Pr Joseph Kaudjhis (Dg du Campc) : « Depuis trois ans, le Centre arrive à financer son fonctionnement. Mais… »

Pr Joseph Kaudjhis, directeur général du Centre africain de management et de perfectionnement des cadres. (Ph: Dr)
Pr Joseph Kaudjhis, directeur général du Centre africain de management et de perfectionnement des cadres. (Ph: Dr)
Pr Joseph Kaudjhis, directeur général du Centre africain de management et de perfectionnement des cadres. (Ph: Dr)

Pr Joseph Kaudjhis (Dg du Campc) : « Depuis trois ans, le Centre arrive à financer son fonctionnement. Mais… »

Le 04/12/21 à 17:40
modifié 04/12/21 à 17:55
Il fait dans cette interview le point du processus de relance de son institution entamée en 2018.
Vous organisez bientôt et pour la première fois une cérémonie de remise de diplôme...

Nous organisons le 9 décembre les Awards du Campc. C’est effectivement la première fois que le centre organise une remise de diplômes. Il s’agit de réaffirmer le statut d’institution d’enseignement. Ce Centre a depuis toujours été assimilé à un Cabinet de formation. Ce qui n’est pas juste. Le Campc est une institution intergouvernementale de formation supérieure à vocation professionnelle.

À quoi doit-on s’attendre le 9 décembre ?

Ce sera une cérémonie académique solennelle qui va enregistrer la participation des administrateurs, de nos partenaires et des diplômés depuis 2018 qui se verront décernés officiellement leurs parchemins. Ils seront vêtus de leurs toges et leurs chapeaux de graduation. Seront également présentes à cette cérémonie des personnalités politiques, administratives et du monde des affaires. Outre les diplômés, ce sera l’occasion pour nous de traduire notre infinie reconnaissance à tous nos partenaires qui nous accompagne dans cette aventure de redynamisation du Campc.

Vous avez reçu récemment deux prix : un prix Padev et une palme d’or du genre. Que représente pour vous ce type de distinction ?

C’est avec beaucoup de fierté et d’émotion que nous avons reçu ces prix qui témoignent de l’importance du travail abattu depuis 2018. Depuis son ouverture en 1975, c’est en effet la toute première fois que le Campc reçoit autant de distinctions. Cela nous conforte dans notre détermination à faire de l’institution la référence de la formation professionnelle continue en Afrique et à mettre à la disposition de nos États des cadres innovants et compétents qui soutiendront notre développement économique, social et environnemental.

De nouvelles offres ont été annoncées, il y a deux ans environ, pour enrichir et adapter les curricula au contexte et à la concurrence.

Les curricula du Campc ont été effectivement revus conformément à nos annonces de 2018. Tous les programmes ont ainsi été réaménagés avec le basculement au système LMD (Licence – Master – Doctorat). Ce basculement a favorisé la création de nouvelles notamment le Master 2 en diplomatie, le Master 2 en commande publique, le Master 2 en ingénierie fiscale et le Master 2 en Gouvernance des établissements scolaires. Ces filières sont aujourd’hui à leur 2e, voire 3e promotion.

Ces nouvelles offres de formations prennent-elles en compte les Tics et les changements climatiques ?

Sur ces thématiques, nous avons plutôt des formations certifiantes ou qualifiantes. Elles sont également intégrées aux modules des formations diplômantes. Depuis peu nous avons engagé l’évaluation de certains de nos programmes. Au niveau de la Commande Publique par exemple, nous nous sommes inscrits dans une démarche d’implémentation de la digitalisation dans la formation. Dans la filière Diplomatie, nous allons intégrer des modules liés aux changements climatiques.

Il y a deux ans vous avez annoncé une délocalisation des sessions. Qu’en-est-il ?

Le Campc organise déjà des sessions de formation dans d’autres pays aussi bien en Afrique que partout ailleurs. Indépendamment de ces sessions qui sont organisées hors Côte d’Ivoire, nous avons initié un projet d’ouverture d’une représentation de notre institution à Ouagadougou au Burkina Faso. Les discussions sont en cours relativement à l’acquisition de la parcelle et nous pensons que dans les prochains mois, nous aurons un retour favorable qui nous permettra de lancer les travaux de construction des locaux. Nous ambitionnons également de créer un grand institut dédié à la formation des professionnels à Yamoussoukro. Ce projet sera soumis au prochain Conseil d’Administration qui se tiendra dans les prochains jours à Abidjan.

La Covid-19 a-t-elle suscité de nouvelles de formation offres chez vous ?

On peut le dire, principalement dans la formation en gouvernance sanitaire. Dans le cadre de cette formation, les aspects liés aux crises sanitaires en général ont été intégré dans les formations. Aussi, la Covid-19 a donné un coup d’accélérateur à la formation à distance au Campc. Les équipements de support de ce mode d’enseignement avaient été déployés depuis 2018 dans deux salles de cours. Mais ils n’étaient pas suffisamment exploités. Ce n’est qu’avec le déclenchement de la crise sanitaire que le besoin de recourir à la formation à distance s’est fait sentir. Grâce à cet équipement, les cours au Campc ont pu se faire à distance, là où plusieurs institutions de formation ont dû fermer temporairement leurs portes.

Le directeur du Campc échangeant avec le journaliste. (Ph: Dr)
Le directeur du Campc échangeant avec le journaliste. (Ph: Dr)



Comment le Campc se positionne-t-il aujourd’hui face à la concurrence ?

Le campc reste le leader de la formation professionnelle continue en Afrique. C’est chez nous que se joue une bonne partie du destin de nos États en matière de formation des cadres. Nous n’avons pas de problèmes avec la concurrence parce que les contenus de nos programmes sont innovants et attrayants. Et cela se voit dans les effectifs des trois dernières années qui ont presque triplé. Notre cible est également différente. Nous ne faisons pas de formation initiale. Nos auditeurs sont uniquement des professionnels.

Des partenariats ont été noués par le Campc en Afrique et dans le monde, pour renforcer sa stature internationale. Quels en sont les résultats ?

Les partenariats que nous avons signés fonctionnent bien. Et l’un des plus importants que nous avons signé à ce jour est celui avec le Business science institute (Bsi) du Luxembourg qui est l’une des meilleure Business School au monde. Avec le Bsi nous avons un programme de DBA (Doctorate in Business Administration) qui a été lancé depuis 2019. Nous avons également à l’échelle sous-régionale, un partenariat avec le Cesag au Sénégal, Alga au Maroc, etc. En Côte d’Ivoire, nous avons aussi signé des partenariats avec d’autres institutions de formation dont l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire qui nous envoie régulièrement des stagiaires.

Vous avez appelé à une mobilisation des États-membres à l’effet de doter le Campc de moyens conséquents. Comment les gouvernements ont-ils réagi ?

Au plan politique, la volonté des États de faire du Campc l’institution prioritaire de la formation professionnelle continue est forte. Et cela est en train de se réaliser au plan financier. Même si c’est encore timide, nous avons foi que les initiatives seront mises en œuvre pour nous doter de moyens suffisants pour notre fonctionnement et nos investissements. Les États-membres font en effet des efforts en nous envoyant des cadres en formation. Ce qui nous permet de disposer de moyens financiers pour la gestion du Centre. Mais nous sommes encore en train de discuter d’un nouveau plan de financement de l’institution. Nous pensons que ce plan devrait être adopté au prochain Conseil d’administration et permettra au Campc de fonctionner sans grandes difficultés dans les années à venir.

Est-ce la principale question qu’il faut adresser pour que tous les objectifs soient atteints ?

Oui. Nous sommes l’une des rares institutions internationales qui fonctionnent à 90% sur fonds propres. Si nous avions une bonne mobilisation des États-membres sur le financement, certains problèmes ne se poseraient plus. En termes de gouvernance administrative, nous avons stabilisé la situation. Nous savons maintenant comment faire. Il ne nous reste plus qu’un bon plan de financement pour sortir de certaines incertitudes dans la gestion du Centre.

Pourquoi l’argent des États-membres n’arrive toujours pas alors que vous disposez de cette approche à la fois holistique et chirurgicale de la formation ?

Vous savez le Campc a connu une longue période difficile avant 2018, près d’une décennie de crise de gouvernance. Pour les États-membres, il est important que la dynamique impulsée depuis peu montre une certaine durabilité qui sera le gage de leur implication financière. C’est vrai que depuis trois ans le Centre arrive à financer son fonctionnement. Mais dans une organisation, il n’y a pas que le fonctionnement. Il y a aussi les investissements qui permettent de demeurer toujours en tête du peloton. C’est ce financement pour assurer les investissements que nous sollicitons auprès États-membres, à travers l’accroissement de leur participation aux programmes de formation. Ce n’est donc pas une nouvelle mobilisation de moyens. Chaque année tous les États-membres votent des budgets dont des chapitres sont consacrés à la formation et au renforcement des capacités des agents publics. Si seulement 30 à 40% de ces crédits budgétaires étaient orientés vers le Centre n’aurait plus de problème de financement.

Vous voulez investir dans quoi concrètement ?

À sa création en 1975, le Campc a été conçu pour accueillir 100 auditeurs. Aujourd’hui, nous sommes à 270 auditeurs. C’est vrai que le recours à la formation en ligne a résorbé un tant soit peu ce problème de disponibilité de salles, mais ll est important d’investir dans de nouvelles infrastructures pour accueillir dans de bonne condition de formation tous les auditeurs qui frappent à la porte du Campc. Il faut aussi avec la formation en ligne qui prend de l’importance investir dans les équipements pour être à la pointe. Il y a aussi les autres prestations du Campc, notamment les résidences et la restauration qui ont besoin d’investissements pour offrir des services et des prestations de bonne qualité aux auditeurs résidents.

Comment faites-vous alors ?

Pour le moment, nous avons fait quelques investissements, notamment dans les équipements TIC pour la formation en ligne. Nous sommes également en train de construire deux nouvelles salles de classe pour répondre efficacement aux différentes sollicitations des auditeurs, mais beaucoup reste encore à faire à ce niveau. Les investissements consentis dans les dispositifs de formation en ligne permettent certes de former un plus grand nombre d’auditeurs, mais le problème récurrent d’instabilité de la connexion internet nous pénalise fortement.

Vous avez donc votre solution...

Le manque de financements adéquats nous contraint à étaler nos projets sur plusieurs années. Pour une institution aussi réputée en matière de formation professionnelle continue dans un environnement de plus en plus concurrentiel, il n’est pas acceptable que les projets peinent à s’achever.

Il y a un remaniement au Niger. La ministre qui préside actuellement le Conseil d’administration part... Cela peut-il affecter la dynamique actuelle ?

Je voudrais dire un grand merci l’ex-présidente du Conseil d’administration du Campc, Madame le Ministre Ataka Azaratou - qui dès sa nomination au département ministériel de la Fonction publique et de la Réforme administrative du Niger - s’est engagée dans la redynamisation de notre institution. Nous sommes assurés que son successeur s’inscrira dans la même dynamique. En général, nos administrateurs connaissent bien le Campc, soit après un séjour de formation, soit à travers les informations fournies par des anciens auditeurs. Nous n’avons aucun doute quant à la détermination du nouveau ministre à poursuivre le projet de redynamisation du Campc.



Le 04/12/21 à 17:40
modifié 04/12/21 à 17:55