Paul Tiendrebeogo, ministre des Burkinabè de l’Extérieur: “ J’invite les Burkinabè en Côte d’Ivoire à voter dans le calme”

Paul Robert Tiendrebeogo, ministre en charge des Burkinabè de l’Extérieur. (Dr)
Paul Robert Tiendrebeogo, ministre en charge des Burkinabè de l’Extérieur. (Dr)
Paul Robert Tiendrebeogo, ministre en charge des Burkinabè de l’Extérieur. (Dr)

Paul Tiendrebeogo, ministre des Burkinabè de l’Extérieur: “ J’invite les Burkinabè en Côte d’Ivoire à voter dans le calme”

Le 21/11/20 à 22:22
modifié 22/11/20 à 10:24
Pour la première fois, les burkinabè vivant à l’étranger pourront prendre part à l’élection présidentielle qui se tient le 22 novembre 2020, en même temps que les législatives. 17 bureaux de vote sont ouverts à Abidjan, Bouaké, et Soubré.

Monsieur le ministre, pour la première fois dans l’histoire, les Burkinabè vivant à l’étranger sont appelés aux urnes le 22 novembre, à l’occasion de l’élection présidentielle couplée aux législatives. Comment cela va se passer pour vos compatriotes vivant en Côte d’Ivoire?

Effectivement, c’est une première pour nos compatriotes burkinabè qui vivent à l’extérieur, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’ailleurs. Pour nous, c’est un événement historique en ce sens que c’est une promesse longtemps faite, mais jamais tenue. Pour la première fois donc, le vote des Burkinabè de l’étranger sera une réalité. Le candidat Roch Marc Christian Kaboré l’avait promis, et une fois élu, il a mis tout en œuvre, aussi bien sur le plan institutionnel qu’opérationnel, pour que cela soit. Au niveau du Gouvernement et de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), nous avons pris l’engagement de faire en sorte que cette première soit une réussite, et soit la preuve que le Président du Faso a vu juste. Toutes les dispositions ont donc été prises pour que le vote se déroule dans le calme et la sérénité. La CENI déploiera la logistique et le personnel nécessaires pour le vote du 22 novembre 2020.Concernant spécifiquement la Côte d’Ivoire, le Gouvernement burkinabè, à travers son ambassade et ses trois consulats généraux (Abidjan, Bouaké et Soubré) accompagne la CENI qui, au Burkina Faso, est la structure chargée de l’organisation des élections. Etant donné que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont dans le même fuseau horaire, les bureaux de vote ouvriront à 6H00 TU et fermeront à 18H00 TU. Et immédiatement après, les opérations de décompte seront effectuées, et les résultats communiqués à la CENI à Ouagadougou.

Quel (s) message(s) pour la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire?

Le message est assez simple. Tout a été mis en œuvre pour que nos compatriotes en Côte d’Ivoire puissent voter. Nous avons organisé en 2019 et en 2020 des missions consulaires spéciales à travers le monde. En Côte d’Ivoire, nous avons envoyé deux missions. Et comme nous sommes à la phase terminale, puisque la campagne se termine et qu’il ne restera plus que l’élection, nous appelons tous nos compatriotes, ainsi que les partis politiques, à s’investir de manière responsable dans la campagne, dont la spécificité pour eux est qu’elle se déroule dans un pays étranger. Il faudra donc respecter les lois et règlements de ce pays. Cela est valable aussi bien pour la Côte d’Ivoire que pour tous les autres pays où nos compatriotes vont s’exprimer à travers les urnes. Nous les exhortons à accepter le verdict des urnes, parce que c’est le jeu démocratique; c’est la démocratie burkinabè qui aura alors gagné, et au bout du compte, c’est surtout le Burkina qui aura gagné. Car, il faut le dire, les élections vont passer, mais le Burkina va rester, et les Burkinabè vont continuer à vivre ensemble. Donc, nous devons préserver ce bon vivre ensemble, au-delà du jeu normal de la démocratie qui, par essence, signifie contradiction et débats d’idées. Si tout se passe bien, ils auront justifié l’engagement du Président du Faso et du Gouvernement de les impliquer effectivement dans la vie politique national.

Comment la campagne se déroule sur le terrain en Côte d’Ivoire?

Par définition, la campagne, c’est l’affaire des partis politiques. Au niveau du Gouvernement, comme je l’ai déjà indiqué, tout a été mis en œuvre pour accompagner la CENI, qui a mis en place des démembrements à l’extérieur. En Côte d’Ivoire, il y a la Commission électorale indépendante d’ambassade, et trois commissions électorales indépendantes de consulat. Ce sont ces démembrements de la CENI qui pilotent le processus. Pour ce qui est de la campagne électorale elle-même, je pense que les états-majors des différents partis politiques ont pris leurs dispositions. En tout cas, concernant la sécurisation du processus électoral, les deux Gouvernements, burkinabè et ivoirien, travaillent ensemble pour que, aussi bien les rassemblements que les opérations de vote du 22 novembre puissent se dérouler en toute sécurité.

Au plan pratique, combien de bureaux de vote y aura-t-il en Côte d’Ivoire?

Dans quelles localités?

En ce qui concerne le nombre de bureaux de vote, cela a été déterminé automatiquement par le nombre d’électeurs. En Côte d’Ivoire, 5 493 électeurs figurent sur le fichier électoral. Nous avons 17 bureaux de vote, dont 6 au niveau de l’Ambassade à Abidjan, 6 au niveau du Consulat général à Abidjan, 3 à Soubré, et 2 à Bouaké. Cela veut dire qu’il y a un très grand nombre de burkinabè vivant en Côte d’Ivoire qui ne votent pas alors...Oui, c’est vrai, il y a beaucoup qui ne voteront pas, parce qu’ils ne se sont pas fait enrôler. Il faut savoir qu’au Burkina, le vote n’est pas obligatoire. Cela peut justifier, déjà, le fait que tout le monde ne s’est pas enrôlé. Ensuite, comme c’est une première expérience, je pense que beaucoup étaient sceptiques, étant donné les précédentes promesses non tenues. Ils ne voyaient donc pas l’utilité de laisser leurs activités, de quitter leurs plantations, pour aller se faire enrôler et s’entendre dire par la suite que le vote n’aurait pas lieu. Enfin, je pense que sur le terrain, beaucoup n’ont pas été suffisamment encadrés, motivés par les partis politiques, alors qu’il y avait un gros potentiel d’électeurs au niveau de la diaspora en Côte d’Ivoire. Mais encore une fois, c’est une première, et nous allons en tirer toutes les leçons. Nous allons continuer la sensibilisation de nos compatriotes et, peut-être qu’avec la tenue effective et la réussite de ce scrutin du 22 novembre à l’étranger, beaucoup seront convaincus et prendront part aux élections à venir.

Alors que la campagne, au niveau du parti présidentiel, s’est faite en grande partie autour du bilan du Président candidat Roch Kaboré, peut-on savoir ce qui a été réalisé, au cours des cinq dernières années, en faveur des Burkinabè de la diaspora?

Beaucoup a été fait. La création de notre ministère en janvier 2018 constituait déjà, en soi, une première réalisation. C’était un engagement pris par le Président du Faso, de créer un ministère spécifiquement dédié à la diaspora. Ensuite, le ministère s’est immédiatement attelé à mettre en place le dispositif institutionnel pour faire de la gestion des Burkinabè de l’extérieur une réalité. Nous avons organisé le Forum national de la diaspora, dès le mois de juillet 2018 car nous avons estimé que ce ministère ne pouvait faire son travail sans écouter au préalable les préoccupations de ceux pour lesquels il a été créé. Nous avons eu une bonne participation de 500 personnes dont la moitié venue de l’étranger. Les débats ont porté, entre autres, sur les opportunités d’investissement au Burkina Faso, et les participants ont eu un échange direct avec le Président du Faso. En suivi des recommandations de ce forum, nous avons élaboré une stratégie nationale de gestion de la diaspora, qui est la feuille de route pour mettre en œuvre la politique gouvernementale concernant nos compatriotes vivant à l’extérieur. Par ailleurs, suite à une évaluation du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE), nous sommes dans un processus de création d’une autre structure qui aura la particularité d’accorder plus de place à la diaspora pour la gestion de ses préoccupations. Il sera plus autonome que le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger actuel. Ses responsables viendront de la base pour porter leurs préoccupations au sommet. Nous avons également travaillé dans le domaine du financement de leurs activités. Vivant à l’extérieur, ils ont des projets à réaliser, et pour lesquels ils n’arrivent pas à trouver des financements. Soit parce qu’étant hors du pays, les banques à l’extérieur ne veulent pas les accompagner, soit parce que les banques au Burkina ne veulent pas, non plus, les financer. Nous avons décidé de créer un Fonds d’appui aux investissements de la diaspora; avec le ministère en charge du commerce, une plateforme d’appui à l’entrepreneuriat de la diaspora a également été créée pour accompagner leurs projets. Par ailleurs, avec le concours du Conseil présidentiel pour les investissements, nous avons lancé une étude sur la mobilisation et la promotion des investissements de la diaspora; cette étude vient d’être validée, et ensemble avec le fonds et la Stratégie nationale, nos compatriotes sentiront, davantage, dès 2021, qu’ils sont véritablement pris en compte dans le processus du développement du pays.

Qu’en est-il de l’intégration Burkina-Côte d’Ivoire?

Entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, je ne sais pas si on peut parler d’intégration. On doit plutôt parler de fraternité ! C’est le même peuple, la même histoire d’un peuple installé sur deux territoires. A travers le TAC, nous avons au plus haut sommet de nos deux Etats, des concertations permanentes, des Conseils de Gouvernement. Dans le cadre de ce TAC, il y a beaucoup de projets intégrateurs, comme l’autoroute Abidjan-Ouagadougou qui évolue bien des deux côtés. Nous avons, par ailleurs, une partie de notre énergie qui vient de la Côte d’Ivoire, etc. Notre diaspora en Côte d’Ivoire constitue la plus grande communauté étrangère vivant dans ce pays. C’est vous dire qu’aujourd’hui, l’axe Ouagadougou-Yamoussoukro se porte très bien.

Le sujet de la réconciliation entre Burkinabè est à l’ordre du jour, et nombre de vos compatriotes ont lancé récemment un appel aux gouvernements des deux pays afin qu’ils s’impliquent dans ce projet. Qu’en dites-vous?

Ce que j’en dis, c’est ce que le Président Kaboré en dit. A savoir, que nous ne sommes pas contre la réconciliation nationale, bien au contraire. Aucun Gouvernement, aucun peuple au monde ne peut être contre la réconciliation nationale. Seulement, nous disons que la réconciliation fait partie d’un processus. Et lorsqu’on se réconcilie, sans avoir au préalable établi la vérité, sans avoir rendu la justice, on reste dans la fiction, car l’on n’aura pas vidé le contentieux, si bien que les mêmes causes produiront les mêmes effets. En tout état de cause, le Président du Faso a récemment assuré qu’après les élections, ce sujet sera l’un de ses premiers chantiers, si le peuple lui renouvelle sa confiance.

Propos recueillis à Ouagadougou par Valentin Mbougueng

Le 21/11/20 à 22:22
modifié 22/11/20 à 10:24