Cheikh Tidiane Touré (coordonnateur régional pour l’Afrique de la CNULCD à propos de la sécheresse): "Le financement n’est pas le problème"

Cheikh Tidiane Touré, coordonnateur régional pour l’Afrique de la CNULCD. (Ph: Dr)
Cheikh Tidiane Touré, coordonnateur régional pour l’Afrique de la CNULCD. (Ph: Dr)
Cheikh Tidiane Touré, coordonnateur régional pour l’Afrique de la CNULCD. (Ph: Dr)

Cheikh Tidiane Touré (coordonnateur régional pour l’Afrique de la CNULCD à propos de la sécheresse): "Le financement n’est pas le problème"

Le 14/07/22 à 13:26
modifié 14/07/22 à 14:45
La 15e Conférence des parties (Cop 15) a eu lieu du 9 au 20 mai 2022, à Abidjan. A l’issue de cet important rendez-vous, le coordonnateur régional pour l’Afrique de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (Cnulcd), Cheikh Tidiane Touré, a fait un diagnostic sans complaisance de la question de la sécheresse sur le continent, au cours de cette interview.
Quels sont les acquis de la Cop 15 ?

La Cop 15 a été un grand succès. D’abord, en termes de participation. Ce sont plus de sept mille participants, un record. En outre, il y a eu des innovations. Dans ce sens, il y a le sommet des Chefs d'Etat qui est une grande première. Il y a eu également le Caucus des femmes, initié par la Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara. Il faut dire que les femmes ont un très grand rôle à jouer dans l'agriculture. Toutefois, on s’aperçoit souvent que les femmes qui interviennent dans ce domaine ne sont pas propriétaires des terres. C’est une discrimination à relever, tout en recherchant des solutions idoines à ce mal. Et la déclaration d’Abidjan faite par les Chefs d’Etat ainsi que celle initiée par la Première dame ont fait des propositions pertinentes sur ces questions.

Quelle est la plus grande réussite de la Cop 15 ?

La plus grande réussite, c’est la prise de conscience de tous pour dire attention. On est déjà arrivé à un niveau d’alarme. On se rend compte que les terres sont dégradées. Pourtant, ce sont les terres qui nous nourrissent qui sont dégradées. Face à cette situation, quelle solution ? D’où l'initiative des autorités ivoiriennes à savoir Abidjan Legacy program. Il s’agit d’intégrer ce programme majeur dans toutes les stratégies de développement du pays. C’est une initiative, certes nationale, mais qui rentre dans le cadre cette Cop 15. Toutes ces initiatives réunies montrent que la Cop 15 est une belle réussite.

Le secrétaire exécutif de la Cnulcd, Ibrahim Thiaw, a indiqué que la sécheresse a un visage humain. Pensez-vous que cette Cop a permis de booster les choses ?

On a vu ces dernières années que le phénomène de la sécheresse ne touche pas seulement les pays en développement. On a vu les effets néfastes de la sécheresse aux États-Unis, en Espagne. C'est un phénomène mondial. Tout dépendra des solutions. L’intérêt, c’est de chercher des moyens d’alerte. Prenons le cas de la Côte d’Ivoire qui est un pays agricole. On y produit le café, le cacao... Mais, on se rend compte qu’il faut marquer un arrêt pour réfléchir sur d’autres initiatives qui peuvent être prises pour donner un second souffle à l’économie ivoirienne qui doit être de manière intégrée pour toucher l’énergie, l’élevage, l’agriculture, etc. D’où Abidjan Legacy program. Il faut réfléchir à d'autres initiatives plus claires pour donner un nouveau visage à nos terres. Surtout pour la Côte d'Ivoire qui est un pays agricole. Les décisions de la Cop 15 touchent essentiellement cinq domaines interdépendants. Il s’agit notamment de la politique de lutte contre la sécheresse et l'alerte rapide. Il ne faut pas que la sécheresse soit là pour rechercher des solutions. Actuellement, dans la sous-région, il y a des excellents centres de recherche qui peuvent prévoir que dans six mois, il y aura la sécheresse. C’est dire qu’il faut anticiper. Par ailleurs, la Cop 15 a favorisé des partages de connaissances et d’apprentissage. Il y a également des partenariats et la coordination entre les Etats qui ont été scellés. Pour nous, la Cop 15 est un départ parce qu’on allait vers une situation qu'on ne maîtrise plus. Par conséquent, il faut de manière concertée et coordonnée, prendre des mesures idoines pour restaurer les terres pour donner un avenir aux générations futures.

Dans la lutte contre la désertification et la restauration des terres, il y a un élément important, c’est le financement des projets. La Cop 15 a-t-elle permis de trouver des solutions aux problèmes de financements ?

A la Cop 15, Il y a eu Abidjan Legacy program. C’est un programme ambitieux qui recherchait 1,5 milliard de dollars. Tous les bailleurs de fonds, les partenaires bilatéraux et multilatéraux étaient présents, pour montrer leur volonté d’accompagner les différents projets. Le résultat est là, implacable. Ce sont 2,5 milliards de dollars d’intentions d’investissements qui ont été manifestées. Les investisseurs sont présents parce que la sécheresse et la dégradation des sols sont aujourd’hui une réalité pour tous les pays. Il faut donc une solidarité internationale. Le problème n’est pas celui du financement. Les financements existent. Il faut plutôt créer la synergie pour voir comment ensemble trouver des solutions à tous ces problèmes qui sont humains.

A l’ouverture de la Cop 15, la société civile a tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité d’agir maintenant pour mettre fin à la sécheresse et à la désertification. Dans les solutions, cette société civile a-t-elle un rôle à jouer ?

On ne peut pas mettre de côté la société civile qui a pris en compte des enjeux globaux. Il n’y aura pas de solutions si les communautés ne sont pas impliquées. On se félicite de la présence des communautés et leur mobilisation. On est face à une menace de la vie. L’Etat, qui n’est qu’un régulateur, ne peut pas à lui seul régler le problème de la sécheresse. Il y a le business forum pour montrer l’implication du secteur privé. On a vu les jeunes et les femmes. On a aussi vu tous les pans de la communauté nationale et internationale pour dire que venons ensemble réfléchir pour aller de l’avant.

Il y a eu un appel au secteur privé à s’impliquer dans la lutte contre la sécheresse. Peut-on dire que cet appel a été entendu ?

L’appel aux investisseurs a été entendu. On a échangé avec de nombreuses entreprises qui prennent conscience qu’on doit préserver les sols. On se félicite de la grande mobilisation du patronat ivoirien et continental. Ces sociétés veulent apporter les moyens nécessaires à la lutte contre la désertification et la restauration des terres.

Quid du suivi des résolutions prises lors de cette Cop 15 ?

Le premier mécanisme de suivi appartient à la Côte d’Ivoire qui va assurer la présidence de la Cop 15 pendant un mandat de deux ans. Le président de la Cop est certes, un Ivoirien, mais il va gérer 196 pays. Son mandat consiste à trouver des solutions rapides pour gérer notre vie et l’avenir des générations futures. Ne vous inquiétez pas, les décisions seront appliquées parce que ce sommet n’est pas de trop.


Le 14/07/22 à 13:26
modifié 14/07/22 à 14:45