Fausseni Dembélé (Dg de la RTI) : « Radio Côte d’Ivoire a permis au pays de faire des pas de géant vers la construction de la nation ivoirienne »

Fausseni Dembélé, directeur général de la Rti.
Fausseni Dembélé, directeur général de la Rti.
Fausseni Dembélé, directeur général de la Rti.

Fausseni Dembélé (Dg de la RTI) : « Radio Côte d’Ivoire a permis au pays de faire des pas de géant vers la construction de la nation ivoirienne »

Le 01/11/21 à 07:19
modifié 01/11/21 à 07:20
60 ans après sa création, quels sont les plus grands succès de Radio Côte d’Ivoire ?

Il faut lier le succès de Radio Côte d’Ivoire à celui de la Côte d’Ivoire. Prenons par exemple le domaine de l’agriculture. Nous avions ce slogan bien connu : « Le succès de ce pays repose sur l’agriculture ». Avant la télévision, c’est Radio Côte d’Ivoire, à travers des émissions comme « Djamo Djamo », « La coupe nationale du progrès », qui a permis de faire connaître l’agriculture ivoirienne. De créer un sentiment de confiance et la valorisation des populations paysannes avec l’accompagnement de l’État, du ministère de l’Agriculture et celui de la Communication.

C’est un travail formidable qui a été fait dans les campagnes. Un peu partout, les populations avaient la radio collée à l’oreille, en allant au champ, dans leurs les plantations. En quelque sorte, la radio rythmait le quotidien de ces populations. C’est dire que le succès de l’agriculture est aussi celui de Radio Côte d’Ivoire et du groupe RTI. Et cela, à travers des émissions comme « Connais-tu mon beau pays ». Radio Côte d’Ivoire a permis au patrimoine national d’être visité et connu par les populations du pays. Vous prenez par exemple la culture Agni de l’Indenié à travers Radio Côte d’Ivoire, elle est connue à Bouaké, Korhogo, Man, Aboisso... un peu partout dans le pays Sénoufo, Dan, Wê, Baoulé, Attié, etc. Radio Côte d’Ivoire a permis à la Côte d’Ivoire de faire des pas de géant vers la construction de la nation ivoirienne. Et je pense que ces acquis sont pour moi les plus importants.

La concurrence est rude à Abidjan avec les radios commerciales mais aussi les radios de proximité de l'intérieur du pays. Comment Radio Côte d’Ivoire fait face à cet environnement concurrentiel ?

La concurrence a d’abord été très rude, frontale et même brutale. Avec le nouveau paysage audiovisuel, Radio Côte d’Ivoire a connu dans un premier temps de grandes difficultés. Cela s’est ressenti du point de vue de l’audience. Nous étions parmi les 10e, 12e, mais il a fallu un travail acharné pour redresser la pente. Nous nous sommes remis en cause. Nous nous sommes réorganisés sur le plan structurel et interne. Nous avons revu la grille, proposé des émissions qui sont dans l’air du temps sans nous renier. Toute chose qui a permis de rénover le contenu éditorial et de susciter l’intérêt de la population. Vous prenez par exemple la célèbre émission de La Matinale, « Ce n’est pas normal », beaucoup se demandent s’il s’agit d’une émission de Radio Côte Ivoire, alors que c’est bel et bien une émission de notre radio. C’est une émission qui a du succès. Les populations appellent de partout pour dire ce qui ne va pas, mais aussi pour apprécier le contenu de certaines productions. Et donc cette proximité crée une interactivité que Radio Côte d’Ivoire a développée et continue de développer. Tout en faisant en sorte que la Radio fasse des remontées. Aujourd’hui, c’est une chaîne qui est en phase avec les auditeurs.

Comment s’est opéré le choix des communes devant accueillir les festivités des 60 ans de la Radio ?

Il faut dire que les 60 ans de Radio Côte d’Ivoire sont célébrés dans la durée. Donc, il s’agit d’une célébration éclatée. L’idéal serait d’aller partout. Malheureusement, on ne pourra pas être partout et même dans les communes les plus peuplées où les auditeurs, les groupes de fan club de la Radio sont organisés. Quand il y a un choix à faire, quelle que soit la valeur des critères retenus, des frustrations peuvent naître. Mais nous disons aux auditeurs de Radio Côte d’Ivoire que leur radio est à leur écoute et que partout où le besoin va se faire sentir, Radio Côte d’Ivoire sera là pour célébrer ses 60 ans, parce que cela va durer pratiquement toute la fin de l’année et même toute l’année 2022. Nous ferons en sorte, avec la direction de Radio Côte d’Ivoire, que le maximum de communes à Abidjan ainsi que le maximum de villes à l’intérieur reçoivent la radio pour communier.

Quelle politique menez-vous pour capter autant d’auditeurs et surtout ceux de la diaspora ?

La diaspora peut nous suivre par internet essentiellement et aussi certains bouquets. La diaspora ivoirienne qui est notamment dans les pays africains ou les pays desservis par les bouquets qui sont Startimes, Canal+..., il faut dire que nos radios et nos télévisions sont sur ces bouquets-là. Nous sommes également avec RTI digital qui est quasiment la première plateforme digitale du pays avec un contenu culturel multiforme. Nous sommes accessibles. Partout où est la diaspora ivoirienne , avec internet, elle peut écouter Radio Côte d’Ivoire, ses émissions, ses productions, ses magazines.

Monsieur le directeur général, la redevance Rti, est-ce une question tabou ? Si non, à quoi sert-elle ? Est-elle exclusivement versée à la RTI ?

La question de la redevance est liée au financement du service public de l’audiovisuel. Ici, en Afrique, principalement au Sénégal, Burkina Faso, Mali, mais également dans les autres pays du monde (France, Belgique, Suède), les Etats ont une politique de financement du service public de l’audiovisuel. Ce sont des financements directs par des budgets ou des taxes. La plupart des pays ont des taxes au profit de l’audiovisuel qui a une mission de service public avec un cahier des charges, des obligations, etc.

En Côte d’Ivoire, depuis 1994, l’Etat a institué une redevance précomptée sur la consommation d’électricité au profit de la RTI, alors que cette chaîne était dans une situation de monopole. Il faut indiquer qu’en 1994, la concurrence était très faible ou inexistante dans les radios comme à la télévision. Mais l’Etat a vu qu’il était indispensable de soutenir l’audiovisuel parce que les équipements, la production et tout ce qu’il y a à faire pour rendre compte des activités dans le pays, ont un coût extrêmement élevé. Et ce, avec la sophistication des équipements et la nécessité de les renouveler. En la matière, cette redevance qui est évolutive peut rapporter une dizaine de milliards de francs à la RTI sur un budget d’environ 21 à 22 milliards de francs. La redevance apporte environ 48 à 49% et les ressources en interne font 51 à 52%.

Peut-on donc dire que la Rti s’autofinance bien ?

Sur la question, je pourrai vous dire que nous avons l’une des meilleures performances en termes d’autofinancement. Il y a des pays africains où la subvention étatique sous plusieurs formes fait à peu près 91% des besoins de financement de ces radios et des télévisions. La norme en Afrique, par ailleurs en Afrique francophone, est entre 60 et 75%. En Europe, c’est autour de 75% de financement public direct de l’audiovisuel. En Côte d’Ivoire, nous avons un niveau de financement d’environ 49%. Voilà la situation de la redevance telle qu’elle est aujourd’hui.

D’autres structures étatiques seront-elles concernées par la redevance ?

Il y a des réflexions pour voir si des structures comme IDT (Ndlr : Société ivoirienne de télédiffusion) pourraient bénéficier de cette redevance qui est déjà insuffisante. De toutes les façons, quand le parlement prendra une décision, parce que c’est le pouvoir souverain de l’État de Côte d’Ivoire, elle le sera au bénéfice de l’audiovisuel national. Au moment où la concurrence est intégrale, je vois très mal l’État de Côte d’Ivoire abandonner l’audiovisuel public.

On a vu, entre autres, l’importance de façon particulière, quand il y a eu la crise de la Covid-19 en 2020, des chaînes nationales, radios comme télévisions. Elles ont été mobilisées au quart de tour par l’État de Côte d’Ivoire pour la sensibilisation de la population.

Nous avons transformé tous nos programmes comme les militaires, les agents de santé. Nous avons été sur le front. Nos personnels, nos productions ont toutes été mobilisées pour la guerre contre la Covid-19. Cela a été le cas lors de l’opération sauvetage de l’école avec le programme « École pour tous » ou également toutes nos chaînes ont été mobilisées aux côtés du ministère de l’Education nationale, du ministère de l’Enseignement technique pour permettre la continuité de l’école. C’est cela le service public !

Tout cela pour dire que la redevance n’est pas de l’argent donné pour accompagner les loisirs des agents de la RTI. C’est de l’argent donné et qui sert en partie à financer les équipements et le fonctionnement de cette maison qui est indispensable pour le service public.

Quelles sont les perspectives de Radio Côte d’Ivoire ?

Les perspectives sont bonnes. C’est une radio qui a fait sa mue et qui a pu s’adapter à l’environnement qui était difficile. Aujourd’hui, Radio Côte d’Ivoire fait une belle remontée. C’est une radio qui a du personnel motivé autour d’une directrice qui montre que la radio a de beaux jours devant elle. Il y a l’accompagnement de l’État à travers le ministère de la Communication, des Médias et de la Francophonie. Également la radio est l’objet d’une attention particulière de la direction générale. Au total, la combinaison de tous ces éléments nous permet de dire que pour Radio Côte d’Ivoire, le meilleur reste à venir.

INTERVIEW REALISEE PAR SALIF D. CHEICKNA


Le 01/11/21 à 07:19
modifié 01/11/21 à 07:20