Le leader de l'organisation religieuse americaine nation of islam Louis Farrakhan
La chronique de Venance Konan: Vérités crues
On dit que la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas. J’ai écouté une vidéo de Louis Farrakhan, le leader de la « nation of Islam » une organisation radicale noire américaine, lors d’une conférence de presse au Malawi en 1998. Je vous en livre la substance et vous laisse l’apprécier.
« Aucun de vous ne peut nier que ce que je dis est la vérité. Vous savez que c’est la vérité. Mais soit vous ne l’écrirez pas, soit vous êtes trop lâches pour le dire. Parce que vous voulez quelque faveur ici et quelque faveur là. Vous ne pouvez pas parler parce que vous êtes muselés. Mais moi je ne le suis pas. Je suis un homme noir libre. Et je ne suis pas venu ici pour chercher une aumône et je ne crois pas que vous en ayez besoin. Votre problème est que vous pensez que vous avez besoin d’aumône, alors que tout ce dont vous avez besoin est juste sous votre pied. Mais vous cherchez partout ailleurs de l’aide, au lieu de chercher chez vous et de chercher ce que vous pouvez produire par vous-mêmes. C’est cela, le dilemme de l’Afrique, que vous vous présentiez devant le monde en tant que mendiants internationaux. Vous avez donné la civilisation au monde. Votre problème n’est pas l’Amérique, votre problème n’est pas Israël, votre problème n’est pas la Grande Bretagne, votre problème est votre désunion et votre dépendance envers les autres pour faire pour vous ce que vous pourriez faire pour vous-mêmes. Je n’ai pas à revenir encore ici pour vous aider. L’aide est déjà ici, la connaissance est déjà ici, la terre est ici, le soleil est ici, l’eau est ici, les minéraux sont ici, et vous avez certains des plus esprits les plus brillants au monde ; mais ils sont en Europe et en Amérique, en train de faire de l’argent pendant que l’Afrique souffre. Pourquoi ne créez-vous pas la stabilité politique et n’appelez-vous pas les enfants d’Afrique chez eux pour qu’ils reviennent aider à construire l’Afrique ? Nous sommes vos enfants. Et nous viendrons pour aider. Mais n’attendez pas de nous que nous venions avec des milliards de dollars que nous n’avons pas. Nous luttons en Amérique, mais vous avez tout ici sous votre pied. Et vous devriez avoir honte de vous regarder mendier auprès des Blancs ce que vous pourriez vous donner vous-mêmes. Quel est aujourd’hui ce pays qui va vous donner vingt millions de dollars ? L’Amérique ne va pas vous donner vingt millions. Vous l’avez déjà ici mais votre désunion ne vous permettra pas de l’avoir. C’est de votre faute et vous devriez accepter cette responsabilité. C’est pourquoi mon message est l’expiation, la rédemption, la réconciliation et la responsabilité. Nous devons cesser de blâmer quelqu’un d’autre et voir notre propre responsabilité. »
Louis Farrakhan est très controversé aux Etats Unis et dans la communauté noire. On le trouve extrémiste, antisémite, homophobe, sexiste, etc, mais ce à quoi je vous invite est de méditer ses paroles en faisant abstraction de sa personne. Je suis personnellement entièrement d’accord avec lui, même si on ne peut nier le poids de notre histoire dans notre présent. Mais je crois que le piège dans lequel nous nous sommes enfermés est que nous refusons de sortir de cette histoire pour appréhender la réalité du monde dans lequel nous vivons. Par exemple, l’histoire et les rapports de force nous ont assigné les rôles de producteurs de certaines matières premières selon les pays. Café, cacao, hévéa pour la Côte d’Ivoire, arachide pour le Sénégal, coton pour le Burkina Faso, pétrole pour ceux qui en ont, etc. Et nous refusons de sortir de ces rôles. Autre exemple : depuis des temps immémoriaux nous excisons certaines de nos filles, et nos femmes passent leurs journées à piler. Eh bien, au nom des traditions, de notre histoire, nous estimons que nous ne devons rien faire pour changer les choses.
En 2018 j’ai publié un livre intitulé ainsi : « si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. » Si l’Afrique n’a pas les moyens de résoudre toute seule tous ses problèmes, elle en a en revanche pour en résoudre une bonne partie. A condition qu’elle le veuille et qu’elle ait foi en elle-même. Honnêtement, les Maliens ont-ils besoin de donner six milliards de francs CFA par mois, plus deux mines d’or à des mercenaires russes pour former leurs soldats ? Ils n’ont pas d’officiers capables de faire cette formation ? Ils ne pouvaient pas en trouver dans la région ? Ils ne peuvent pas acheter des armes avec tout cet argent qu’ils s’apprêtent à donner aux mercenaires ? Et tout ce que nous détournons de nos caisses pour aller placer dans des paradis fiscaux loin de notre continent ?
Dans mon livre je raconte l’histoire de ces toilettes construites au bord du lac Ahémé au Bénin, sur lesquelles il était fièrement inscrit « financement : coopération française », et cette autre histoire de toilettes construites en Côte d’Ivoire par l’Union européenne. Farrakhan dit que nous devrions avoir honte d’être des mendiants internationaux, parce que tout ce dont nous avons besoin se trouve sous nos pieds. Est-ce que nous savons encore ce qu’est la honte ? Le mendiant professionnel a-t-il honte de mendier ?