L'éditorial de Venance Konan: Leçons d’Afghanistan
Après vingt années passées en Afghanistan à combattre les Talibans qu’ils avaient chassés du pouvoir, les Américains ont décidé de se retirer. Et à peine ont-ils plié leurs bagages, qu’ils n’ont d’ailleurs pas fini de rapatrier chez eux, que le pays est tombé à nouveau entre les mains des Talibans. Évidemment, tous les regards se sont tournés vers les pays africains où se trouvent des troupes étrangères en train de combattre le terrorisme. Que se passerait-il si ces troupes étaient retirées de ces pays ?
Pour pouvoir répondre à cette question, il convient de voir pourquoi les Américains étaient en Afghanistan, et pourquoi ils ont décidé d’en partir. Les Américains ont envahi l’Afghanistan en 2001, au lendemain des attentats du 11 septembre de la même année, lorsqu’il est apparu que c’est Ben Laden et son organisation Al Qaïda qui en étaient les organisateurs. Ben Laden était basé en Afghanistan et soutenu par le régime des Talibans qui dirigeait le pays. Les Talibans étaient au départ des étudiants en théologie formés au Pakistan que les Américains avaient armés pour combattre les Soviétiques qui occupaient alors l’Afghanistan. Lorsqu’ils arrivèrent au pouvoir, les Talibans se retournèrent contre les Occidentaux qui se mirent à les combattre à cause de leur extrémisme religieux et de leurs méthodes rétrogrades, surtout envers les femmes. De plus, ils avaient choqué le monde entier en détruisant des statues de Bouddha qui dataient d’avant l’Islam. Les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), c’est-à-dire une bonne partie des pays d’Europe de l’Ouest qui se trouvaient sous le parapluie américain se joignirent aux États-Unis pour faire la guerre aux Talibans. Ils réussirent à les chasser rapidement du pouvoir, mais pas du pays. Pendant vingt ans, les Talibans occupèrent les montagnes et se livrèrent à une féroce guérilla contre les Américains et leurs alliés. Et jamais ces derniers ne réussirent à venir à bout de leur détermination, malgré les moyens colossaux qu’ils déployèrent et les sommes folles que tout cela leur coûta. En fin de compte, les Américains comprirent qu’il valait mieux négocier avec les Talibans que d’essayer de les vaincre militairement. D’autant que cette guerre était de plus en plus impopulaire aux États-Unis. Ils entamèrent donc des négociations à Doha au Qatar aux termes desquelles les Américains décidèrent de se retirer. Leur retrait définitif aurait dû se faire à la fin de ce mois d’août. Certains des alliés tels que la France s’étaient déjà retirés du pays quelques années plus tôt.
Parallèlement à la guerre contre les Talibans, les Américains avaient aussi entrepris de former l’armée afghane pour se défendre toute seule. Et en théorie, ce sont 300 000 hommes au nombre desquels 50 000 soldats des forces spéciales bien aguerris que les Américains laissaient sur le terrain. En théorie, ces hommes-là suffisaient pour empêcher les Talibans de revenir au pouvoir. Mais voici que tout s’est effondré avant même que les Américains n’aient achevé leur retrait du pays. Les Talibans se sont emparés du pays pratiquement sans rencontrer de résistance. Où sont donc passés les trois cent mille hommes et les forces spéciales ? Selon les observateurs, la corruption aura été la cause principale de cette débâcle. Les autorités afghanes gonflaient les chiffres des soldats pour augmenter les factures que payaient les Américains et la corruption des élites n’incitaient guère les soldats à risquer leurs vies pour elles.
Quelles leçons pour nous, Africains ? Nous devons retenir que les Américains n’ont pas été en Afghanistan pour les Afghans. Ils y ont été pour leurs intérêts. Pour se protéger contre le terrorisme. Et ils se retirent parce que leurs intérêts leur commandent de le faire. C’était aux Afghans de s’organiser pour pouvoir assurer eux-mêmes leur sécurité. Aujourd’hui, le pays s’effondre. Tant pis pour les Afghans ! Quand bien même les Américains seraient restés dix ans de plus, tant que le pays était miné par la corruption, cet effondrement aurait eu lieu. Les pays africains où des forces étrangères se battent contre les terroristes à la place de leurs forces de sécurité devraient comprendre que lorsque les intérêts de ces pays étrangers leur commanderont de s’en aller, ils partiraient sans état d’âme. Les pays européens qui ont envoyé des soldats se battre en Afrique le font pour se protéger contre le terrorisme chez eux. C’est pour empêcher que les terroristes partent d’ici pour les attaquer chez eux, ou les attaquent chez nous. Ils ont beaucoup d’intérêts chez nous. C’est donc maintenant que ces pays africains devraient songer à s’assumer eux-mêmes en profitant de la présence de ces forces étrangères. Si l’on ruse avec les principes et l’éthique, cela finit par nous rattraper. Nos pays sont très sourcilleux, lorsque l’on aborde la question de la corruption. Mais on en paye toujours le prix. Les Afghans sont en train d’en payer le prix fort. Lorsque dans un pays on passe plus de temps à s’étriper pour les fastes du pouvoir plutôt que de se battre contre des terroristes qui occupent presque tout le pays et massacrent tous les jours les populations, lorsque l’on fait croire que les soldats sont en train d'être formés, alors qu’il n’en est rien, on en paye toujours la facture, très lourde, si les forces étrangères se retirent. Et elles finissent toujours par se retirer, parce qu’aucun pays n’a vocation à rester indéfiniment dans un autre.
Parallèlement à la guerre contre les Talibans, les Américains avaient aussi entrepris de former l’armée afghane pour se défendre toute seule. Et en théorie, ce sont 300 000 hommes au nombre desquels 50 000 soldats des forces spéciales bien aguerris que les Américains laissaient sur le terrain. En théorie, ces hommes-là suffisaient pour empêcher les Talibans de revenir au pouvoir. Mais voici que tout s’est effondré avant même que les Américains n’aient achevé leur retrait du pays. Les Talibans se sont emparés du pays pratiquement sans rencontrer de résistance. Où sont donc passés les trois cent mille hommes et les forces spéciales ? Selon les observateurs, la corruption aura été la cause principale de cette débâcle. Les autorités afghanes gonflaient les chiffres des soldats pour augmenter les factures que payaient les Américains et la corruption des élites n’incitaient guère les soldats à risquer leurs vies pour elles.
Quelles leçons pour nous, Africains ? Nous devons retenir que les Américains n’ont pas été en Afghanistan pour les Afghans. Ils y ont été pour leurs intérêts. Pour se protéger contre le terrorisme. Et ils se retirent parce que leurs intérêts leur commandent de le faire. C’était aux Afghans de s’organiser pour pouvoir assurer eux-mêmes leur sécurité. Aujourd’hui, le pays s’effondre. Tant pis pour les Afghans ! Quand bien même les Américains seraient restés dix ans de plus, tant que le pays était miné par la corruption, cet effondrement aurait eu lieu. Les pays africains où des forces étrangères se battent contre les terroristes à la place de leurs forces de sécurité devraient comprendre que lorsque les intérêts de ces pays étrangers leur commanderont de s’en aller, ils partiraient sans état d’âme. Les pays européens qui ont envoyé des soldats se battre en Afrique le font pour se protéger contre le terrorisme chez eux. C’est pour empêcher que les terroristes partent d’ici pour les attaquer chez eux, ou les attaquent chez nous. Ils ont beaucoup d’intérêts chez nous. C’est donc maintenant que ces pays africains devraient songer à s’assumer eux-mêmes en profitant de la présence de ces forces étrangères. Si l’on ruse avec les principes et l’éthique, cela finit par nous rattraper. Nos pays sont très sourcilleux, lorsque l’on aborde la question de la corruption. Mais on en paye toujours le prix. Les Afghans sont en train d’en payer le prix fort. Lorsque dans un pays on passe plus de temps à s’étriper pour les fastes du pouvoir plutôt que de se battre contre des terroristes qui occupent presque tout le pays et massacrent tous les jours les populations, lorsque l’on fait croire que les soldats sont en train d'être formés, alors qu’il n’en est rien, on en paye toujours la facture, très lourde, si les forces étrangères se retirent. Et elles finissent toujours par se retirer, parce qu’aucun pays n’a vocation à rester indéfiniment dans un autre.