Fête de génération chez les Atchan de Niangon-Lokoa: Le passage à l’âge adulte, entre mysticisme et joie

FETE DE GENERATION 2
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FETE DE GENERATION 2

Fête de génération chez les Atchan de Niangon-Lokoa: Le passage à l’âge adulte, entre mysticisme et joie

Le 25/08/21 à 13:43
modifié 28/08/21 à 05:23
La génération Gnando junior de Niangon-Lokoa a célébré sa fête de la maturité le 21 août 2021. Ce rituel qui n’est pas une simple formalité festive situe l’homme Atchan dans sa communauté villageoise à travers sa génération, voire sa catégorie. Il s’apparente à une fête d’initiation, en prélude à l’âge adulte, le Fatchué, qui prépare à la prise des rênes du village. Cette fête intervient après celle des Blessoué, célébrée en 2006.

Difficile de se frayer un passage, ce samedi, dans le paisible village de Niangon-Loka, situé dans la commune de Yopougon. Le nombre d’habitants est passé du simple au double. On se bouscule dans les rues. Partout, c’est la joie. Hommes, femmes et enfants sont en fête. Dans les rues et ruelles, les «Tchabio» (Hommes Atchan) esquissent des pas de danse. Des tam-tams parleurs se font entendre partout. C’est la fête de la maturité de la génération Gnando composée de quatre catégories : Djéhou, Dongba, Agban et Assoukrou. Dans les différents foyers, des mets succulents Atchan, à savoir le kokotcha (foufou banane), l’attiéké à l’huile rouge, accompagné d’une soupe de poisson (requin, brochet et thon) sont confectionnés pour recevoir les invités. On mange. On trinque au vin. En attendant le grand défilé initiatique de la génération, l’après-midi.

La procession de la génération Gnando (Photo: Patrick N'Guessan)
La procession de la génération Gnando (Photo: Patrick N'Guessan)



Depuis 6h du matin, les 800 membres de cette génération se sont retrouvés chez leurs aînés pour des prières de bénédiction. Ensuite, les chefs guerriers ont été initiés sous l’arbre à palabres du village. Après avoir reçu leurs différents attributs, ces guerriers, vêtus d’un pagne rouge appelé « abo nannan » qui leur ceint les reins de mini-jupe, sont aptes pour le défilé. Le buste de même que le visage sont barbouillés de kaolin peuvent maintenant faire la procession dans le village qui sera ponctuée par des danses guerrières.

Depuis le 15 août 2021, les quatre guerriers étaient été déjà présentés au public. « Depuis des mois, ils se sont entraînés. Ils ont passé quatre ans dans le bois sacré. C’est une phase très importante. Quand on devient mature, on doit montrer à tous les villageois que nous ne sommes plus des adolescents. Il y aura des démonstrations de danses mystiques. Ce côté mystique va démontrer notre maturité », a révélé Mobio Dominique, porte-parole de la génération Gnando Djéhou. Qui précise que les chefs guerriers sont choisis par les doyens du village. Après le choix des nouveaux chefs, ces derniers reçoivent des dons de diverses natures.

Les femmes Atchans en procession dans le village. (Photo: DR)
Les femmes Atchans en procession dans le village. (Photo: DR)



Le défilé de confirmation des chefs guerriers

C’est à 16h que la procession des différentes catégories de la génération Gnando junior, débutée à 14h, sur une distance d’un kilomètre, s’est achevée. Une véritable traversée d’obstacles ! Il fallait que les chefs guerriers franchissent les obstacles mystiques, selon le protocole coutumier. Habillés en rameau natté ou ‘’afon’’, coiffé d’un chapeau orné de miroir ‘’Apkro’’, tenant deux sabres ou ‘’Afran’’ en main, ils ont esquissé des pas de danse au son des tam-tams, encadrés par un protecteur et un éclaireur. Chacun à un rôle spécifique dans le groupe. Les femmes ramassent tous les objets (morceaux d’étoffe, fils de bonnet) que laissent tomber le guerrier. «Les protecteurs des guerriers sont dotés de pouvoirs mystiques pour détecter des pièges. Il faut être initié pour voir le côté caché. Aujourd’hui, cette fête est devenue culturelle», confie le doyen Dkako Julien.

Ce passage de l’adolescent à l’âge adulte est un véritable test pour la génération Gnando junior, c’est pourquoi le défilé de ce jour doit être une réussite.

Les plus jeunes de la génération, les Assoukrou (les benjamins), les précurseurs, appelés aussi ‘’Caterpillar’’, en première ligne de la procession, entourent leur guerrier appelé aussi honorable. Au son du tam-tam, « kpôtô kpôtô gro », le chef guerrier Dunamos danse en franchissant les obstacles. S’il n’arrive pas à avancer, des incantations sont faites. L’eau est versée par une femme et un homme. De la poudre cosmétique purifiée est répandue sur le trajet du guerrier. Du citron est découpé et sucé pour vaincre l’obstacle. Les éclaireurs aspergent également tous les membres pour débloquer le piège. Les obstacles levés. Le guerrier avance lentement. Sûrement.

Ensuite, viennent les Dongba (les puînés). C’est le même rituel, la même organisation. Mais cette catégorie, danse au son du tam-tam ‘’Kpin Kpa’’. Suivent les Agban (les cadets) et, enfin, les doyens de la génération, les Djéhou. Ces aînés ont également leur tonalité musicale. Ils dansent au rythme du tam-tam Gbangbou (gougoussoa krékété). Un rythme envoûtant qui emporte le guerrier dans une démonstration de danse dont lui seul a le secret. Dans un délire total, les différents membres de la classe, torses nus pour certains, habillés d’un pagne baoulé noué à la hanche pour d’autres et d’un tee-shirt frappé à l’effigie de la génération, s’en donnent à cœur joie, s’encourageant à tue-tête. Quand ils franchissent une étape ou un piège dans leur progression vers Atto (direction finale), c’est la joie. Le son des hochets en calebasse est plus retentissant. Dans cette organisation, le guerrier est bien encadré. Il ne doit ni tomber ni trébucher. C’est la pierre angulaire de la catégorie. « Cette fête est un test pour cette génération. Nous voulons voir leur degré de maturité. Autrefois, cette fête était un moment de démonstration de la puissance mystique de la génération. On peut creuser un trou mystique. On peut lancer des plombs. Le guerrier ne voit pas, ce sont les éclaireurs (de détecter) qui doivent détecter les dangers et les déjouer. Mais les choses ont tellement évolué», a relaté M. Djako.

Le chef guerrier de la catégorie Gnando Djégou. (Photo: DR)
Le chef guerrier de la catégorie Gnando Djégou. (Photo: DR)



Test réussi pour la Génération Gnando junior

Au terme du défilé de la génération Gnando, les membres de la Génération ont entonné des chants en signe de victoire. À la suite de cette démonstration, les femmes de la génération, superbement habillées, ont fait leur entrée sur la place publique du village en chantant.

Tout ému, le porte-parole des parrains de cette fête, Danho Clotaire, s’est adressé à ses filleuls en ces termes : «Vous devez épouser et traduire les valeurs intrinsèques de cette cérémonie dans votre quotidien : la discipline de groupe, la solidarité, l’humilité, le discernement et le respect des autorités coutumières et des aînés que sont la chefferie et les nanans (les doyens).»

Après cette initiation, les membres de cette génération sont appelés à participer à la vie active du village, au développement socioculturel du village de Niangon-Lokoa. «Vous devez protéger avec fierté vos us et coutumes, bien que vous êtes en pleine agglomération de Yopougon. Votre avis sera constamment sollicité dans la gestion du village ainsi que pour toutes les questions importantes, quelle que soit leur nature. Soyons les dignes fils de Niangon-Lokoa. De véritables modèles pour la génération qui vous suit », a conseillé M. Danho.

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Djako Julien (membre de la génération Tchagba Dongba): «Pas de sorcellerie lors des danses Atchan»

Le doyen Julien Djako (Photo: Patrick N'Guessan)
Le doyen Julien Djako (Photo: Patrick N'Guessan)



Pour lui, les fêtes Atchan sont devenues des faits culturels. Il est convaincu que l’aspect mystique de cette cérémonie qui faisait son charme n’existe plus. « Je suis pasteur. J’ai reçu un don. S’il y avait de la sorcellerie. J’allais le détecter. Il n’y a rien de sorcier. Même dans la Bible, le roi David a dansé », a confié Djako Julien, membre de la génération Tchagba Dongba. En sa qualité de pasteur de l’Eglise Protestante Méthodiste de Côte d’Ivoire, il estime que l’évangile doit éclairer la culture. « Il faut savoir extirper de la culture ce qui n’est pas bon. La génération est une classe sociale, les membres s’entraident. C’est le côté positif de la génération », déclaré M. Djako.

Cette vieille tradition de plus de trois siècles est célébrée tous les quinze ans. Le village de Niangon-Lokoa est dirigé par la génération Blessoué et le chef du village est Bodjui Josué.



Le 25/08/21 à 13:43
modifié 28/08/21 à 05:23