Funérailles traditionnelles d’Amadou Gon Coulibaly : Tam-tams, danses, mystiques... c’est parti !

En tant qu’allié, le village de Komborodougou a eu l’honneur d’ouvrir symboliquement les funérailles à travers son Djembé. (Photo : Poro Dagnogo)
En tant qu’allié, le village de Komborodougou a eu l’honneur d’ouvrir symboliquement les funérailles à travers son Djembé. (Photo : Poro Dagnogo)
En tant qu’allié, le village de Komborodougou a eu l’honneur d’ouvrir symboliquement les funérailles à travers son Djembé. (Photo : Poro Dagnogo)

Funérailles traditionnelles d’Amadou Gon Coulibaly : Tam-tams, danses, mystiques... c’est parti !

Le 01/04/21 à 11:11
modifié 01/04/21 à 11:40
Le top départ du plus grand événement du premier semestre 2021 à Korhogo a été donné, le 31 mars 2021, tôt le matin, à 5h.
Korhogo. Quartier Soba. Mercredi 31 mars 2021. Il est 5h 20 min. Des sons de tam-tam Djembé sont entendues dans les environs de la sous-préfecture. Les quelques rares passants à cette heure de la journée qui connaissent les us et coutumes de la localité, comprennent qu’il s’agit de funérailles.

C’est en effet le coup d’envoi des 12 jours de funérailles traditionnelles d’Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre décédé le 8 juillet 2020, qui vient d’être donné ainsi dans la cour paternelle du défunt. Et c’est la danse Djembé du village de Komborodougou qui, en tant que village allié, a l’honneur d’ouvrir « le bal ».

Les cinq musiciens (le tapeur du tam-tam Djembé, deux joueurs de tambours-aisselles et deux flutistes) jouent devant cinq hommes assis dans la cour. Il s’agit du chef de canton de Komborodougou et ses notables. Invité à donner le coup d’envoi des funérailles, le village signale ainsi son arrivée.

Dix minutes plus tard, le groupe musical et ses dignitaires entrent sous le préau où viennent de prendre place les oncles et tantes du défunt, parmi lesquels le médiateur de Korhogo, Coulibaly Siélé. Là, le mercure monte. Dadolo Siaka, le jeune joueur du tam-tam principal, montre tout son savoir-faire. Le dialogue rythmique entre lui et ses accompagnateurs ne peut qu’appeler encouragements et récompenses de la famille. Les petites coupures de billets de banque jonchent le sol carrelé quasiment sans arrêt.

La danse Kapahatchan, créée par la famille, a été la 2e danse à entrer en scène.
(Photo : Poro Dagnogo)
La danse Kapahatchan, créée par la famille, a été la 2e danse à entrer en scène. (Photo : Poro Dagnogo)



Au fur et à mesure que les minutes s’écoulent, le nombre de danseurs constitués de proches parents du défunt augmente. Ce sont surtout des femmes qui entrent dans l’arène.

Le Djembé entretiendra l’ambiance jusqu’à 6h18 pour faire place à une autre danse. A savoir le célèbre Kapahatchan du village de Datcherguê, danse créée par la famille, il y a plusieurs décennies.

A propos du choix du village de Komborodougou, Coulibaly Siélé explique que c’est lié à l’histoire même de Korhogo qui « est à la fois multiforme et multidimensionnel ». Il fait savoir qu’aujourd’hui, ce qui fait la valeur de la descendance du fondateur de Korhogo, Naguin, c’est le noyau Amadou Gon (grand-père du Premier ministre dont il porte le nom).

Quand Péléforo Gbon a hérité du trône, vers la fin des années 1800, à la suite du décès de son père, Zouankagnon, « il était tellement jeune qu’il lui fallait prendre conseils auprès d’un certain nombre d’amis de son défunt père. Ceux-ci étaient au nombre de six dans six localités différentes, en plus de Korhogo », dit-il. Depuis lors, « quand il y a une cérémonie funéraire comme celle-là, le coup d’envoi est donné par l’une de ces sept familles ».

C’est donc dans ce cadre que Komborodougou a été invité à ouvrir les funérailles du défunt Premier ministre.

Comme le veut l’usage, après l’ouverture officielle par une danse précise, d’autres groupes lui succèdent. Ainsi, le Kapahatchan a suivi immédiatement le Djembé de Komborodougou. Et plus tard, dans la nuit à 22h, « le mini-festival » de danses a repris avec d’autres prestations, toujours dans la cour paternelle. Au nombre desquelles le très populaire balafon.

Ce matin, à 4h, l’entrée en lice de la confrérie des chasseurs appelés Dozo était au programme, cette fois-ci, à la cour du patriarche Gbon, lieu où le reste du programme va se poursuivre jusqu’au 11 avril 2021.

De notre envoyé spécial

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Incontournables funérailles

Coulibaly Siélé, oncle d’Amadou Gon Coulibaly. (Photo : Poro Dagnogo)
Coulibaly Siélé, oncle d’Amadou Gon Coulibaly. (Photo : Poro Dagnogo)



En pays Senoufo, c’est clair. L’organisation des funérailles traditionnelles est incontournable.

Coulibaly Siélé, oncle d’Amadou Gon Coulibaly, par ailleurs Médiateur de Korhogo, explique que « le sens des funérailles est la revalorisation du défunt. Parce que celles-ci sont tributaires d’une initiation à la base que le défunt aura subie ».

En pays senoufo, dit-il, la vraie naissance est celle qui vient à l’issue de l’initiation au Poro. Et tous ceux qui n’ont pas fait cette initiation sont considérés comme absents du pays Senoufo, même s’ils sont physiquement présents.

Aussi, poursuit-il, « les funérailles coutumières permettent-elles au défunt, d’intégrer sa famille dans l’au-delà. Parce que pour les Senoufo, le monde d’ici-bas et celui de l’au-delà sont en symétrie parfaite. La vie que nous menons est un prétexte. Et ce prétexte, quand il est bien vécu, permet à celui qui quitte la vie limitée d’ici-bas d’aller dans la vie éternelle de l’au-delà. C’est pour cela qu’on dit que le Senoufo doit vivre pour savoir mourir ».

En ce qui concerne son neveu Amadou Gon, il fait savoir que les funérailles donneront l’occasion aux uns et aux autres de constater qu’au-delà de sa qualité de Premier ministre, c’est une personne qui a bien vécu.

De toutes ces considérations et explications, le médiateur de Korhogo, enseignant à la retraite, qui apparaît comme un intellectuel maîtrisant parfaitement la culture Senoufo, voudrait que tout le monde retienne de manière ferme que le peuple Sénoufo est profondément polythéiste.

« Nous sommes un peuple authentiquement animiste. Nous sommes la population hôte. Donc la culture et le culte senoufo sont les cultes originels du pays senoufo. Toute autre culture est un surajout ». Et les cultures surajoutées sont, entre autres, « la culture occidentale issue de l’éducation scolaire, la culture musulmane conséquence de l’initiation à l’islam et la culture judéo-chrétienne ».



Le 01/04/21 à 11:11
modifié 01/04/21 à 11:40