Finance africaine : 3 défis pour 2021 selon Amir Ben Yahmed

Amir Ben Yahmed est le président et fondateur de l’Africa CEO Forum. (Photo : DR)
Amir Ben Yahmed est le président et fondateur de l’Africa CEO Forum. (Photo : DR)
Amir Ben Yahmed est le président et fondateur de l’Africa CEO Forum. (Photo : DR)

Finance africaine : 3 défis pour 2021 selon Amir Ben Yahmed

Le 08/03/21 à 17:11
modifié 08/03/21 à 17:25
A l’image de la plupart des secteurs économiques à travers le monde, en 2020, le secteur financier africain a été malmené. Particulièrement dynamique avant la pandémie, avec une croissance des revenus bancaires de 11% par an, l’industrie s’est depuis muée en premier soutien d’agents économiques en difficulté, au premier rang desquels les entreprises d’Etat et les PME. Moody’s prévoit ainsi que le volume des créances douteuses détenues par les banques en Afrique atteindra cette année le double de son niveau de 2019.

Pour autant, le secteur ne sera pas la grande victime de la séquence actuelle, même si l’essentiel du choc ne s’est pas encore fait sentir. Les banques ont jusqu’à présent fait montre d’une résilience inédite : leur base en capitaux propres est plus solide et leur niveau de liquidités supérieur que lors de la dernière crise financière, leur niveau de rentabilité est toujours bien au-dessus de la moyenne mondiale, et l’action proactive des gouvernements et des banques centrales les ont relativement préservées du retournement de l’activité au niveau international.

De leur côté, opérateurs de mobile money et fintech bénéficient à plein de l’explosion du recours aux outils digitaux. Pineapple, Paystack, InTouch, Yoco... On ne compte plus les fintech africaines qui ont convaincu les investisseurs mais aussi et surtout de nouveaux clients que leurs services avaient de l’avenir.

Pour le secteur financier africain, cette année écoulée, si singulière, est surtout porteuse de défis pour l’avenir. J’en citerai 3 à relever en priorité :
  • la finance africaine doit accélérer la convergence entre ses différents acteurs pour doper l’inclusion financière. La capacité d’innovation des opérateurs de mobile money africains et des fintech opérant sur le continent doit permettre ce tour de force. La convergence des efforts entre opérateurs – qui manquent parfois de l’expérience technique liée au métier de banquier, des Fintech – qui manquent de capitaux, et des acteurs traditionnels, trace le chemin à suivre pour enfin bancariser l’Afrique à l’échelle. Le rôle des autorités de régulation est ici critique : elles doivent continuer à favoriser l’innovation tout en contrôlant ses excès (notamment pour protéger le consommateur), savamment doser la pression réglementaire et faire travailler l’industrie de concert.
  • la finance africaine doit jouer un rôle structurant dans l’essor de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) au travers d’un dialogue public/privé ouvert et transparent. En finançant le commerce intra-africain, elle est un acteur décisif de la réussite future d’une zone qui vient tout juste d’entrer en opération le 1er janvier dernier. Plusieurs chantiers doivent être ouverts : l’harmonisation des réglementations et des plateformes techniques à l’intérieur du continent, la fluidification des échanges, des transferts d’argent et des paiements, la convertibilité des devises, et la priorité donnée au développement de groupes régionaux intégrés voire panafricains. Les Ecobank, Attijariwafa Bank, Standard Bank, Interswitch sont encore trop peu nombreux, même si une nouvelle vague de champions semble se dessiner, à l’instar des banques kényanes, notamment Equity Bank et KCB.
  • enfin, la finance africaine doit être le fer de lance d’un continent prospère et durable. Les financiers du continent ont le plus souvent su rester éloignés des errements spéculatifs de leurs confrères internationaux. Plus que jamais, leur impact et la responsabilité qui en découle leur confèrent un rôle primordial dans une relance vigoureuse des économies africaines et dans un basculement résolu vers des énergies propres.
En toile de fond, n’oublions pas la transformation radicale que connaît actuellement le secteur. La finance mondiale ne cesse de se digitaliser, de se transformer et de se réinventer. L’avènement des technologies blockchain et des crypto-actifs, la faculté à récolter et à traiter un nombre de données quasi infini, le recours à l’intelligence artificielle... toutes ces innovations nous conduisent invariablement vers une finance toujours plus décentralisée, la bien nommée DeFi – pour decentralized finance.

Ici comme ailleurs, cette révolution est en marche. L’étude menée conjointement par le cabinet Deloitte et l’Africa CEO Forum est à ce titre édifiante : près de 70 % des institutions financières du continent confirment que le lancement ou l’accélération de la digitalisation de leur activité est devenu “la” priorité stratégique depuis la pandémie. Et ce n’est qu’un début.

Convergence, digitalisation, intégration, révolutions technologiques, ces thèmes de réflexion et de débats seront au cœur des discussions des 10 et 11 mars prochains où 500 des plus importants leaders de l’industrie se réuniront au cours du premier Africa Financial Industry Summit. Ce dialogue inédit entre toutes les parties prenantes ne sera pas de trop pour relever, ensemble, les défis du moment... et ceux qui viennent.

Source : communiqué Jeune Afrique


Le 08/03/21 à 17:11
modifié 08/03/21 à 17:25