Jess Sah Bi ( Caricaturiste, Auteur, compositeur et chanteur) : « Le duo Jess Sah Bi et Peter One existe toujours »
Et plus tard, on vous retrouve sur la scène musicale en duo avec Peter One. Comment s’est passé cette transition ?
Il n’y a véritablement pas eu de transition en tant que tel. Je suis musicien et caricaturiste dans l’âme. Ces deux activités m’ont toujours suivi dans mon parcours et elles s’harmonisent bien. A l’époque, j’avais déjà participé à Tremplin, une émission de révélation de nouveaux talents présentée par Roger Fulgence Kassy.
Donc, tout en étant caricaturiste, je faisais toujours la musique. Et c’est encore mon neveu Emmanuel Tah qui m’a dit que son voisin Peter One excellait lui aussi dans le même genre musical que moi. Nous nous sommes rencontrés et le feeling est passé tout de suite. Peter One et moi avions les mêmes sensibilités pour les mélodies et les rythmes soft. A l’époque, on était trois et finalement, ça donné le duo Jess Sah Bi & Peter One.
A cette époque où la musique moderne ivoirienne s’affirmait bien, vous, vous avez décidé de choisir la Country musique. Comment s’est opéré ce choix ?Il faut dire qu’à l’époque, la musique ivoirienne était, on va dire, individuelle. C’est-à-dire, personne n’avait le droit de copier le style d’un autre. Donc chaque artiste évoluait avec son style. Et lorsqu’un autre essayait de faire ce même style, on l’accusait de plagiat et on le présentait comme un artiste qui n’avait pas d’originalité et d’inspiration. Amédée Pierre avait son style, pareil pour Ernesto Djédjé, Lougah François, Bailly Spinto et les autres. Vous remarquerez que tous les artistes qui ont essayé de faire comme eux ont très vite été écrasés par la critique. C’est dans cette forme d’esprit que tout évoluait et je pense que si la musique ivoirienne originelle n’a pas pu s’imposer à l’international, c’est à cause de cet esprit que je qualifierai d’un peu égoïste. Je voudrais ici tirer mon chapeau à la nouvelle génération qui a bien compris que pour avancer, il faut soutenir les mouvements musicaux qui naissent. Aujourd’hui, le Zouglou et le Coupé décalé ont beaucoup d’adeptes. Avant eux, il y avait chez nos dames, ce qu’on a appelé la musique de variété avec Aicha Koné, Nayanka Bell, Reine Pélagie, Monique Séka, Dan Log, Chantal Taïba etc. C’est donc fort de cet esprit que Peter One et moi avons décidé de venir avec un style particulier par rapport à ce qui se faisait déjà dans le paysage musical ivoirien. Nous sommes donc venus avec un style inspiré des mélodies et la façon de chanter de mes parents gouro. Un musique qui s’est avérée être très proche de la Country.
En 1985, sort donc votre premier album ‘’Our Garden Needs Its Flowers’’ qui devient un coup de maître. Comment avez-vous appréhendé ce succès ?
Et oui, de grands moments d’émotions. En vérité, on ne s’attendait pas à un tel succès. Mais je pense que ce succès est venu du fait qu’on apportait quelque chose de nouveau sur le marché du disque. Et puis, nous avions un capital sympathie avec les médias qui voyaient un confrère des médias, caricaturiste et un enseignant, professeur d’anglais, faire de la grande musique. Donc nous étions quotidiennement sur les ondes sonores et audio de l’époque. Après, tout s’est enchainé avec d’autres albums et des tournées dans la sous-région et à l’international.On prétend qu’une affaire de femme et d’argent serait à la base de la fin de votre duo.
Il n’en est rien. Ce ne sont que de malheureuses rumeurs. Au début des années 90, l’industrie musicale ivoirienne a commencé à faiblir avec la montée en puissance de la piraterie. Le paysage était devenu morose avec un manque de tourneur, de promoteur et de concerts. Surtout que durant cinq ans, on était au-devant de la scène. On a essayé de résister avec quelques scènes. Et finalement, nous avons eu des envies d’ailleurs.
Peter One et moi sommes aujourd’hui installés aux Etats-Unis depuis 1996. En ce qui me concerne, c’était dans l’intention de me perfectionner dans le dessin et arriver faire la production de dessins animés. J’étais basé à Philadelphia à l’ouest et Peter One, à Delaware à l’est. Il n’était pas facile de nous voir pour travailler et entre temps, je suis tombé malade. Une épreuve difficile qui m’a fait rencontrer Dieu qui m’a guéri et a complètement changé ma vision de la vie. Cette nouvelle vision entièrement consacrée à Dieu, m’a du coup orienté vers le gospel. En 2000 d’ailleurs, je suis rentré en studio pour lui dédier un titre de reconnaissance pour ses bienfaits dans ma vie. Depuis lors, tout ce que je fais musicalement porte sur les thèmes religieux et la bonté de Dieu. Je pense que cela aussi à contribué à freiner l’évolution du duo. Mais entre-temps, il fallait vivre et chacun a fini par réorganiser sa vie.
Peut-on aujourd’hui dire que le duo Jess Sah Bi & Peter One est définitivement fini ?
Pas du tout ! Jess Sah Bi & Peter One, c’est un label. L’année dernière, nous avons fait plusieurs festivals à travers les Etats-Unis. Le groupe est là. Des promoteurs sont même en réflexion pour notre retour sur scène à travers un grand concert ici à Abidjan. Si nos calendriers nous le permettent, nous seront ensemble pour un nouvel album sur lequel nous avons déjà échangé. En attendant que tout cela se concrétise, chacun travaille de son côté. Moi je continue de composer et de jouer. L’année dernière, j’ai sorti un album intitulé ‘’Never Give Up’’. C’est une fusion de musique traditionnelle. Ce qui est fondamental dans ce que je fais, c’est que je peux faire d’autres compositions mais pas dans le style country façon Jess Sah Bi & Peter One. Ce style là, c’est notre label. Je ne sortirai jamais d’album dans ce style. Très bientôt, s’il plait à Dieu qui est le maître du temps et de toutes choses de l’univers, vous retrouverez le duo Jess Sah Bi et Peter One dans le style que vous avez connu.
Votre duo vous a-t-il rendu riche avec tout le succès que vous avez connu ?
On peut le dire ainsi mais ce qui est fondamental, c’est que le succès médiatique nous a ouvert des portes et c’est cela la vraie fortune que nous avons eue. Nous sommes riches de nos relations. Si nous étions dans une industrie musicale bien structurée comme aux Etats-Unis ou en Europe, on parlerait aujourd’hui aisément de succès financier, à l’instar d’artistes sous d’autres cieux qui, rien qu’avec une seule chanson, continuent aujourd’hui encore de vivre des retombées de leur création.
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
Comme je l’ai dit précédemment, je suis allé aux Etats-Unis pour me perfectionner dans le dessin et la production de films animés. Je me suis aujourd’hui installé à San-Francisco dont l’expertise en la matière est une référence. Je suis d’ailleurs à Abidjan pour travailler sur le synopsis du scénario du film que je vais bientôt produire. Un film en animation 3D destiné au grand écran. Dieu merci, les choses avancent positivement. Dans la vie, il faut avoir l’espoi, et croire surtout en Dieu car avec lui, rien n’est impossible
Interview réalisée par SERGES N'GUESSANT