Sportivement : Non, le sport n'est pas de l'amusement !

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Sportivement : Non, le sport n'est pas de l'amusement !

Le 02/09/21 à 10:43
modifié 02/09/21 à 11:07
Quand je vois l’athlétisme ivoirien se débattre pour survivre, le taekwondo et le basket-ball s’endetter pour porter le drapeau de la Côte d’Ivoire parmi les meilleures nations, j’ai mal. Le sport, ce n’est pas de l’amusement ! Pourtant, une loi relative au sport, la première du genre en Côte d’Ivoire, a été adoptée à l’unanimité, le 17 décembre 2014, par l’Assemblée nationale. Cela aurait dû aider le mouvement sportif à franchir un palier.

Le ministre François Albert Amichia, à l’époque, avait annoncé son application effective en février 2018. Entre-temps, il y a eu un changement à la tête de ce département important dans le courant de cette année 2018. Son successeur l’avait repoussé à 2019. Nous sommes en 2021 et toujours rien de concret. Au contraire, le sport ivoirien se meurt. La parafiscalité qui permettait aux fédérations de s’organiser en interne et de proposer quelques activités est devenue une denrée rare.

La direction générale des Impôts continue cependant de verser régulièrement presque un milliard de FCfa par an dans les caisses du ministère des Sports. Chaque fois, pour aller participer aux compétitions internationales, c’est la croix et la bannière. On vous dit qu’il n’y a pas d’argent et sur le peu qu’on vous doit, on fait du « je retiens » sur la base d’arguments farfelus. Et pourtant, le sport, nul ne l’ignore, constitue un outil efficace de promotion de l’image internationale d’un pays.

« Plus qu’un volet de la politique étrangère d’un pays, la diplomatie sportive donne un avantage comparatif aux nations qui se préoccupent de leur image internationale », écrivait Laurent Fabius dans un manuscrit en 2014. Ministre des Affaires étrangères et du Développement international de François Hollande du 16 mai 2012 au 11 février 2016 et Premier ministre français (17 juillet 1984-20 mars 1986), l’homme ne parlait pas dans le vide. C’est que depuis la renaissance de l’olympisme à la fin du XIXe siècle, le sport joue un rôle politique et international croissant.

L’Allemagne nazie fit des Jeux olympiques de Berlin en 1936 une tribune politique. Après la Seconde Guerre mondiale, la compétition entre les États-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques (Urss) est passée aussi par une course aux médailles. Tout près de nous, et dans un esprit différent, Nelson Mandela a adossé sa politique de rassemblement à la fin de l’apartheid à la Coupe du monde de rugby. Depuis vingt ans, la donne a changé, avec l’entrée du sport dans l’ère de la communication mondialisée.

Autrefois préparation à la fonction combattante ou terrain de substitution des conflits, le sport est devenu une source de rayonnement et un moyen de communication, c’est-à-dire un outil d’influence. Il constitue l’un des premiers spectacles mondiaux : les Coupes d’Afrique et du monde dans les disciplines, les Jeux olympiques du Comité international olympique (Cio).

Dernièrement, les Jeux de Tokyo ont rassemblé près d’un milliard de téléspectateurs pour leur cérémonie d’ouverture. Rares sont les événements qui peuvent profiter d’une telle audience. Les sportifs s’affirment comme des ambassadeurs de leur pays, souvent plus connus que toute autre personnalité, plus connus même que leur propre pays. Didier Drogba, Yaya Touré, Murielle Ahouré, Ta Lou, Ruth Gbagbi pour la Côte d’Ivoire; Usain Bolt pour la Jamaïque ou Novak Djokovic pour la Serbie. En réponse, les stratégies de « diplomatie sportive » se sont multipliées.

Le sport fait l’objet d’une compétition internationale dans laquelle les pays émergents ont pris leur place, en particulier comme organisateurs de grands événements sportifs. Certains États considèrent le sport comme un investissement pour gagner en visibilité et en influence. Celui du Qatar dans le club de football du Paris Saint-Germain (Psg) constitue un outil d’affirmation pour ce pays que désormais tous les Français connaissent. Il y a trois décennies (dans les années 1980), la Côte d’Ivoire innovait dans ce sens, en sponsorisant un club dans le championnat de football français. Ce partenariat mettait en avant le café de Côte d’Ivoire.

Pour mieux vendre la destination Rwanda, ce pays a noué des partenariats avec des clubs populaires tels que le club anglais d’Arsenal Fc et le Paris Saint Germain de France. Les Jeux olympiques de Sotchi ont été conçus par le Président russe Vladimir Poutine comme un instrument d’affirmation internationale auquel il a consacré un budget considérable. D’autres pays, comme la Corée du Sud, promeuvent un sport national, le taekwondo, afin de tisser des liens là où les réseaux diplomatiques sont moins opérants.

Les États-Unis, depuis longtemps, se servent du sport pour célébrer leur modèle éducatif et sportif. L’importance prise par la compétition sur le plan de l’influence sportive tient aux multiples retombées possibles. Facteur non agressif de puissance, le sport est utilisé pour véhiculer des images, transmettre des messages, faire avancer des intérêts.

Bref, le sport est bien plus que du sport, c’est aussi un élément majeur du soft power. Ne sacrifions pas notre sport sur l’autel de nos intérêts personnels. Car pour assurer sa place et son rang, la Côte d’Ivoire doit être au rendez-vous de cette compétition mondiale. Mobilisation-nous en ce sens.

La Côte d’Ivoire est de longue date l’hôte d’événements sportifs d’ampleur internationale. Autant d’atouts qui nous offrent une place de choix dans le monde sportif. Il faut cultiver ce statut de grande nation sportive.



Le 02/09/21 à 10:43
modifié 02/09/21 à 11:07