Interview / N’Datin Koné (Fondateur de collège à Dabou) : « Les congés anticipés sont soutenus par des chefs d’établissement ! »

N'datin Koné, fondateur école à Dabou. (Ph: Groupe 1)
N'datin Koné, fondateur école à Dabou. (Ph: Groupe 1)
N'datin Koné, fondateur école à Dabou. (Ph: Groupe 1)

Interview / N’Datin Koné (Fondateur de collège à Dabou) : « Les congés anticipés sont soutenus par des chefs d’établissement ! »

Grèves, manifestations, mouvements de foules. Voici le tumultueux quotidien des lycées et collèges de Dabou, chaque année avant le départ officiel pour les congés scolaires. Le mouvement des « congés anticipés » enclenchés par les élèves ne cesse de monter en puissance avec des élèves de plus en plus révoltés contre le calendrier officiel du ministère de l’Education Nationale. Cette situation déplorable sème la crainte au sein des établissements qui en paient les frais. M. N’Datin Koné, Directeur et fondateur du Collège Châteaubriand de Dabou, nous en parle dans cet entretien.
  • Monsieur le Directeur, selon nos informations, votre école vit aussi le phénomène des congés anticipés. A votre avis, quelles sont les raisons fondamentales qui poussent les élèves à réclamer des congés anticipés ?


N’Datin Koné : Selon plusieurs élèves, les congés anticipés leur permettent de mieux préparer les fêtes. Ils trouvent également que le temps des congés est trop court dans le calendrier scolaire.
  • Comment s’organisent ces mouvements dans votre collège ?


NK: Par les téléphones portables, les élèves s’envoient des messages et fixent un lieu de rendez-vous. Ensuite, ils se regroupent et arrivent dans chaque école choisie où à l’aide d’un sifflet, ils alertent leurs camarades et leur demandent de sortir. Très souvent, les initiateurs lancent des pierres, des bouteilles, et brandissent des gourdins pour effrayer les élèves qui refusent de sortir des classes.
  • L’un de vos élèves a été arrêté et emprisonné à l’issue de ces manifestations. Que s’est-il passé exactement ?


NK: Effectivement, l’un de nos élèves a été emprisonné mais reconnu non coupable après un procès au tribunal de Dabou. Il était accusé de destruction de biens publics pendant les manifestations pour des Congés anticipés. En ce qui nous concerne, nous n’avons fait que suivre la procédure judiciaire et essayé de calmer nos élèves qui voulaient passer par tous les moyens, y compris la violence, pour libérer leur camarade emprisonné.
  • Les élèves sont-ils les uniques commanditaires de ses mouvements ?


NK : Malheureusement non, ils sont soutenus par certains chefs d’établissement. L’année dernière, il y en a un qui a été pris en flagrant délit d’incitation à ces violences. Il poussait les élèves à manifester et à faire la grève, moyennant la petite somme de 5000 FCFA.
  • Pourquoi, selon vous ?


NK: En fait, l’enjeu principal serait de ne pas payer les enseignants à partir du moment où il n’y a pas de cours. Cela diminue la masse de salaires mensuels et le fondateur gagne davantage d’argent.
  • Et comment l’autorité a-t-elle réagi ?


NK : De ce que je sais, le fondateur fautif a été convoqué pour répondre de ses actes. Mais, je n’en sais pas davantage.
  • Quelles sont les conséquences sur le fonctionnement de l’administration dans votre établissement ?


NK : Bien évidemment, les grèves bousculent fortement le programme annuel. Ça nous donne même un double boulot quant à la programmation des cours et des devoirs. Mais je pense qu’au-delà de nos établissements, cette situation touche fortement le ministère de l’Education nationale.
  • Quelle stratégie mettez-vous en place pour lutter contre cette forme de délinquance juvénile ?


NK: Tout ce qu’on peut faire, c’est de sensibiliser. Car de plus en plus, les élèves constatent que ces perturbations ne les arrangent pas non plus. Ici à Dabou, Madame le Procureur participe également chaque lundi au salut aux couleurs avec les élèves pour leur rappeler l’importance du civisme et de la discipline contre les conséquences fâcheuses de ces congés anticipés. Quant à la Direction régionale de l’Education nationale (DREN), elle essaie tant bien que mal de nous aider. Et l’une des innovations qui marche très bien ici, c’est la mise en place d’une période de composition régionale d’une semaine avant les congés, afin d’occuper l’esprit des élèves et leur enlever l’envie de manifester. Mais là encore, certains fondateurs d’établissements font fuiter les sujets pour inciter les élèves à ne pas composer en quittant plus tôt l’école. Tout ça, pour ne pas payer leurs surveillants.

La rédaction