Pandémie du coronavirus : La stratégie des ports ivoiriens pour maintenir la compétitivité

La crise sanitaire de la Covid-19 a mis à l'épreuve les activités portuaires. (DR)
La crise sanitaire de la Covid-19 a mis à l'épreuve les activités portuaires. (DR)
La crise sanitaire de la Covid-19 a mis à l'épreuve les activités portuaires. (DR)

Pandémie du coronavirus : La stratégie des ports ivoiriens pour maintenir la compétitivité

Le 31/08/20 à 17:23
modifié 06/10/20 à 10:30
La pandémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve toutes les structures économiques de la Côte d’Ivoire dont l’un de ses poumons, le secteur portuaire. La gestion rigoureuse de cette crise sanitaire par les acteurs du domaine a évité l’asphyxie.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 n’a épargné aucun secteur de l’économie ivoirienne. Dans la communauté portuaire, les pièces maîtresses de cette puissante machine : armateurs, avitailleurs, consignataires, chargeurs, manutentionnaires, logistique, transit et bien d’autres, ont été impactées par la crise, malgré les mesures prises pour la continuité des activités. D’ailleurs les principaux responsables des entreprises de la plateforme portuaire, que nous avons rencontrés ne nient pas cette évidence.

Ce lundi, 4 août 2020, Pierre Guigrehi Aklegbou, porte-parole de la Fédération nationale des dockers et deux de ses collègues ne se sont pas fait prier pour nous recevoir dans le hall d’embauches, situé à proximité de la Direction générale du Port. « Bien que les ports aient travaillé 24h/24 pendant la crise, le volume de nos activités a baissé de façon drastique. Contre une moyenne de 3000 embauches par jour, dans ce seul hall, ces derniers temps, nous n’avons pu dépasser le quart, c’est-à-dire 700 », se désole ce responsable.

De quoi nous donner une idée de l’impact de la crise sanitaire sur les activités de son secteur. On le sait, en tant qu’acteur intournable dans l’activité portuaire, le docker joue un rôle prépondérant dans l’économie nationale. Il est impliqué dans 90% des échanges commerciaux se faisant par voie maritime. C’est lui qui décharge les marchandises des navires qui mouillent dans les ports.

« Les navires que nous déchargeons, ici, viennent des pays où le coronavirus a sévèrement sévi avec son lot de malades et de décès. Des collègues ont même été contaminés. Au niveau des denrées, les produits traditionnels tels que le soja, le blé, les pâtes alimentaires, proviennent des pays d’Asie, d’Europe, d’Amérique latine fortement touchés par la pandémie. C’est le cas entre autre de l’Inde, du Pakistan », nous fait savoir le porte-parole de la fédération.

Pierre Sahué Aby, membre du patronat maritime ivoirien. (DR)
Pierre Sahué Aby, membre du patronat maritime ivoirien. (DR)



Le secrétaire général, Magoné Bi, nous informe lui, que les effectifs ont été réduits dans les pays d’où proviennent les navires, à cause du confinement. Conséquence : un navire qui pouvait seulement charger en une semaine, le fait en un mois, voire plus. Inutile donc de dire que la crise sanitaire a provoqué le chômage et entraîné des conséquences sociales chez les acteurs de la plateforme portuaire. Par exemple, nombre d’entre eux n’ont pas pu scolariser leurs enfants et subvenir à d’autres charges familiales.

Pour la santé des dockers, M. Magoné Bi n’a pas manqué d’interpeller les autorités compétentes, afin qu’elles soient plus regardantes sur les conditions d’hygiène dans le milieu où ils exercent.

A la Société des entreprises de manutention des ports autonomes d’Abidjan et de San Pedro (Sempa), chargée du recrutement des dockers, les employés vivent les mêmes réalités. Chantal Yapo, la directrice de l’audit interne affirme que la crise sanitaire a fait baisser de 14% le chiffre d’affaires de l’entreprise, sans plus de détails. Elle fait seulement remarquer que cette baisse a faussé les prévisions de la société. Dans cette grisaille, le haut patronat maritime n’est pas mieux loti. La crise sanitaire a évidemment touché les échanges commerciaux.

Le trafic maritime entre la Côte d’Ivoire et ses partenaires économiques d’Asie, d’Amérique et d’ailleurs a baissé. « Nous sommes un pays importateur ; mais avec la survenue de cette crise, la plupart de nos partenaires étrangers ont été mis en isolement. Des ports étaient fermés à cause des restrictions imposées par les gouvernements pour contenir la pandémie. C’est pourquoi, les navires viennent difficilement dans les ports. Il y a un ralentissement des activités au niveau des plateformes portuaires de San Pedro et d’Abidjan. Les chiffres d’affaires ont baissé, les tonnages également », a fait savoir Pierre Sahué Aby, membre du patronat.

Du côté d’Abidjan Terminal dont la mission essentielle dans le dispositif portuaire national est le déchargement et le chargement des navires porte-conteneurs (y compris shifting et transbordement des conteneurs) ; le contrôle, stockage et la surveillance des conteneurs ; la livraison à l’import et le positionnement à l’export des conteneurs sur le parc, la directrice générale Atsa Rosa Cissé, fait savoir que la crise sanitaire a eu un impact sur l’arrivée des navires au port d’Abidjan.

« La crise n’a quasiment pas affecté les volumes des trois (3) premiers mois d’activité du terminal, qui affichaient une hausse de +6% par rapport à 2019. L’impact réel de la crise sanitaire sur notre activité s’est fait ressenti sur le second trimestre. L’effet covid-19 a été perceptible sur les mois d’Avril et Mai surtout sur les volumes export -20% (cajou, coton) liés des chocs d’offres lié aux difficultés d’acheminement des produits export des zones de production à Abidjan et des chocs de demande dû à la fermeture des frontières et mesures de confinement dans les grands pays importateurs (Inde, Vietnam, etc.) », a affirmé Atsa Rosa Cissé. Qui n’a pas manqué de rappeler que, sur l’année 2019 Abidjan Terminal a traité en moyenne 31,9 navires/mois.

A ce jour à fin juillet 2020, 221 navires, ont été traité ce qui représente une moyenne de 31,6 navires/mois quasiment similaires aux statistiques usuelles.

Une gestion rigoureuse de la pandémie

Pour minimiser l’impact de la Covid-19 sur leurs activités, les entreprises de la plateforme portuaire ont pris des dispositions particulières. Pour le Directeur général du groupe CmaCgm, Côte d’Ivoire, leader dans le transport maritime, qui dessert 420 ports commerciaux dans le monde, des solutions concrètes ont été mis en œuvre pour protéger les employés et les clients. « Nos équipes maritimes et logistiques sont fortement mobilisées afin d’assurer la continuité de l’activité au service des clients ; ce qui a permis de soutenir l’économie locale et de réduire l’impact de la Covid-19 ».

Pour les protéger contre le virus, plus de 5000 cache-nez ont été mis à disposition des agents, par la Direction générale du port. « A chaque entrée des ports, un dispositif de lavage des mains est visible ainsi que des tracées de respect de la distance. Nous avons pris des dispositions aussi en dehors du port. Ainsi, au niveau des halls d’embauches, nous exigeons le respect de la distanciation physique, le port des cache-nez. En outre, une brigade covid-19 a été créée pour sensibiliser les dockers à l’impact de la maladie sur la santé », explique Pierre Guigrehi. Concernant les ports, une gestion efficace de la pandémie a été faite.

Selon Pierre Aby Sahué du patronat maritime, chaque fois qu’un navire en provenance d’un pays à risque accoste, une équipe sanitaire monte à bord pour prendre la température des passagers. Le respect des mesures barrières est exigé dès que le bateau arrive à Abidjan. Pour cela, une équipe de veille sanitaire chargée du suivi et du contrôle des navires est omniprésente. En ce qui concerne Abidjan Terminal, des dispositions ont été prises afin d’atténuer les effets de la Covid et maintenir la destination Abidjan comme place de choix par les armateurs.

Pierre Guigrehi, porte-parole de la Fédération nationale des dockers. (DR)
Pierre Guigrehi, porte-parole de la Fédération nationale des dockers. (DR)



« Nous avons premièrement, rassuré l’ensemble de nos clients armateurs en les amenant à anticiper sur le protocole sanitaire en vigueur au port d’Abidjan ; deuxièmement, instauré en coordination avec l’Autorité Portuaire l’inspection des navires sur rade par les équipes de l’Institut national d’Hygiène publique (contrairement à l’inspection à quai) ; troisièmement, équipé nos opérationnels à bord des navires de matériel de protection (masques, gants, etc.) », a argué Atsa Rosa Cissé.

Tout en affichant les perspectives d'ici la fin de l'année 2020. « A fin juillet 2020, nous comptabilisons, à l’import 178 872 Teu versus 165 600 Teu en 2019, soit une croissance de + 8% en corrélation avec la vigueur et la résilience de l’économie nationale ; à l’export 125 648 Teu versus 138 842 Teu, soit une baisse de -9,5% dus aux mesures restrictives et de confinement dans les pays asiatiques (Inde, Vietnam, etc.) qui affectent l’export de coton et de cajou. Globalement, 401 966 Teu versus 408 062 Teu, soit une légère baisse de -1,5%. Nous comptons sur la résilience de l’économie ivoirienne et restons confiants dans l’atteinte de notre objectif volume d’ici la fin d’année », a-t-elle ajouté.

A l’en croire Abidjan Terminal a ouvert trois vastes chantiers de digitalisation pour lesquels l’appui des autorités publiques et l’adhésion des partenaires privés, permettront de renforcer la résilience de l’économie maritime face à des crises de type Covid-19. Il s’agit du projet d’échanges de données Informatisées (Edi) avec la Douane dans le cadre de la mise en place d’un Guichet unique portuaire ; le démarrage de notre solution de paiement en ligne à partir de septembre 2020 ; la mise en place d’un outil d’optimisation des flux de camions entrant-sortant sur le terminal (système de rendez-vous).

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La continuité des activités assurée

Le Port autonome d’Abidjan a affiché une bonne performance en termes de trafic en 2019. De 24.177.261 t en 2018, le trafic global est passé à 25.827.167 t, l’année suivante ; soit une croissance de 7%. Toutefois, pour cause de Covid-19, l’activité portuaire a enregistré une baisse de 7%, dans le mois de juin.

Hien Yacouba Sié, Directeur général du port, qui reste optimiste pour les six mois, espère une relance de l’activité portuaire, souhaitant au passage que la pandémie soit contenue. Il se fonde sur le véritable plan de continuité des activités élaboré à cet effet.

Le 5 août, à l’occasion de la remise de don de plus de 278 millions de la Communauté portuaire au gouvernement, le Dg du port a été explicite sur l’impact de la crise sanitaire sur sa structure. « Evidemment, les ports travaillent pour les économies, mais quand les économies sont en berne, la répercussion c’est moins d’intrants. Des pays comme la Chine et ceux d’Europe ont dû arrêter leurs activités. Les navires ne se déplaçaient pas, ce qui n’était pas sans répercussions sur nos activités pendant que les commandes prenaient du retard. Nous avons en juin enregistré une baisse de 7% mais espérons un rattrapage vu que les économies sont en train de s’ouvrir en espérant qu’il n’aura pas une vague forte de Covid qui puisse faire arrêter les activités », a laissé entendre le Directeur général, Hien Yacouba Sié. Qui a rassuré de la continuité du travail dans les ports en période de couvre-feu.

Hien Sié Yacouba, directeur général du Port autonome d'Abidjan. (DR)
Hien Sié Yacouba, directeur général du Port autonome d'Abidjan. (DR)



Au niveau du Port autonome de San Pedro, selon un communiqué du Service communication, toutes les activités allant de la préparation de la marchandise en amont, aux opérations d’embarquement en aval en passant par la chaîne logistique ont fortement connu des perturbations, du fait du couvre-feu, des mesures de distanciation sociale notamment lors des opérations de manutention (empotage /dépotage) : Conséquence : un ralentissement général des activités maritimes et portuaires, une baisse de performance aux navires ; une baisse des opérations de manutention ;une difficulté de collecte voire d’indisponibilité de fret ; une baisse des réservations d’espaces sur les navires voire d’annulation des escales de navires ;difficulté du respect des programmations des navires du fait des perturbations des schedules des navires.

« Toutes ces perturbations ont amené l’Autorité portuaire et les principaux acteurs de la chaîne logistique de la place portuaire à s’organiser pour adapter très rapidement leurs pratiques avec pour objectif : assurer la continuité de leurs activités tout en mettant en œuvre les mesures sanitaires indispensables et éviter la propagation de la Covid-19. : accueil des navires, manutention des marchandises et transports routiers en pré et post- acheminement se sont poursuivis, ainsi, sans interruption. L’engagement et la concertation des acteurs de la plateforme portuaire sont à souligner : agents maritimes, dockers, manutentionnaires, pilotes, sociétés de remorquage, de lamanage, de transports et de stockage, officiers de port, personnels de sûreté », précise la note.

Ce n’est pas tout car l’activité de pêche au Port de San Pedro a été également impactée dans son fonctionnement et dans le circuit d’acheminement et de distribution. Le respect des mesures sanitaires et sécuritaires ont réduit considérablement les activités de pêche. Le taux de fréquentation habituelle des acteurs dans l’espace du port de pêche a été réduit pratiquement de moitié pour tenir compte des mesures barrières et éviter les facteurs de risques que sont le regroupement et la proximité, précise le communiqué.

Pour rappel, le Port autonome de San-Pedro a réalisé une belle performance au cours de l’année 2019 avec un trafic global évalué à 5.065.685 tonnes de marchandises, en hausse de 24% par rapport à 2018. Les trafics à forte valeur ajoutée pour l'économie nationale, appelés « trafic d'origine destination (import-export) », se sont accrus de 31% (4.015.533 tonnes en 2019 contre 3.066.989 tonnes en 2018). Les escales navires connaissent également une amélioration de 3% en 2019.

Toutefois, il faut noter que malgré le ralentissement du trafic au premier semestre 2020, les activités au Port de San Pedro, comme ailleurs se poursuivent. De plus, les projets de développement et de modernisation déjà en cours permettent à la Direction générale du second port du pays de viser 10 millions de tonnes de trafic global ; en 2025.

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Joël Hounsinou (Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire): «L’économie portuaire ivoirienne repose sur de solides fondements»

Joël Hounsinou, Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire. (DR)
Joël Hounsinou, Directeur général de Bolloré Transport & Logistics Côte d’Ivoire. (DR)



Comment l'entreprise s’adapte-t-elle à la crise sanitaire ?

Lorsque la crise sanitaire a démarré en Asie, puis s’est étendue en Europe, nous avons actionné notre Plan de Continuité d’Activités bien avant l’apparition du premier cas Covid-19 en Côte d’Ivoire. L’une des forces de Bolloré Transports & Logistics réside dans l’étendue de son réseau d’agences à travers le monde. De fait, nous avons capitalisé sur le retour d’expériences au sein de nos différentes filiales pour mieux appréhender cette nouvelle crise. Afin de protéger le personnel, nous avons mis en place un certain nombre de mesures de sensibilisation aux mesures d’hygiène et de distanciation, nous nous sommes réorganisés en mettant en œuvre un système de rotation des équipes et en privilégiant le télétravail pour les fonctions administratives, etc. Toutes ces dispositions ont contribué à assurer la continuité du service, et à en garantir la qualité, tout en préservant la santé et la sécurité de nos collaborateurs ainsi que de leurs familles.

Quelles ont été les dispositions prises à votre niveau pour amoindrir ses chocs et maintenir la chaîne d’approvisionnement des marchés locaux et régionaux ?

En Côte d’ivoire, nous intervenons dans quasiment toutes les composantes de la chaîne d’approvisionnement des marchés, avec des solutions logistiques articulées autour de la manutention portuaire, de la logistique terrestre, de l’entreposage et du transport ferroviaire. Ce positionnement stratégique, doublé d’une parfaite synergie de ces métiers, a été la clé du maintien de nos opérations logistiques, dans ce contexte de crise sanitaire. Dans le domaine du transit aérien, où l’offre émanant des services réguliers a fortement chuté, nous avons lancé un service de fret cargo hebdomadaire optimisé qui a permis d’importer des produits de grande consommation ainsi que du matériel médical et d’exporter plus de 420 T de mangues de la Côte d’Ivoire vers l’Europe. Aussi, pour garantir le maintien de la chaine d’approvisionnement de certaines grandes surfaces en produits alimentaires, nous avons été amenés à revoir notre organisation de travail au sein de nos entrepôts de logistique contractuelle en renforçant les équipes de jour et de nuit, en étoffant notre service de livraison, etc.

Vous intervenez dans la chaine logistique liée à l’exportation des produits tels que le Coton, le Cacao, le Café et l’Anacarde. Dites-nous la manière dont toutes ces exportations ont été impactées par la Covid-19 ?

Nous sommes un acteur majeur de la chaîne logistique par la taille de nos infrastructures, l’importance de notre parc de matériels de manutention et de transport et l’expertise reconnue de nos collaborateurs. En Côte d’Ivoire, nous sommes le premier logisticien pour les produits à l’exportation avec 36 % de parts de marché (hors produits pétroliers). En ce qui concerne les produits cités, les exportations de cacao n’ont quasiment pas été impactées par la crise sanitaire, car la campagne principale était quasiment à son terme en mars, lorsque la crise a démarré en Côte d’Ivoire. Le coton et l’anacarde ont cependant, subi le plus gros impact durant cette crise sanitaire en raison de la fermeture des frontières des pays de l’Asie, principaux importateurs de ces produits. La fermeture des usines de filature du coton et de transformation du cajou (Inde et Vietnam), suite aux mesures de confinement prises dans ces pays, a fortement ralenti le niveau des exportations entraînant une baisse sensible du cours de ces deux produits sur le marché international. Le cours de l’anacarde en particulier, a subi des chutes allant jusqu’à 33%, contraignant ainsi les producteurs à faire du surstockage ou à vendre au rabais pour faire face aux engagements. Des milliers de tonnes de coton n’ont pas pu être exportés à cause de cette crise mondiale et sont encore stockés dans des magasins portuaires en attente d’embarquement, ou à demeure, sur les sites de production en campagne. Ainsi, au terme du premier trimestre, les volumes réalisés pour ces deux produits sont inférieurs de 40 % à nos prévisions initiales. Au-delà de Bolloré Transport & Logistics, c’est donc tous les acteurs intervenant dans ces chaînes qui subissent de plein fouet les conséquences de cette crise.

Parlez-nous alors des pertes occasionnées sur le plan du commerce extérieur, et particulièrement sur les exportations des produits cités plus haut ?

En ce qui concerne le coton, les pertes pourraient être considérables, autant pour l’État, que pour les producteurs. La forte baisse du niveau de consommation du textile à l’échelle mondiale et la persistance de cette crise sanitaire risquent d’impacter durablement le cours sur le marché international. De surcroit, il y a de fortes chances de voir la campagne 2020, s’étaler durablement, et comme corollaire, le chevauchement des campagnes 2020 et 2021 ainsi que la détention de stocks de coton importants. Cette perspective étant de nature à amoindrir fortement les recettes attendues de l’État et celles des compagnies cotonnières. Pour ce qui est du cajou, malgré une excellente production 2020, le recul de la demande sur le marché des producteurs, impacte considérablement les prix d’achat. Au plus fort de la crise, les cours ont été dépréciés de près de 33 %. À l’approche de la fin de la campagne, les producteurs pourraient être contraints de brader leur production pour faire face à leurs engagements, et ce, sans garantie d’écouler la totalité de la production.

Comment voyez-vous les perspectives de l’économie portuaire ivoirienne, après la Covid-19 ? Quelles sont selon vous, les mesures urgentes à prendre par l’Etat pour redynamiser l’activité portuaire.

L’économie portuaire ivoirienne repose sur de solides fondements : des opérateurs portuaires de renom, présents depuis plusieurs décennies, et une importante infrastructure, qui se modernise et s’adapte à la croissance du pays. Nombreux sont les projets de développement : la mise en service prochaine du second terminal à conteneurs d’Abidjan, les récents travaux de modernisation du Terminal Roulier, le démarrage des travaux du futur Terminal Céréalier, la création de terrains supplémentaires par le remblaiement de la baie lagunaire de Vridi... La Côte d’Ivoire dispose d’une économie forte, avec une croissance continue et une grande capacité de résilience. Son ouverture sur les pays de l’hinterland en fait d’ailleurs un hub logistique sous-régional très compétitif. Globalement, nous sommes convaincus qu’avec ses nombreux atouts, notre pays peut sortir de cette crise, plus fort encore. Sur le second volet de votre question, les Autorités se sont engagées à soutenir les opérateurs portuaires en leur apportant une aide financière pour couvrir une partie des dépenses imprévues notamment celles liées aux moyens de lutte contre la pandémie. La mise en œuvre de ces actions a déjà démarré et devrait se poursuivre à travers des dispositifs supplémentaires (fiscaux, sociaux, fonciers...) qui restent à définir par l’État afin de contribuer efficacement à la redynamisation des activités de la communauté portuaire. La crise sanitaire est une opportunité pour les acteurs que nous sommes de nous remettre en question, de réapprendre à travailler ensemble, d’optimiser nos process opérationnels avec plus de digitalisation, et surtout, d’aborder le futur avec beaucoup d’humilité.



Le 31/08/20 à 17:23
modifié 06/10/20 à 10:30