L'éditorial de Venance Konan: Un an, un jour

AmadouGon
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L'éditorial de Venance Konan: Un an, un jour

Le 09/07/21 à 08:32
modifié 09/07/21 à 09:21
Il y a un an et un jour que le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly nous a quitté pour rejoindre l’Orient éternel. Et nous gémissons, nous gémissons, nous gémissons. Chacun de nous garde encore dans sa mémoire la façon dont il a reçu cette nouvelle, et ce qu’il a ressenti à ce moment. Pour ma part, je me trouvais à mon bureau en ce mercredi 8 juillet, dans l’attente des échos du conseil des ministres de ce jour-là et c’est mon ami Antoine N’zi qui m’a donné cette terrible nouvelle. Ce jour-là, j’avais des raisons d’être de bonne humeur. La veille, le secrétariat du Premier ministre m’avait informé qu’il me recevrait le samedi à son domicile pour la poursuite des entretiens que nous avions entamés il y avait déjà de longs mois. Dans le plus grand secret, mon ami Zyad Limam et moi aidions le Premier ministre à écrire ses mémoires. Il ne s’agissait pas d’une biographie que deux journalistes écriraient sur un homme qu’ils connaissaient ou cherchaient à connaître, comme le livre que j’avais consacré à l’ancien Premier ministre et ancien Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) Edem Kodjo, qui m’avait rapporté le « Grand prix littéraire d’Afrique noire ». Là, il s’agissait de l’histoire personnelle d’un homme qui voulait se raconter lui-même. Le Premier ministre, comme tous les hauts responsables politique dans le monde entier, était un homme très occupé et n’avait pas le temps matériel de s’asseoir pour écrire un livre, et surtout l’ingénieur de formation qu’il était n’était pas très familier avec l’écriture d’une autobiographie. Il avait donc besoin de personnes plus à l’aise avec l’exercice de l’écriture. Il nous parlait, nous l’enregistrions, retranscrivions ses propos, puis agencions ses mots, ses phrases, sans chercher à nous substituer à lui, en respectant sa façon de se raconter.

Nous étions déjà bien avancés dans le projet et lui avions remis le premier jet du manuscrit qui finalement sera le dernier, à quelques détails près, lorsque la pandémie de la Covid-19 s’abattit sur le monde. Nous attendions sa lecture et ses remarques. Le Premier ministre devait gérer cette crise inédite qui menaçait le monde entier. Peu de temps après, il dut se confiner après avoir été en contact avec quelqu’un qui portait le virus. Il y eut plus de peur que de mal. Puis, un jour où je me trouvais à Daoukro, l’information tomba que le Premier ministre avait été évacué de toute urgence en France à la suite d’un problème avec son cœur. Il nous avait déjà raconté comment on lui avait changé le cœur, mais nous croyions que ce problème cardiaque avait été définitivement réglé. Tout le monde, à commencer par lui-même, y croyait.

Il est parti, puis le séjour s’est prolongé, plongeant tout le monde dans l’angoisse. Et puis la bonne nouvelle de son retour a été annoncée. « Si les médecins le laissent rentrer, c’est que tous les contrôles ont été effectués et que tout va à nouveau bien. » Nous sommes nombreux à avoir pensé ainsi. Concernant notre livre, Zyad qui avait vu le Premier ministre en France m’avait dit qu’il lui avait remis le manuscrit avec des annotations et était pressé que l’on le termine. Ses annotations portaient sur des correctifs sur des noms, surtout les noms sénoufo qui ne sont pas toujours très simples pour des non sénoufo à orthographier, des précisions sur des faits qu’il avait rapportés, mais rien qui bouleversait la structure du livre. Zyad et moi étions contents. Mais nous estimions qu’il manquait une partie sur sa gestion de la pandémie de la Covid -19, sa dernière hospitalisation, et un peu plus de détails sur son programme de candidat à la présidentielle. Nous en avions parlé un peu lors de notre dernière rencontre avec lui après sa désignation comme candidat de son parti, mais nous voulions aller un peu plus loin, même s’il nous avait précisé que ce livre n’était pas un livre programme de campagne.

Un an, un jour. Déjà ! Chacun porte sa douleur. La mienne est de perdre un homme que je commençais à connaitre et auquel j’étais en train de m’attacher. Le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly m’avait ouvert les portes de sa maison, de son intimité et de son cœur. J’étais l’un des deux élus à qui il avait choisi de raconter sa vie, avec ses méandres et ses zones que l’on n’avoue pas toujours facilement au premier venu.

Un an, un jour. Chacun a pris sa chambre dans l’hôtel de la mémoire. Chacun égrène ses souvenirs. Les miens se fixent sur ces liens si forts, ces liens uniques, singuliers, qui ont uni Amadou Gon Coulibaly à un autre homme, Alassane Ouattara, depuis que les deux hommes ont eu un jour une conversation particulière avec Houphouët-Boigny. En conclusion de son livre, Amadou Gon Coulibaly dit : « J’espère que ce récit permettra aux lecteurs de comprendre mon histoire, celle d’un aîné qui a cru en un jeune frère, et celle de ce jeune frère qui s’est battu pour ses convictions en cherchant à servir son pays du mieux possible. » L’aîné s’appelle Alassane Ouattara et a cru en son jeune frère Amadou Gon Coulibaly et lui a donné l’occasion de servir son pays au plus haut niveau. La chambre de l’hôtel de la mémoire que je veux occuper est celle de la loyauté, de la fidélité sans nuance.

AGC. Un an et un jour déjà, que tu es parti...

Venance Konan


Le 09/07/21 à 08:32
modifié 09/07/21 à 09:21