Opération immobilière ‘‘Cité les Cacaoyers’’ à Bingerville: Une source d’angoisse et d’incertitudes pour les souscripteurs

Le rêve des souscripteurs de l’opération ''Cité les Cacaoyers'' s’est brisé avec l’arrêt des travaux et la fuite du promoteur. (Ph: Dr)
Le rêve des souscripteurs de l’opération ''Cité les Cacaoyers'' s’est brisé avec l’arrêt des travaux et la fuite du promoteur. (Ph: Dr)
Le rêve des souscripteurs de l’opération ''Cité les Cacaoyers'' s’est brisé avec l’arrêt des travaux et la fuite du promoteur. (Ph: Dr)

Opération immobilière ‘‘Cité les Cacaoyers’’ à Bingerville: Une source d’angoisse et d’incertitudes pour les souscripteurs

Le 15/02/22 à 18:09
modifié 15/02/22 à 18:35
Lancé par Africk Contractor en 2014, le projet de construction de la ‘’Cité les Cacaoyers’’, dans la commune de Bingerville, a connu un arrêt deux ans après que quelques maisons sont sorties de terre. Huit années durant, les 1500 souscripteurs ne savent pas à quel Saint se vouer.
L’enthousiasme des souscripteurs à l’opération immobilière dénommée Cacaoyer de la société Afrik Contractor (spécialisée dans le Bâtiment et les travaux publics (Btp), le génie civil, les constructions et la promotion immobilière) s’est mué en désarroi et inquiétude. Et pour cause, l’opération de construction de logements sur la base de la location-vente initiée par l’entreprise Afrik Contractor, s’est arrêtée, après seulement deux ans de travaux qui ont permis de faire sortir de terre quelques maisons. Puis, le promoteur, Honoré N’Zi, a pris la poudre d’escampette.

Huit ans après le lancement de ce projet, les souscripteurs, voyant l’horizon très sombre et dans le désarroi, vont se constituer en collectif avec l’appui de certaines mutuelles d’institutions impliquées dans le projet. Toutes les démarches entreprises pour savoir les causes de l’arrêt de l’opération et de la disparition de Honoré N’Zi ont été infructueuses.

Dans cette longue attente, un communiqué datant du 31 janvier 2022, émanant d’Afrik Contractor ''Nouvelle gérance'', porte à la connaissance des souscripteurs que de nouvelles dispositions sont actuellement mises en œuvre afin de parvenir à la remise effective des clés des logements dans les meilleurs délais. Mieux, la nouvelle gérance d’Afrik Contractor les a conviés à une importante réunion le samedi 12 février 2022, à l’hôtel Belle Côte, sis à Cocody-Palmeraie.

Décliné en 5 points, l’ordre du jour portait sur la présentation de l’entreprise de réalisation des travaux de voirie et réseaux divers (Vrd), la présentation de la Banque partenaire, d’un nouveau notaire du projet, des sites devant abriter les deuxième et troisième tranches du projet et des points en divers.

De 11h 54 à 15 h 20 minutes, les nombreux souscripteurs qui ont répondu à l’invitation de ‘’Afrik Contractor Nouvelle gérance’’ n’ont nullement été convaincus et restent dubitatifs, voire craintifs pour adhérer aux nouvelles propositions de cette nouvelle équipe conduite par M. Abi...

Ce dernier a très mal lancé son hameçon, car n’ayant pas pu clairement présenter la nouvelle société de gestion du projet, son expérience, la liste exacte des souscripteurs à ce jour, le niveau de paiement de chacun, ainsi que le chronogramme précis du déroulement des travaux à réaliser et les modalités de paiement et de livraison...

N’ZI Yao Honoré, Pdg de Afrik Contractor. (Ph: Dr)
N’ZI Yao Honoré, Pdg de Afrik Contractor. (Ph: Dr)



Bref ! La quasi-totalité des questions posées n’ont pas trouvé de réponses rassurantes, sauf que les souscripteurs sont interpellés vivement à s’acquitter de leurs engagements financiers pour espérer entrer en possession de leurs logements. Pire, les 380 logements en cours de réalisation, qui constituent, selon lui, la première tranche qu’il prétend livrer dans les mois à venir, sont loin d’être terminés dans un temps raisonnable.

Dans la mesure où M. Abi exige, avec insistance, que les souscripteurs qui ont déjà engagé de grosses sommes dans cette opération, fassent des paiements via la banque pour espérer avoir les clés de leurs maisons. Il faut signaler, au passage, que certains souscripteurs ont déjà soldé le paiement de leurs logements entre 30 et 40 millions de FCfa, quand d’autres sont à plus de 50% de règlement.

En fait, ce que M. Abi ne veut pas dire et reconnaître, c’est que le projet souffre d’un lourd passif qu’il refuse d’endosser. C’est par exemple le cas de la purge des droits coutumiers qui est en souffrance, comme l’a souligné à l’entame de la réunion un représentant de la chefferie.

La crainte des souscripteurs se justifie aussi par le fait que le sieur Abi n’a présenté aucun contrat avec l’ancienne équipe pouvant lui donner mandat de poursuivre le projet. Il dit ne pas être comptable du passif et n’accède pas aux demandes de remboursement pour ceux qui voudraient se retirer du projet.

Toutes choses qui ont fini par convaincre les souscripteurs qu’ils sont les victimes d’une grosse arnaque et donc qu’ils ne croient plus à la faisabilité de ce projet qui les a fait rêver. Ils s’en remettent aux autorités qu’ils supplient d’intervenir afin de mettre fin à leur calvaire, en reprenant ce projet en main. Leurs regards se tournent désormais vers le gouvernement.

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La crise du logement, une réalité qui date...

Les angoisses et incertitudes que rencontrent les souscripteurs immobiliers en général et ceux du projet immobilier Cacaoyer en particulier s’inscrivent dans un contexte national de crise de logements, entretenue par certains acteurs privés de l’immobilier, à la suite du désengagement de l’État de la production directe de terrains urbains aménagés et de logements.

En effet, conformément à l’option stratégique de développement du pays après l’indépendance, entre 1960 et 1980, l’une des actions des pouvoirs publics ivoiriens s’est traduite par la production directe de terrains urbains aménagés et de logements pour le plus grand nombre de demandeurs.

A cet effet, un dispositif étatique d’aménagement foncier a été mis en place. Les principales chevilles ouvrières de production de logements ont été la Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière (Sicogi), créée le 22 mars 1962 et la Société de Gestion Financière de l’Habitat (Sogefiha), créée en 1963.

Les principales activités de ces deux sociétés d’État se regroupaient autour de la promotion et gestion immobilière à travers la réalisation des opérations de location simple ou location-vente pour le compte des tiers, en tant que maîtres d’ouvrage délégués.

Au cours de la période indiquée, l’État de Côte d’Ivoire a réalisé environ 15 000 terrains viabilisés et 91 000 logements économiques, constituant un parc immobilier considérable, pour la ville Abidjan, une métropole, qui en 1960, comptait moins de 200 000 habitants.

Une telle réussite de la politique de gestion foncière en milieu urbain a été possible, faut-il le rappeler, grâce à la santé économique de la Côte d’Ivoire, entretenue par les fortes recettes d’exportation tirées de la vente du binome café-cacao, notamment entre 1960 et 1975, où les prix du café et du cacao sur le marché mondial ont favorisé des excédents de recettes considérables dégagées par l’État permettant de financer les projets de développement, à travers d’importants programmes d’investissements publics dans tous les secteurs de développement dont le financement de la politique de production de logements.

La fluctuation brutale des coûts des matières premières dans le sens descendant a provoqué une dépression économique et financière grave qui a entraîné un amenuisement des recettes publiques. Plongeant la Côte d’Ivoire dans un marasme économique sans précédent qui frappe de plein fouet le socle de son développement à partir des années 1980. Ajoutés à cela des chocs extérieurs imprévus dont la forte hausse du dollar (accroissement des taux d’intérêts sur les prêts accordés aux pays pauvres), les crises pétrolières (hausse du prix du pétrole entre 1979 et 1982), la détérioration des termes de l’échange.

Une promotion immobilière. (Ph: Dr)
Une promotion immobilière. (Ph: Dr)



Tous ces facteurs ont gravement affecté pour la première fois le déficit de la balance commerciale du pays sans oublier les aléas climatiques, marqués par une sécheresse persistante, la gestion calamiteuse des biens publics. Devant toutes les formes et la complexité des difficultés, la Côte d’Ivoire se trouve dans un état d’étouffement économique, la chute continue des recettes d’exportation va accentuer le poids de l’endettement et des difficultés de remboursement.

Conséquences, l’appareil national de production a été profondément et fortement ébranlé. La restructuration du système productif est plus que jamais incontournable. Intervient donc, sous les conseils avisés des institutions de Bretton Woods, ce qu’on a appelé les Programmes d’Ajustement Structurel (P.A.S) entre 1983 et 1992, qui ont été marqués par la révision de la politique ivoirienne de développement national.

Face à ces difficultés économiques qui affaiblissent l’État, les moyens étatiques de production de logements, jusque-là expérimentés deviennent très coûteux.

Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire a été contrainte de réviser sa politique d’État providence par l’adoption de nouvelles orientations sur la base de son désengagement et de la privatisation du secteur de l’immobilier.

Dans cette mouvance, interviennent la dissolution de la Banque Nationale d’Équipement et de Construction (Bnec), la Société d’Equipement de Terrain Urbain (Setu) et la Sogefiha ainsi que la réduction, au strict minimum, des activités de la Sicogi.

Le retrait des pouvoirs publics de la production directe de logements a occasionné donc l’avènement d’opérateurs privés de l’immobilier qui, malheureusement pour certains, opèrent en foulant aux pieds les règles et normes en vigueur régissant le secteur. A la limite, ils piétinent les droits et intérêts des souscripteurs.

Conscientes de la crise qui mine le secteur de l’immobilier, les nouvelles autorités ivoiriennes ont entrepris, depuis 2011-2012, des réformes qui puissent permettre à chaque Ivoirien d’avoir un toit. Ainsi, dans le cadre d’un partenariat public-privé, un programme de logements sociaux est lancé.

Cependant, une analyse de la politique immobilière de certains acteurs privés permet de mettre à nu un large éventail de mécanismes et pratiques mafieuses, sources d’incertitudes et d’angoisse pour les candidats à la propriété immobilière.

Nombreux sont des projets qui, après la pause des fameuses premières pierres ou maisons témoins, ne prospèrent pas, au grand dam des demandeurs ou souscripteurs. L’État est toujours et encore appelé à la rescousse, mais à quel niveau, pour satisfaire à la forte demande de logements ? La question reste posée.



Le 15/02/22 à 18:09
modifié 15/02/22 à 18:35