Covid-19: L’Ivoirienne Mireille Dosso dans les onze Africains et Africaines qui contribuent à contenir la pandémie sur leur continent
Que ce soit à l’OMS, au sein de l’UA ou à l’échelle nationale, ces personnalités tiennent, pour l’heure avec succès, en joue le coronavirus. L’Afrique est pour l’heure le continent qui résiste le mieux à la pandémie liée au coronavirus. Ce continent, qui n’en est pas à sa première épidémie, a choisi pour faire face au Covid-19 des femmes et des hommes qui connaissent les virus et ont fait leurs preuves en santé publique. Portraits de onze personnalités qui ont élaboré des stratégies pour limiter « l’hécatombe » tant redoutée.
Matshidiso Moeti, « Madame Afrique » de l’OMS
Elle n’hésite pas à mettre en garde un chef d’Etat. Lorsque le président malgache, Andry Rajoelina, promeut et exporte son prétendu remède préventif à base d’artemisia et d’autres plantes, Matshidiso Moeti intervient. La responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique rappelle fermement que les vertus de cette tisane n’ont pas été scientifiquement démontrées et recommande au président Rajoelina de soumettre son produit à des « essais cliniques » pour « vérifier son efficacité ». Une manière diplomatique de condamner un prosélytisme présidentiel jugé dangereux.
En ces temps de crise sanitaire mondiale, cette médecin botswanaise est devenue le visage et la voix d’une riposte africaine rapide et drastique. S’efforçant de prendre en compte les particularités socio-économiques du continent et de composer avec des systèmes de santé trop souvent défaillants et négligés par les pouvoirs, elle prône la mise en place de « mécanismes préventifs pour éviter une destruction de ces dispositifs de santé ».
Fille de médecins, « Tshidi » a grandi dans un township de l’est de Johannesburg, durant l’apartheid, avant de partir avec sa famille au Botswana. Elle poursuit ses études de médecine au Royaume-Uni, à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, et, après avoir officié de 1978 à 1994 au ministère botswanais de la santé, rejoint les Nations unies à travers l’Unicef, l’Onusida puis l’OMS, dont elle deviendra en 2015 la directrice Afrique.
A ce poste, la docteure Moeti a déjà fait face à plusieurs épidémies, comme la maladie à virus Ebola qui sévit toujours dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Face au Covid-19, elle a préconisé des mesures strictes de confinement. Une récente étude de l’OMS prévoit entre 83 000 et 190 000 morts et 44 millions de personnes infectées en Afrique en l’absence de confinement. « Le Covid-19 pourrait faire partie de nos vies au cours des prochaines années, a déclaré Matshidiso Moeti. Nous devons tester, retracer, isoler et traiter. »
John Nkengasong, le virologue de l’UA
Il est le grand orchestrateur de la riposte continentale. John Nkengasong, 61 ans, enchaîne les réunions virtuelles avec les chefs d’Etat, les ministres de la santé, Matshidiso Moeti et les responsables des centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Ce virologue camerounais bénéficie d’une expérience de vingt ans dans les CDC des Etats-Unis. Depuis novembre 2016, il dirige celui de l’Union africaine (UA), le CDC-Africa, nouvellement créé sur décision des présidents africains soucieux de se doter d’un outil continental au lendemain de l’épidémie d’Ebola qui a coûté la vie à plus de 11 000 personnes en Afrique de l’Ouest entre décembre 2013 et mars 2016.
Très tôt, le biologiste camerounais a compris l’ampleur de la crise liée au coronavirus. A peine huit jours après le premier cas officiellement signalé en Egypte, il a réuni les ministres de la santé d’Afrique pour les sensibiliser, les exhortant à « se préparer au pire ». Ce qui, à ce jour, n’est pas arrivé. Mais « il faut rester très prudent et ne surtout pas verser dans l’autosatisfaction », dit-il.
Depuis Addis-Abeba, où se trouve le siège provisoire du CDC-Africa, John Nkengasong ne se contente pas de scruter les courbes épidémiques. Alors que seuls deux pays africains pouvaient tester la présence du coronavirus au début de la crise, ils sont désormais plus de 40. Le patron du CDC-Africa poursuit ses efforts pour que tous les pays du continent disposent de kits de dépistage. Lorsque le président tanzanien, John Magufuli, qui a nié les effets du Covid-19, se plaint de l’efficacité des tests reçus, le Camerounais ne plie pas. « Nous savons que les tests utilisés en Tanzanie fonctionnent très bien », a-t-il publiquement déclaré.
Il s’est lui-même chargé de coordonner l’acheminement à chaque pays membre de l’UA d’équipements tels que des masques, des gants et, plus récemment, des kits de dépistage de la fondation du milliardaire chinois Jack Ma. « Un soutien crucial », souligne celui qui doit composer dans l’urgence avec des Etats pauvrement équipés sur le plan médical et des partenaires occidentaux peu enclins à partager ou à donner du matériel et des équipements. Le docteur Nkengasong se considère en « guerre » contre le coronavirus d’abord, mais aussi pour que l’Afrique ne soit pas négligée et qu’elle se dote enfin de capacités sanitaires, de recherche et de production de médicaments et de vaccins.
Les « Fab Four » de l’économie africaine
Depuis un peu plus d’un mois, quatre personnalités de haut niveau désignées par le président de l’Afrique du Sud et de l’Union africaine (UA), Cyril Ramaphosa, s’activent pour contrer les effets économiques de la crise sanitaire. Ce quatuor se compose de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des finances passée notamment par la Banque mondiale, de son homologue sud-africain Trevor Manuel, du Rwandais Donald Kaberuka, ex-président de la Banque africaine de développement (BAD), et de l’Ivoirien Tidjane Thiam, ancien directeur général du groupe Crédit suisse.
Une équipe haut de gamme. Ces envoyés spéciaux de l’UA, dotés de réseaux politiques, d’affaires et financiers internationaux, ont la lourde tâche de « mobiliser le soutien » indispensable pour permettre au continent de « relever les défis économiques » provoqués par le Covid-19. « La manière dont je définirais notre mandat, c’est de s’assurer que face à cette crise, des mesures soient prises de sorte qu’il n’y ait pas de dommages économiques permanents en Afrique et qu’elle puisse continuer à croître », a expliqué Tidjane Thiam sur TV5 Monde.
L’UA comme les institutions de Bretton Woods prévoient une récession imminente et redoutée, après une croissance de 3,1 % en 2019. La première en vingt-cinq ans. Les pays pétroliers, dépendants des fluctuations des cours qui ont dégringolé, sont les principaux touchés par la crise sanitaire mondiale. D’autres peinent à se remettre des semaines de confinement qui ont paralysé les économies. Et la question de l’annulation de la dette – 50 milliards de dollars arrivant à échéance cette année – reste en suspens.
« Aujourd’hui plus que jamais, les pays riches doivent soutenir le monde en développement, a écrit Ngozi Okonjo-Iweala dans une tribune publiée fin avril. C’est le moment où nous pouvons et devons concevoir un nouveau contrat social et faire preuve de solidarité avec les communautés les plus vulnérables. »
Mireille Dosso, la « première » en Côte d’Ivoire
Elle n’en est pas à son premier combat. « La Côte d’Ivoire a malheureusement une grande tradition en matière d’épidémies et de pandémies », explique la professeure Mireille Dosso. Cette scientifique de 68 ans est en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. Depuis 2004, elle est à la tête de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, créé en 1972 par le président d’alors, Félix Houphouët-Boigny, précisément pour lutter contre les grandes épidémies et notamment celle de la fièvre jaune qui sévissait à ce moment-là dans le pays.
Aujourd’hui, Mireille Dosso fait partie du conseil scientifique chargé du suivi de la « riposte sanitaire » et conseille le gouvernement. Seule femme de cette « task force », elle s’occupe du volet « laboratoire », qu’elle a d’ailleurs mis en branle « dès le 25 janvier, quand on a vu ce qui se passait en Chine », dit-elle. Chaque jour, ses équipes analysent plus de 500 échantillons. Première femme ivoirienne microbiologiste, première virologue du pays, première femme à diriger l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, elle cumule les titres de « première femme » à avoir obtenu des postes jusque-là tenus par des hommes – mais elle n’aime pas qu’on le lui rappelle.
Mireille Dosso préfère parler de ses combats menés contre les épidémies : grippe aviaire, H1N1, Ebola et tout dernièrement, en 2019, « grippe tropicale » – l’autre nom de la dengue. De par son expérience, elle s’interdit tout emballement sur les chiffres de contamination, « certes meilleurs que prévus » en Côte d’Ivoire et en Afrique. « Nous nous sommes mobilisés précocement, ce qui explique en partie l’allure moins vive qu’attendue de la pandémie », dit-elle. Avant de mettre en garde : « Il faut rester prudent et vigilant, le monde microbien est complexe et souvent cruel. » Lire la suite sur...
Elle n’hésite pas à mettre en garde un chef d’Etat. Lorsque le président malgache, Andry Rajoelina, promeut et exporte son prétendu remède préventif à base d’artemisia et d’autres plantes, Matshidiso Moeti intervient. La responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique rappelle fermement que les vertus de cette tisane n’ont pas été scientifiquement démontrées et recommande au président Rajoelina de soumettre son produit à des « essais cliniques » pour « vérifier son efficacité ». Une manière diplomatique de condamner un prosélytisme présidentiel jugé dangereux.
En ces temps de crise sanitaire mondiale, cette médecin botswanaise est devenue le visage et la voix d’une riposte africaine rapide et drastique. S’efforçant de prendre en compte les particularités socio-économiques du continent et de composer avec des systèmes de santé trop souvent défaillants et négligés par les pouvoirs, elle prône la mise en place de « mécanismes préventifs pour éviter une destruction de ces dispositifs de santé ».
Fille de médecins, « Tshidi » a grandi dans un township de l’est de Johannesburg, durant l’apartheid, avant de partir avec sa famille au Botswana. Elle poursuit ses études de médecine au Royaume-Uni, à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, et, après avoir officié de 1978 à 1994 au ministère botswanais de la santé, rejoint les Nations unies à travers l’Unicef, l’Onusida puis l’OMS, dont elle deviendra en 2015 la directrice Afrique.
A ce poste, la docteure Moeti a déjà fait face à plusieurs épidémies, comme la maladie à virus Ebola qui sévit toujours dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Face au Covid-19, elle a préconisé des mesures strictes de confinement. Une récente étude de l’OMS prévoit entre 83 000 et 190 000 morts et 44 millions de personnes infectées en Afrique en l’absence de confinement. « Le Covid-19 pourrait faire partie de nos vies au cours des prochaines années, a déclaré Matshidiso Moeti. Nous devons tester, retracer, isoler et traiter. »
John Nkengasong, le virologue de l’UA
Il est le grand orchestrateur de la riposte continentale. John Nkengasong, 61 ans, enchaîne les réunions virtuelles avec les chefs d’Etat, les ministres de la santé, Matshidiso Moeti et les responsables des centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Ce virologue camerounais bénéficie d’une expérience de vingt ans dans les CDC des Etats-Unis. Depuis novembre 2016, il dirige celui de l’Union africaine (UA), le CDC-Africa, nouvellement créé sur décision des présidents africains soucieux de se doter d’un outil continental au lendemain de l’épidémie d’Ebola qui a coûté la vie à plus de 11 000 personnes en Afrique de l’Ouest entre décembre 2013 et mars 2016.
Très tôt, le biologiste camerounais a compris l’ampleur de la crise liée au coronavirus. A peine huit jours après le premier cas officiellement signalé en Egypte, il a réuni les ministres de la santé d’Afrique pour les sensibiliser, les exhortant à « se préparer au pire ». Ce qui, à ce jour, n’est pas arrivé. Mais « il faut rester très prudent et ne surtout pas verser dans l’autosatisfaction », dit-il.
Depuis Addis-Abeba, où se trouve le siège provisoire du CDC-Africa, John Nkengasong ne se contente pas de scruter les courbes épidémiques. Alors que seuls deux pays africains pouvaient tester la présence du coronavirus au début de la crise, ils sont désormais plus de 40. Le patron du CDC-Africa poursuit ses efforts pour que tous les pays du continent disposent de kits de dépistage. Lorsque le président tanzanien, John Magufuli, qui a nié les effets du Covid-19, se plaint de l’efficacité des tests reçus, le Camerounais ne plie pas. « Nous savons que les tests utilisés en Tanzanie fonctionnent très bien », a-t-il publiquement déclaré.
Il s’est lui-même chargé de coordonner l’acheminement à chaque pays membre de l’UA d’équipements tels que des masques, des gants et, plus récemment, des kits de dépistage de la fondation du milliardaire chinois Jack Ma. « Un soutien crucial », souligne celui qui doit composer dans l’urgence avec des Etats pauvrement équipés sur le plan médical et des partenaires occidentaux peu enclins à partager ou à donner du matériel et des équipements. Le docteur Nkengasong se considère en « guerre » contre le coronavirus d’abord, mais aussi pour que l’Afrique ne soit pas négligée et qu’elle se dote enfin de capacités sanitaires, de recherche et de production de médicaments et de vaccins.
Les « Fab Four » de l’économie africaine
Depuis un peu plus d’un mois, quatre personnalités de haut niveau désignées par le président de l’Afrique du Sud et de l’Union africaine (UA), Cyril Ramaphosa, s’activent pour contrer les effets économiques de la crise sanitaire. Ce quatuor se compose de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des finances passée notamment par la Banque mondiale, de son homologue sud-africain Trevor Manuel, du Rwandais Donald Kaberuka, ex-président de la Banque africaine de développement (BAD), et de l’Ivoirien Tidjane Thiam, ancien directeur général du groupe Crédit suisse.
Une équipe haut de gamme. Ces envoyés spéciaux de l’UA, dotés de réseaux politiques, d’affaires et financiers internationaux, ont la lourde tâche de « mobiliser le soutien » indispensable pour permettre au continent de « relever les défis économiques » provoqués par le Covid-19. « La manière dont je définirais notre mandat, c’est de s’assurer que face à cette crise, des mesures soient prises de sorte qu’il n’y ait pas de dommages économiques permanents en Afrique et qu’elle puisse continuer à croître », a expliqué Tidjane Thiam sur TV5 Monde.
L’UA comme les institutions de Bretton Woods prévoient une récession imminente et redoutée, après une croissance de 3,1 % en 2019. La première en vingt-cinq ans. Les pays pétroliers, dépendants des fluctuations des cours qui ont dégringolé, sont les principaux touchés par la crise sanitaire mondiale. D’autres peinent à se remettre des semaines de confinement qui ont paralysé les économies. Et la question de l’annulation de la dette – 50 milliards de dollars arrivant à échéance cette année – reste en suspens.
« Aujourd’hui plus que jamais, les pays riches doivent soutenir le monde en développement, a écrit Ngozi Okonjo-Iweala dans une tribune publiée fin avril. C’est le moment où nous pouvons et devons concevoir un nouveau contrat social et faire preuve de solidarité avec les communautés les plus vulnérables. »
Mireille Dosso, la « première » en Côte d’Ivoire
Elle n’en est pas à son premier combat. « La Côte d’Ivoire a malheureusement une grande tradition en matière d’épidémies et de pandémies », explique la professeure Mireille Dosso. Cette scientifique de 68 ans est en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. Depuis 2004, elle est à la tête de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, créé en 1972 par le président d’alors, Félix Houphouët-Boigny, précisément pour lutter contre les grandes épidémies et notamment celle de la fièvre jaune qui sévissait à ce moment-là dans le pays.
Aujourd’hui, Mireille Dosso fait partie du conseil scientifique chargé du suivi de la « riposte sanitaire » et conseille le gouvernement. Seule femme de cette « task force », elle s’occupe du volet « laboratoire », qu’elle a d’ailleurs mis en branle « dès le 25 janvier, quand on a vu ce qui se passait en Chine », dit-elle. Chaque jour, ses équipes analysent plus de 500 échantillons. Première femme ivoirienne microbiologiste, première virologue du pays, première femme à diriger l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, elle cumule les titres de « première femme » à avoir obtenu des postes jusque-là tenus par des hommes – mais elle n’aime pas qu’on le lui rappelle.
Mireille Dosso préfère parler de ses combats menés contre les épidémies : grippe aviaire, H1N1, Ebola et tout dernièrement, en 2019, « grippe tropicale » – l’autre nom de la dengue. De par son expérience, elle s’interdit tout emballement sur les chiffres de contamination, « certes meilleurs que prévus » en Côte d’Ivoire et en Afrique. « Nous nous sommes mobilisés précocement, ce qui explique en partie l’allure moins vive qu’attendue de la pandémie », dit-elle. Avant de mettre en garde : « Il faut rester prudent et vigilant, le monde microbien est complexe et souvent cruel. » Lire la suite sur...