Dr Rémi Oussou Kouamé (Enseignant-chercheur à l’UAO de Bouaké): «Comment les Bureaux carrières vont adresser la question de l’employabilité des diplômés dans nos universités publiques»
L’universitaire dévoile dans cette interview un projet d’accompagnement personnalisé pour les étudiants en fonction des besoins du marché de l’emploi.
Vous ambitionnez de susciter la mise en place de bureaux d’accompagnement censés renforcer l’employabilité des étudiants et promouvoir l’esprit entrepreneurial ? De quoi s’agit-il, précisément ?
Tout est parti d'une bourse du gouvernement américain, le Hubert H. Humphrey Fellowship, qui m’a permis d’aller me perfectionner en développement professionnel aux États-Unis. Ce programme est axé sur un ensemble d’aptitudes et de capacités dont on dote l’étudiant en dehors du campus de sorte à renforcer son employabilité et lui permettre de trouver facilement un emploi. C’est dans le but de permettre à nos frères et sœurs de profiter de cette riche expérience américaine que nous entendons mettre en place dans nos universités des « Centres de carrière » ; ce sont des centres d’accompagnement et d’encadrement où l'on enseigne aux étudiants des conseils pratiques. Je n'ignore pas que quelquefois dans le privé s'y trouvent de petits bureaux pour accompagner les étudiants en quête d'emploi. Mais si nous avons ces bureaux dans nos universités publiques, ce sera déjà un grand pas dans l'adéquation de l’offre et de la demande d’emploi et partant dans la solution au problème du chômage. Et puis, lorsque l’étudiant percevra les opportunités qu’il a d’intégrer le monde du travail avec ces outils, les grèves vont certainement diminuer.
Comment cela va-t-il se faire concrètement ?
Ces bureaux vont créer des contenus curriculaires sur les théories de l’emploi et offrir du coaching à l’étudiant. Le coach est chargé d'aider l’étudiant à cerner les opportunités et méthodologies liées à la filière qu’il a choisie, mais aussi connaitre les formations complémentaires adéquates pour mieux valoriser ses connaissances. C’est aussi l'occasion de leur apprendre tout sur les curriculums vitae (Cv), la lettre de motivation, la manière de décortiquer une offre d’emploi au vu des compétences clés recherchées par l’employeur. Le postulant passe facilement à côté de l’opportunité s’il ne connait pas ces paramètres quand bien même il aurait les atouts recherchés. Ce, d’autant plus que l’employeur passe juste quelques secondes à lire les Cv et lettres de motivation. Surtout que les entreprises utilisent de plus en plus les Ats, ces machines chargées de retrouver les postulants présentant les qualités recherchées. Le bureau est aussi le lieu où l’étudiant est préparé à l’interview d’embauche. Une étape importante parce qu'elle permet à l'employeur de savoir si les compétences réelles du postulant sont en conformité avec le Cv.
Comment ces bureaux vont-ils se mettre en place ?
Pour commencer, il va falloir organiser les activités et recruter de la main-d’œuvre. Les conseillers et éducateurs de nos universités sont les premiers éléments qui constitueront les staffs d’accompagnement, au lieu de faire venir forcément des personnes de l’extérieur. Nous allons dispenser les cours que nous avons appris aux États-Unis, notamment sur les théories fondatrices de l’emploi que nous allons adapter à nos réalités locales. Ce sont des cours que nous entendons annexer à différents programmes ou niveaux d’études. Notamment à partir de la Licence où les étudiants sont souvent à la recherche d’emploi. Les bases concernant les Cv ou les lettres de motivation peuvent être proposées en première et deuxième années pour l’étudiant qui a une opportunité et a besoin d’accompagnement. C’est un peu du coaching personnalisé mais sur rendez-vous. D’autant plus que l’étudiant se sera préalablement inscrit en ligne en exprimant ses besoins.
Cette prestation coûtera-t-elle de l’argent à l’étudiant ?
Non. C’est un service supplémentaire que l’université publique offrirait à l’étudiant pour mieux adresser la question de l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi. Je suis enseignant à l’université. L’État ne va pas me payer davantage pour ce service. Cela entre dans le cadre de notre mission d’encadrement. Il faudra peut-être alléger certains programmes pour permettre à l’enseignant de dispenser les enseignements sur l’employabilité et l’entrepreneuriat. Cela ne saurait entrainer de frais supplémentaires ; dans le même volume horaire. En plus, les étudiants en Master peuvent coacher ceux des première et deuxième années. Il faudra peut-être leur trouver des primes, juste pour les motiver.
Les possibilités d’immersion en entreprise restent un challenge pour l’étudiant...
C’est justement pour cela que le troisième objectif de ces bureaux sera d’aller chercher les opportunités en fonction des compétences disponibles dans nos universités et de mettre les étudiants en rapport avec le secteur privé, notamment à travers divers évènements engageant les patrons. Cela peut s’étendre à la recherche de bourses étrangères. Parce que tout cela améliore l’employabilité. Ainsi, en tant que multiculturel, vous avez l’occasion de confronter vos connaissances à des expériences et cultures d'ailleurs.
Vous semblez privilégier l'anglais dans cet accompagnement de l’étudiant. Pourquoi ?
Effectivement, nous prévoyons des modules qui puissent permettre à l'étudiant de maitriser l’anglais parce que de nombreuses opportunités s'obtiennent à partir de l'anglais. C’est cette langue qui m’a permis de bénéficier d’une bourse du Rotary International pour aller faire un Master en deux ans au International Christian University (Icu) du Japon. Les cours étaient dispensés en anglais et japonais, globalement par des Américains et Canadiens. C’est également cette langue qui m’a permis d’aller travailler durant 15 mois en République centrafricaine avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Par exemple, rien que l’ambassade des États-Unis met à disposition des bourses d’études dans plus de 10 catégories. Si votre niveau de l'anglais est bon, vous avez vos chances. Les francophones ont plus de chances que les anglophones s’ils sont bilingues pour bénéficier de ce type d’opportunités.
Que peut-on retenir de votre expérience américaine qui est à l’origine de ce projet ?
Ce fut l’une de mes meilleures opportunités de partage d’expérience. Cette expérience américaine a tellement été riche que j’ai publié un livre sur les connaissances apprises : Guide pour un emploi de rêve.
Comment avez-vous eu cette bourse ?
Je voudrais remercier Dieu qui a permis que je sois retenu sur la quarantaine de candidats présélectionnés pour effectuer ce voyage d’apprentissage aux États-Unis. J’étais le seul Ivoirien sur plus de 150 nationalités qui participaient au programme. J'y ai passé 10 mois, d’août 2018 à juin 2019. Ma thématique ayant été le développement professionnel, j’ai fait un stage de 6 mois au service des carrières de l’Université d'État de Pennsylvanie (Penn State University). C’est une institution publique et différente de l’Université de Pennsylvanie (University of Pennsylvania). Structure privée, le Président de la République (Alassane Ouattara Ndlr) a étudié dans cette dernière université.
Ces études sont-elles sanctionnées par des certificats ?
Effectivement. Le plus important est même signé par le Président Donald Trump et le secrétaire d’État, Mike Pompeo. Des certificats m’ont aussi été délivrés par les universités de Pennsylvanie, de Bloomfield en Virginie occidentale. Plusieurs séminaires de formation nous ont valu également des certificats.
Vos étudiants ont-ils commencé à bénéficier des nouvelles techniques que vous voulez étendre à l’ensemble du monde universitaire public ?
Oui. Et chaque fois que je vais dispenser mes cours à mes étudiants de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, je partage avec eux différents aspects de cette expérience. Je leur dis que quand bien même on pourrait recourir à des formations complémentaires, il faut maitriser les bases de la sociologie que je leur enseigne. Parce que l’employeur suppose que l’étudiant maitrise les fondements de sa formation universitaire de base. Nous avons même trouvé facilement des emplois à trois d’entre eux. Pour ce faire, nous avons interagi avec des opérateurs économiques sur la base de leurs besoins, mais également en fonction des étudiants que nous avons présélectionnés et coachés.
Et avez-vous le sentiment que le message passe auprès de vos étudiants ?
Oui. Ils ont même émis l’idée d’initier les Journées du sociologue pour faire venir des employeurs, des patrons sur le campus et échanger avec eux et se vendre en fonction des besoins du marché de l’emploi. Et cette initiative peut être étendue à l’ensemble de l’université. Nous sommes en train peaufiner tout cela...
Le système Licence-Maitrise-Doctorat (Lmd) prévoit-il cela dans nos université ?
Oui. Mais tout cela va véritablement fonctionner quand les questions logistiques et techniques, notamment l’accès à Internet, seront totalement adressées. Nous saluons au passage l’opération ‘’Un étudiant, un ordinateur’’... Pour le moment, à notre humble niveau, nous invitons des professionnels à partager leurs expériences avec les étudiants pendant nos cours. En attendant de pouvoir le faire en ligne, nous le faisons en présentiel. Nous proposons quelque chose de systématique. L’étudiant ne tergiverse pas dans ses orientations. Quand il entre dans ce centre, il en ressort avec tous les instruments qui affinent son employabilité.
Des ressources doivent-elles être allouées à ce projet même si a priori, il ne semble pas exiger de gros moyens à l’État ?
Nous avons préparé ce projet depuis les États-Unis et remis le fichier Powerpoint aux autorités universitaires. Nous attendons qu’elles nous fassent un retour. Plusieurs collègues étroitement liés au projet ont été saisis, également. Nous pensons qu’ils vont s’y impliquer lorsque les décideurs auront décidé de le lancer. Et puis, si l’idée évolue vite, les universités pourraient avoir de l’argent en proposant ce service au secteur privé. Surtout que les étudiants bien encadrés peuvent brillamment mener les études dont ont besoin des institutions internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (Fmi) ou la Banque africaine de développement (Bad). C’est une voie ouverte vers des carrières dans ces instances internationales pour nos étudiants.
Comment cela va-t-il se faire concrètement ?
Ces bureaux vont créer des contenus curriculaires sur les théories de l’emploi et offrir du coaching à l’étudiant. Le coach est chargé d'aider l’étudiant à cerner les opportunités et méthodologies liées à la filière qu’il a choisie, mais aussi connaitre les formations complémentaires adéquates pour mieux valoriser ses connaissances. C’est aussi l'occasion de leur apprendre tout sur les curriculums vitae (Cv), la lettre de motivation, la manière de décortiquer une offre d’emploi au vu des compétences clés recherchées par l’employeur. Le postulant passe facilement à côté de l’opportunité s’il ne connait pas ces paramètres quand bien même il aurait les atouts recherchés. Ce, d’autant plus que l’employeur passe juste quelques secondes à lire les Cv et lettres de motivation. Surtout que les entreprises utilisent de plus en plus les Ats, ces machines chargées de retrouver les postulants présentant les qualités recherchées. Le bureau est aussi le lieu où l’étudiant est préparé à l’interview d’embauche. Une étape importante parce qu'elle permet à l'employeur de savoir si les compétences réelles du postulant sont en conformité avec le Cv.
Comment ces bureaux vont-ils se mettre en place ?
Pour commencer, il va falloir organiser les activités et recruter de la main-d’œuvre. Les conseillers et éducateurs de nos universités sont les premiers éléments qui constitueront les staffs d’accompagnement, au lieu de faire venir forcément des personnes de l’extérieur. Nous allons dispenser les cours que nous avons appris aux États-Unis, notamment sur les théories fondatrices de l’emploi que nous allons adapter à nos réalités locales. Ce sont des cours que nous entendons annexer à différents programmes ou niveaux d’études. Notamment à partir de la Licence où les étudiants sont souvent à la recherche d’emploi. Les bases concernant les Cv ou les lettres de motivation peuvent être proposées en première et deuxième années pour l’étudiant qui a une opportunité et a besoin d’accompagnement. C’est un peu du coaching personnalisé mais sur rendez-vous. D’autant plus que l’étudiant se sera préalablement inscrit en ligne en exprimant ses besoins.
Cette prestation coûtera-t-elle de l’argent à l’étudiant ?
Non. C’est un service supplémentaire que l’université publique offrirait à l’étudiant pour mieux adresser la question de l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi. Je suis enseignant à l’université. L’État ne va pas me payer davantage pour ce service. Cela entre dans le cadre de notre mission d’encadrement. Il faudra peut-être alléger certains programmes pour permettre à l’enseignant de dispenser les enseignements sur l’employabilité et l’entrepreneuriat. Cela ne saurait entrainer de frais supplémentaires ; dans le même volume horaire. En plus, les étudiants en Master peuvent coacher ceux des première et deuxième années. Il faudra peut-être leur trouver des primes, juste pour les motiver.
Les possibilités d’immersion en entreprise restent un challenge pour l’étudiant...
C’est justement pour cela que le troisième objectif de ces bureaux sera d’aller chercher les opportunités en fonction des compétences disponibles dans nos universités et de mettre les étudiants en rapport avec le secteur privé, notamment à travers divers évènements engageant les patrons. Cela peut s’étendre à la recherche de bourses étrangères. Parce que tout cela améliore l’employabilité. Ainsi, en tant que multiculturel, vous avez l’occasion de confronter vos connaissances à des expériences et cultures d'ailleurs.
Vous semblez privilégier l'anglais dans cet accompagnement de l’étudiant. Pourquoi ?
Effectivement, nous prévoyons des modules qui puissent permettre à l'étudiant de maitriser l’anglais parce que de nombreuses opportunités s'obtiennent à partir de l'anglais. C’est cette langue qui m’a permis de bénéficier d’une bourse du Rotary International pour aller faire un Master en deux ans au International Christian University (Icu) du Japon. Les cours étaient dispensés en anglais et japonais, globalement par des Américains et Canadiens. C’est également cette langue qui m’a permis d’aller travailler durant 15 mois en République centrafricaine avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Par exemple, rien que l’ambassade des États-Unis met à disposition des bourses d’études dans plus de 10 catégories. Si votre niveau de l'anglais est bon, vous avez vos chances. Les francophones ont plus de chances que les anglophones s’ils sont bilingues pour bénéficier de ce type d’opportunités.
Que peut-on retenir de votre expérience américaine qui est à l’origine de ce projet ?
Ce fut l’une de mes meilleures opportunités de partage d’expérience. Cette expérience américaine a tellement été riche que j’ai publié un livre sur les connaissances apprises : Guide pour un emploi de rêve.
Comment avez-vous eu cette bourse ?
Je voudrais remercier Dieu qui a permis que je sois retenu sur la quarantaine de candidats présélectionnés pour effectuer ce voyage d’apprentissage aux États-Unis. J’étais le seul Ivoirien sur plus de 150 nationalités qui participaient au programme. J'y ai passé 10 mois, d’août 2018 à juin 2019. Ma thématique ayant été le développement professionnel, j’ai fait un stage de 6 mois au service des carrières de l’Université d'État de Pennsylvanie (Penn State University). C’est une institution publique et différente de l’Université de Pennsylvanie (University of Pennsylvania). Structure privée, le Président de la République (Alassane Ouattara Ndlr) a étudié dans cette dernière université.
Ces études sont-elles sanctionnées par des certificats ?
Effectivement. Le plus important est même signé par le Président Donald Trump et le secrétaire d’État, Mike Pompeo. Des certificats m’ont aussi été délivrés par les universités de Pennsylvanie, de Bloomfield en Virginie occidentale. Plusieurs séminaires de formation nous ont valu également des certificats.
Vos étudiants ont-ils commencé à bénéficier des nouvelles techniques que vous voulez étendre à l’ensemble du monde universitaire public ?
Oui. Et chaque fois que je vais dispenser mes cours à mes étudiants de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, je partage avec eux différents aspects de cette expérience. Je leur dis que quand bien même on pourrait recourir à des formations complémentaires, il faut maitriser les bases de la sociologie que je leur enseigne. Parce que l’employeur suppose que l’étudiant maitrise les fondements de sa formation universitaire de base. Nous avons même trouvé facilement des emplois à trois d’entre eux. Pour ce faire, nous avons interagi avec des opérateurs économiques sur la base de leurs besoins, mais également en fonction des étudiants que nous avons présélectionnés et coachés.
Et avez-vous le sentiment que le message passe auprès de vos étudiants ?
Oui. Ils ont même émis l’idée d’initier les Journées du sociologue pour faire venir des employeurs, des patrons sur le campus et échanger avec eux et se vendre en fonction des besoins du marché de l’emploi. Et cette initiative peut être étendue à l’ensemble de l’université. Nous sommes en train peaufiner tout cela...
Le système Licence-Maitrise-Doctorat (Lmd) prévoit-il cela dans nos université ?
Oui. Mais tout cela va véritablement fonctionner quand les questions logistiques et techniques, notamment l’accès à Internet, seront totalement adressées. Nous saluons au passage l’opération ‘’Un étudiant, un ordinateur’’... Pour le moment, à notre humble niveau, nous invitons des professionnels à partager leurs expériences avec les étudiants pendant nos cours. En attendant de pouvoir le faire en ligne, nous le faisons en présentiel. Nous proposons quelque chose de systématique. L’étudiant ne tergiverse pas dans ses orientations. Quand il entre dans ce centre, il en ressort avec tous les instruments qui affinent son employabilité.
Des ressources doivent-elles être allouées à ce projet même si a priori, il ne semble pas exiger de gros moyens à l’État ?
Nous avons préparé ce projet depuis les États-Unis et remis le fichier Powerpoint aux autorités universitaires. Nous attendons qu’elles nous fassent un retour. Plusieurs collègues étroitement liés au projet ont été saisis, également. Nous pensons qu’ils vont s’y impliquer lorsque les décideurs auront décidé de le lancer. Et puis, si l’idée évolue vite, les universités pourraient avoir de l’argent en proposant ce service au secteur privé. Surtout que les étudiants bien encadrés peuvent brillamment mener les études dont ont besoin des institutions internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (Fmi) ou la Banque africaine de développement (Bad). C’est une voie ouverte vers des carrières dans ces instances internationales pour nos étudiants.