connaissances, qui ne souhaitent pas se faire voir dans les endroits beaucoup fréquentés". Puis, d'ajouter qu'elle a toujours vendu de l'alcool chez elle, avant l'avènement du Coronavirus, même si elle reconnaît que ces derniers jours, avec la fermeture des maquis, sa clientèle a augmenté. Sauf qu’aucune mesure hygiénique n'est prise, ni des dispositions respectant les règles annoncées par l’État. Ainsi, c'est la même ambiance des maquis qui est transposé dans cette cour, avec des clients assis côte-à-côte, qui devisent joyeusement. Pis, ceux qui consomment l'alcool frelaté ne se gênent pas de partager la même boisson, souvent dans le même verre, sans se soucier de quoi que ce soit. Notre parcours nous amène dans un maquis en plein air situé non loin de la voie principale et qui a fermé. Des enfants, que nous avons trouvés en cet endroit, nous indiqueront son nouvel emplacement : " Tonton, si vous voulez boire de la bière, allez dans la cour où se trouve la maison à la toiture bleue. C'est là-bas que se trouve le maquis maintenant". Effectivement, arrivé dans ce lieu, nous trouverons des tables dressées et occupées par des personnes en pleine consommation de la bière. Là aussi, aucun respect de la distanciation, et c'est dans une ambiance conviviale faite de tapes amicales et d'échanges fraternels que l'alcool est consommé. Comme s'il n'y avait pas de menace pandémique qui décommande la proximité et la promiscuité. Le propriétaire, Koua Éric, soutient qu'il a délocalisé dans sa cour pour pouvoir continuer son commerce, qui est son gagne-pain. Maquis fermé, mais fonctionnel, l'autre astuce trouvée par des tenanciers, est d'aménager l'arrière-cour de leur maquis pour offrir leurs services aux clients. A Daoukro, un maquis très fréquenté, en bordure de route, présente actuellement l'aspect d'un établissement fermé. Pourtant, dans la cour contiguë au maquis, un espace a été aménagé pour recevoir les consommateurs. L’on y retrouve la même ambiance habituelle qui régnait dans les lieux publics, avant la prise des mesures de fermeture. Aussi, certains tenanciers vont pousser leur ingéniosité à proposer aux clients de se faire enfermer pour satisfaire leur besoin. " Je voulais prendre un pot avec des amis et pour ne pas mettre le propriétaire du maquis en difficulté, j'ai accepté qu'il referme la porte sur nous", soulignera Christian Yapo, un consommateur, au grand bonheur du propriétaire du maquis, Arsène N’Guessan : " Nous sommes obligés de tricher un peu pour avoir des revenus. Le maquis est notre seule possibilité de gagner de l'argent, donc nous faisons avec les moyens du bord". Cet état de fait est très courant à Daoukro. Nous avons pu le constater dans la nuit du 29 mars, peu avant le couvre-feu. Plusieurs maquis avaient leur porte entrouverte. Ce qui donne l'aspect de ne pas fonctionner, alors que des clients s'y trouvent, dans la proximité. D'ailleurs, le commissaire de police, Coulibaly Kikoun Aimé, a reconnu beaucoup d'actes de défiance à l'autorité, surtout dans le quartier Baoulékro. Des supermarchés érigés en maquis, les supermarchés et caves de Bongouanou et Daoukro sont ouverts à plein temps. Non touchés par la mesure de fermeture, ces édifices permettent aux clients de s'approvisionner en boisson. Malheureusement, profitant de cet avantage, ils font office de maquis. A Bongouanou, la grande cave de la ville, qui sert également de maquis, continue de jouer ce rôle avec beaucoup de précaution. En effet, pour ne pas attirer l'attention des gens, la bâche installée devant cette cave, sous laquelle la majorité des clients s'asseyent pour boire, a été démontée. Néanmoins, à l'intérieur de la cave, des personnes prennent leur pot, sans être inquiétés. Et cela, sans l'application des mesures de prévention et d'hygiène. Le comble est que la nuit tombée, le lumière est coupée à l'intérieur de la cave pour ne pas que de l'extérieur l’on aperçoive les clients. A Daoukro, deux supermarchés de la ville ont toujours permis la consommation d'alcool au sein de leur structure. L’un d'entre eux a même une terrasse, qui a toujours été pris d'assaut, par les clients. De nos jours et malgré l'interdiction de se rassembler, les clients ne cessent de se retrouver sur cette terrasse pour prendre leur pot et deviser entre amis. Cela, sans mettre en pratique les dispositions annoncées par l’État. L'autre supermarché, qui n'a pas de terrasse, offre un espace à l'intérieur de l'édifice, qui est également pris d'assaut par les clients. Là également, l’on ne tient pas compte des mesures de prévention.
Encadré
Arrêter la défiance à l’État
Le Chef de l’État, Alassane Ouattara, dans son adresse à la nation, disait que l'ennemie sera l'indiscipline. Pis, de nos jours, dans nos villes et villages, nous assistons à une défiance à l’État. La mesure de fermeture des maquis est, dans la majorité des cas, bafouée dans nos contrées, puisque tenanciers et propriétaires trouvent le malin plaisir de les faire fonctionner. C'est pour éviter les rassemblements que cette mesure a été prise, car les maquis sont des endroits qui drainent du monde. Faire preuve d'imagination pour ouvrir son établissement est une défiance à l'autorité. Le constat que nous avons fait, que ce soit à Bongouanou ou à Daoukro, est que dans tous les maquis, qui usent de subterfuges pour ouvrir, aucune mesure d'hygiène n'est appliquée. Pas de dispositif de lavage des mains, les clients, en grand nombre, n'arrêtent pas de se côtoyer. Une situation qui fait craindre le pire. Il est temps que nos parents comprennent que les mesures ont été prises par l’État de Côte d’Ivoire pour freiner la propagation de la maladie. Il faut donc arrêter de défier l’État.

E.Yéboué


Le 30/03/20 à 21:00
modifié 01/04/20 à 11:18