Passer d’une cours et d'une ruelle à une autre dans les quartiers situés sur la route de Grans Bassam, c’est vraiment la croix et la bannière. De braves riverains comme Jean Louis Dadi (au fond en bleu) sont obligés d’orienter les passants pour éviter qu’ils ne s’embourbent.
Elles donnent pour la majorité l’image de ‘’maisons sur pilotis’’ parce que plongées dans l’eau en cette saison des pluies. Et pourtant, elles n’ont pas de poteaux enfoncés dans le sol servant d’assise et permettant que le haut de la construction soit préservé d’une inondation. Elles sont en réalité envahies par l’eau. En grande partie. Elles, ce sont les habitations des sous-quartiers de la commune de Port-Bouët situées de chaque côté de l’axe Abidjan- Grand-Bassam. Il s’agit d’Adjouffou, Gonzagueville et Anani. Le 24 juin, nous avons parcouru ces sous-quartiers et pu nous rendre compte des difficultés des riverains. Il est 10 heures lorsque nous arrivons à Gonzagueville, premier des deux sous-quartiers dans le sens Port-Bouët-Grand-Bassam. C’est une vaste mare qui nous accueille. Nous découvrons un petit marché de fortune partiellement inondé. Les autres marchés, plus fonctionnels par le passé, étant, selon des témoignages, sous les eaux. Clients et vendeurs sont soient arrêtés sur des pierres, soient ils ont les pieds dans l’eau. « Puisque je n’ai pas de bottes, je me sers des pierres pour éviter de prendre froid pendant que j’écoule petit à petit ma marchandise », explique Blandine, une vendeuse de poissons frais. Tout comme Blandine, la quasi-totalité des commerçants en ces lieux mènent leurs activités malgré les pluies diluviennes. A Gonzagueville, les principales rues et annexes autrefois parsemées de crevasses n’existent pratiquement plus du fait des eaux de pluie qui y règnent en maître. En fait, c’est pire : commerces, habitations, restaurants, églises et maquis, etc., sont sous les eaux. « Chaque jour, nous sommes obligés, à l’aide de nos récipients, de vider nos magasins », se désole Boni Franck, gérant d’un point de transfert de fonds. Qui précise qu’en plus de vendre les pieds dans l’eau chaque jour, ils sont pour la plus grande partie obligés de se rendre chez eux en pataugeant. D’autres riverains, dans l’incapacité de mener leurs activités, ont carrément fermés leurs magasins.
C’est le cas de Delphine Yao et ses voisins du sous-quartier ‘’Carton’’, à Adjouffou. Cette mère, la cinquantaine révolue, confie que leurs magasins respectifs ont été inondés depuis les fortes pluies qui se sont abattues sur Abidjan la semaine dernière. Depuis cette période, l’eau stagne sur une distance de près de trois cent mètres dans le périmètre de leurs magasins.
Plus de passage pour les véhiculesA cause de la forte inondation, il est impossible pour les véhicules d’avoir accès à ces sous-quartiers. A Adjouffou par exemple, le président du quartier Belleville, Jean-Louis Dadi affirme que les véhicules de transport en commun refusent désormais de s’y rendre. Des voitures pourtant nécessaires pour se rendre à Grand-Bassam ou dans les autres communes de la capitale économique. Les habitants d’Adjouffou sont obligés de parcourir quatre kilomètres à pied pour espérer avoir un véhicule qui va les emmener à leur destination. Les quelques conducteurs de mini cars qui se sont entêtés à venir à Adjouffou vivent des mésaventures. « Mon frère, depuis lundi, mon véhicule est immobilisé dans l’eau parce que, ne connaissant pas sa profondeur, j’ai voulu passer de force », explique attristé Moussa. Face à cette situation désastreuse pour les populations, Trazié Guy Pacome, président des jeunes du quartier Gonzagueville, fait part de son inquiétude. Il se demande comment seront évacués les malades, les femmes en couches, etc. « Nous faisons partie des citoyens et habitants de la Côte d’Ivoire, donc avons les mêmes droits et devoirs que nos frères des autres quartiers », lance Jean-Louis Dadi, indigné.