Livre/''Sodome'' de Julien Anaki : Un grand questionnement sur les mœurs dans nos sociétés nouvelles
Dans sa démarche littéraire, l’auteur va plus loin que le récit biblique de destruction par Dieu de Sodome pour perversion aggravée et méchanceté à l'endroit des étrangers. Il aboutit plusieurs siècles plus tard à Tsoar, la localité voisine de Sodome, épargnée par le déluge de feu dans les récits bibliques.
Cette ville ,où règne encore la peur dans la mémoire collective, louvoie avec la pudeur imposée par les anciens pour échapper à la sentence des flammes. Un couple ordinaire en proie à des difficultés conjugales est happé malgré lui par l'iniquité sous-jacente de cette ville de nouveau plongée dans le mal et l'abomination.
« Plusieurs siècles plus tard, Tsoar, l’épargnée, a subi la colère de Dieu. La prophétie a tardé. Malgré l’intercession de Loth à la destruction de Sodome, elle s’est accomplie. Il est un temps pour chaque chose. La main de l’Éternel est levée sur nos abominations, attendant notre repentance », écrit l’auteur en conclusion du roman. Et Josué Guebo de préciser: « S’il est vrai que le livre se tisse d’aventures entre partenaires de sexe identique, il est loin d’être une apologie ou un réquisitoire. Le texte questionne le sens du mariage, interroge la portée du divorce, sans oublier d’être une réflexion sur la religion, le respect de la vie privée, la vérité du destin et de l’histoire ».
Dieu comme fondement de toute morale
Pour Julien Anaky, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Au-delà, l’auteur pose la problématique de la conception de la morale. Sans toutefois s’attaquer au libéralisme, il pense que la morale n’est pas évolutive comme le serait la mode ou la science.
Encore moins que les travers des bonnes mœurs (institutionnalisation de l’infidélité, de l’inceste, de la zoophilie, de l’homosexualité, du lesbianisme et autres) ne sont pas des réalités relatives, susceptibles de fluctuation et de variation en fonction de la culture, de la coutume, de l’habitude et donc peuvent par conséquent se poser comme une norme acceptée par la majeure partie d’une population donnée.
Pour Julien Anaky, la morale est rattachée à l’Absolu (Dieu) qu’il pose « comme le fondement, le seul terreau à partir duquel est possible la distinction entre le bien et le mal. Et rien, ni la force, ni les institutions, ni les éléments de la nature n’ont autorité pour sauver l’homme de sa propre folie », dixit Josué Guebo avant de conclure : « ‘’Sodome’’ se veut un questionnement, une invitation à l’introspection, un appel au respect de la nature, mais avant et après tout une sage allégorie de la société d’aujourd’hui ».
Vous avez dit homosexualité ? L’auteur ose le débat
Julien Anaky, dans sa chronique de préambule donne sa position sur la question de l’homosexualité dans nos sociétés. Selon l’auteur qui ne se définit pas comme étant un homophobe, il n’a aucune haine contre celui qui opère des choix sexuels différents des siens. Pour lui, la vie quelquefois se nourrit de différences.
Cependant, écrit-il « Je suis simplement choqué, en tant qu’Africain et croyant en des valeurs qui m’ont été enseignées depuis ma tendre enfance, de tout le commerce et des normes sociales dont on veut vêtir l’homosexualité. Pour moi, cela peut renvoyer à ériger l’adultère, le vol, la pédophilie, l’échangisme en normes à inclure dans nos habitudes désormais ».
Faisant état de pays dans le monde dont un Afrique qui ont autorisé, le mariage entre homosexuels dans leur pays, l’auteur ne juge pas nécessaire de telles démarches car « aucun pays n’a eu à légiférer sur l’infidélité et l’adultère et pourtant ce sont les choses les mieux partagées dans tous les pays du monde entier. Sans légiférer, on peut laisser les homosexuels vivre leur vie. Cela se fait déjà sous nos tropiques. Et nos états ne sont pas obligés de suivre les pays dits avancés ».
Julien Anaky imagine mal cette réalité en Afrique. Pour lui, il serait difficile « d’expliquer à nos parents de l’Afrique profonde, des villages, gardiens de nos traditions, que désormais un garçon peut venir demander la main de leur fils ! Ou alors qu’une fille sera la fiancée de leur fille. Que l’Occident ne nous entraîne pas dans le gouffre, s’il est condamné à y tomber. Nos dirigeants ont le devoir de nous garder en vie. J’ose croire que les athées sont ceux qui sont enclins à proposer de telles lois dans nos sociétés. Parce que la conception judéo-chrétienne l’abomine tout comme l’Islam et l’Afrique fétichiste ».
Loin d’être fermé à la réflexion sur le sujet, Julien Anaky pense que ce choix sexuel suscite tout de même des interrogations. Pourquoi beaucoup de personnes sont attirées par ce choix sexuel ? Y a-t-il eu un dérèglement physiologique qui ne leur incombe pas ? Sont-ils victimes d’un environnement d’influence ? Ou alors, en chacun de nous existe-t-il un homme et une femme ? Pourquoi fait-on des efforts pour la dévêtir de ses oripeaux lugubres, de lutter pour accorder aux homosexuels le droit d’adopter des enfants ? Sur quoi nous sommes-nous appuyés pour définir nos normes sociales ? Pour distinguer le bon du mauvais ? L’acceptable de l’inacceptable ? Le tolérable de l’intolérable ? Qui définit alors la norme ?
Autant de pistes de réflexion que l’auteur montre pour enrichir le débat. Masi, lui, reste ferme : « En m’alignant sur l’histoire (biblique et coranique) répandue de Sodome et de Gomorrhe, l’homosexualité est une déviation ». ‘’Sodome’’, une belle œuvre a découvrir.
SERGES N’GUESSANT