Alain-Richard Donwahi, président de la COP 15. (Ph: Dr)
Alain-Richard Donwahi, président de la Cop15 : « Les financements existent. Il faut les débloquer »
Le Président de la Cop15, Alain-Richard Donwahi, était l’invité, par visioconférence, de la chaîne internationale francophone TV5. Il a situé les véritables enjeux de la Cop27 qui s’est déroulé en Egypte, en mettant en évidence les solutions viables pour les pays dits « en voie de développement » dans le contexte d’une meilleure participation de tous les Etats à la restauration de la planète.
La COP 2022 organisée à Marrakech était déjà présentée comme la COP de l'Afrique. Cinq ans plus tard, de la COP 27, la voix de l'Afrique a-t-elle des chances d'être entendue compte tenu de l'urgence du moment ?
Oui, il faut noter quand-même qu’il y a quelques mois, nous avons eu la COP 15 de la convention de la lutte contre la désertification et dégradation des sols, qui a eu lieu à Abidjan. Aujourd'hui, nous sommes à la Cop 27 qui se déroule en terre africaine également, précisément à Sharm-el-Cheik. Pour qu'elle ait une chance de réussite, il faut déjà que les Etats africains puissent parler d'une seule et même voix. Il faut que les autres pays de la planète comprennent que nous sommes tous embarqués dans le même navire et que l'avenir de la Terre doit être une question partagée, concertée. L'objectif à atteindre doit être bénéfique pour tous.
Les Cops s'enchaînent et se ressemblent car elles ne sont suivies d'aucun effet jusqu'ici. A quoi servent-elles puisque les décisions ne sont pas contraignantes ? Les 100 milliards promis lors de la Cop à Copenhague n'ont toujours pas été débloqués. A cela s'ajoutent aujourd'hui les 326 milliards dus aux catastrophes naturelles. A qui incombe la gestion de cette injustice climatique puisque les pollueurs ne veulent pas l'assumer ?
La gestion de ces problématiques incombe à tous. Il ne faut pas aller dans une confrontation. Il faut aller dans le sens d’une concertation. Le financement doit être juste, mais il faut aller chercher les financements. Donc il y a un travail à faire auprès de ceux qui financent. Financer des économies fragiles par des prêts va les fragiliser encore plus. Il faut par conséquent financer par des dons le plus possible, mais il faut veiller à ce que l’on fasse en sorte que les pays qui ont besoin de financements soient capables de présenter des projets finançables. Il ne faut pas rester au stade des idées. Si nous voulons être concrets, il faut être concret des deux côtés. Les financements qui ont été promis n'ont finalement pas été décaissés. Mais il y a des raisons. Et il faut être capable de porter la voix des communautés. Il faut que les financements arrivent aux communautés, que les projets financés soient capables de transformer leur vie. Nous avions pensé que la sécheresse était l'apanage des pays pauvres, force est de constater que de nos jours, la sécheresse touche tous les pays de la planète. Aujourd'hui, tout le monde est conscient que l'urgence est une question de sécurité globale.
Mais Alain-Richard Donwahi, est-ce que les institutions financières aujourd'hui ont commencé à verdir les instruments financiers qui permettent justement d'accompagner cette transition écologique ?
Les financements existent. Il faut simplement que nous soyons capables de les débloquer. Il faut plus de professionnalisme, plus d'expertise d'un côté pour la présentation des dossiers à financer et également plus de flexibilité, de l’autre. Il faut être positif, faire les choses de façon concertées. Je ne suis pas pour la confrontation, je suis plutôt pour des accords qui soient profitables pour tous.
Mais cette Cop 27 se tient en plus dans un contexte de crise énergétique. Est-ce que vous pensez que les pays pollueurs vont renoncer aux énergies fossiles ?
Renoncer aux énergies fossiles, c'est une question qui est posée aussi aux pays africains. L’Afrique regorge de ressources naturelles qui sont fossiles. Vous n'allez pas empêcher les pays en développement qui veulent développer leurs économies de s'appuyer sur leurs ressources ? Si elles sont fossiles, c'est à ces pays de ne pas entrer dans le cycle pervers qui nous a amenés à avoir une urgence climatique aujourd'hui. Cette transition énergétique peut être apportée aux pays qui ont besoin de développement. L'Afrique aujourd'hui peut être un modèle de transition énergétique...
Pour lutter contre la désertification, l'Afrique a lancé, il y a quelques années, un ambitieux projet, celui de la Grande muraille verte qui va du Sénégal à Djibouti. A ce jour seulement 15 % de cette grande muraille ont été reboisés. Quels sont les obstacles à cette initiative qui est pourtant vitale pour le continent ?
Cette initiative est vitale. La COP15 est revenue sur ce grand projet. Il faut une meilleure coordination pour que ce projet avance un peu plus vite. Mais les États en ont pris la mesure et ont à cœur de mieux coordonner sa mise en œuvre. En ma qualité de président de la COP15 et pendant mon mandat, je vais m'atteler à faire en sorte que ce projet vital, non seulement pour l'Afrique mais aussi pour la planète tout entière, progresse. Parce que la lutte contre la désertification aura une conséquence positive pour le climat et pour la biodiversité. Donc cela doit amener les trois conventions de Rio à travailler ensemble sur ces sujets.
Abidjan a accueilli la COP15 et lancé l'Abidjan Legacy Program pour lutter également contre la désertification en Côte d’Ivoire. Quelles sont les chances de succès de ce programme alors qu'on sait que cinq des 10 pays les plus vulnérables au monde se trouvent en Afrique de l'Ouest ?
Abidjan Legacy Program est un projet innovant pour la Côte d’Ivoire et pour les pays qui ont fondé leur développement sur l'agriculture. Il y'a quatre composantes. La première est celle de la lutte contre la déforestation... La deuxième composante traite de la durabilité de l'agriculture, c'est-à-dire, transformer notre agriculture de manière durable avec de nouveaux modes de production. La troisième composante s'attache aux chaînes de valeur et vise au renforcement des chaînes de valeur existantes. Et la quatrième va traiter des nouvelles chaînes de valeurs. C'est un modèle de développement qui devrait servir à tous ces pays de non seulement continuer à être des producteurs agricoles mais que l'agriculture soit durable c'est-à-dire ne détruit pas les forêts. Et que l'agriculture permette aux agriculteurs d'avoir un meilleur revenu. Donc je pense que justement un tel programme permettra à ce que ces pays puissent traverser les difficultés que nous vivons aujourd'hui. Aujourd'hui nous avons pu constater que les pays du moyen orient avec l'Arabie saoudite qui en est le leader lancent également une initiative verte. C'est pour dire que la restauration des terres, la préservation des terres va nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique, va nous permettre de développer les communautés, va nous permettre d'avoir une sécurité alimentaire pour tous.
De 2017 à 2022, vous avez été le ministre des Eaux et forêts de la Côte d'Ivoire. Comment éviter qu'un pays agricole comme le vôtre perde son couvert végétal qui est source de biodiversité mais également régulateur du réchauffement climatique ?
Ce que la Côte d'Ivoire a fait, c'est de décliner une nouvelle politique forestière pour non seulement doubler son couvert forestier qui avait été détruit à 80% en grande majorité par le développement de l'agriculture mais également d’initier une nouvelle politique qui permette de continuer à faire de l'agriculture tout en procédant à la reforestation, en introduisant l'agroforesterie puis des techniques agricoles qui favorisent une intensification des productions. Il s’agit donc d’un changement de culture agricole. Cette politique a été mise en place. Elle a permis dans les premières années de réduire le taux de déforestation, d'introduire la participation du secteur privé dans l'investissement forestier et d’inverser la tendance. Sur les dix prochaines années, passer d'un couvert forestier de 10% aujourd'hui, à 20% en 2030. Nous avons promu une politique volontariste et réaliste. Il ne s'agissait pas de bannir l'agriculture. Mais faire en sorte que l'agriculture soit compatible avec la reforestation.
Source : TV5
Les Cops s'enchaînent et se ressemblent car elles ne sont suivies d'aucun effet jusqu'ici. A quoi servent-elles puisque les décisions ne sont pas contraignantes ? Les 100 milliards promis lors de la Cop à Copenhague n'ont toujours pas été débloqués. A cela s'ajoutent aujourd'hui les 326 milliards dus aux catastrophes naturelles. A qui incombe la gestion de cette injustice climatique puisque les pollueurs ne veulent pas l'assumer ?
La gestion de ces problématiques incombe à tous. Il ne faut pas aller dans une confrontation. Il faut aller dans le sens d’une concertation. Le financement doit être juste, mais il faut aller chercher les financements. Donc il y a un travail à faire auprès de ceux qui financent. Financer des économies fragiles par des prêts va les fragiliser encore plus. Il faut par conséquent financer par des dons le plus possible, mais il faut veiller à ce que l’on fasse en sorte que les pays qui ont besoin de financements soient capables de présenter des projets finançables. Il ne faut pas rester au stade des idées. Si nous voulons être concrets, il faut être concret des deux côtés. Les financements qui ont été promis n'ont finalement pas été décaissés. Mais il y a des raisons. Et il faut être capable de porter la voix des communautés. Il faut que les financements arrivent aux communautés, que les projets financés soient capables de transformer leur vie. Nous avions pensé que la sécheresse était l'apanage des pays pauvres, force est de constater que de nos jours, la sécheresse touche tous les pays de la planète. Aujourd'hui, tout le monde est conscient que l'urgence est une question de sécurité globale.
Mais Alain-Richard Donwahi, est-ce que les institutions financières aujourd'hui ont commencé à verdir les instruments financiers qui permettent justement d'accompagner cette transition écologique ?
Les financements existent. Il faut simplement que nous soyons capables de les débloquer. Il faut plus de professionnalisme, plus d'expertise d'un côté pour la présentation des dossiers à financer et également plus de flexibilité, de l’autre. Il faut être positif, faire les choses de façon concertées. Je ne suis pas pour la confrontation, je suis plutôt pour des accords qui soient profitables pour tous.
Mais cette Cop 27 se tient en plus dans un contexte de crise énergétique. Est-ce que vous pensez que les pays pollueurs vont renoncer aux énergies fossiles ?
Renoncer aux énergies fossiles, c'est une question qui est posée aussi aux pays africains. L’Afrique regorge de ressources naturelles qui sont fossiles. Vous n'allez pas empêcher les pays en développement qui veulent développer leurs économies de s'appuyer sur leurs ressources ? Si elles sont fossiles, c'est à ces pays de ne pas entrer dans le cycle pervers qui nous a amenés à avoir une urgence climatique aujourd'hui. Cette transition énergétique peut être apportée aux pays qui ont besoin de développement. L'Afrique aujourd'hui peut être un modèle de transition énergétique...
Pour lutter contre la désertification, l'Afrique a lancé, il y a quelques années, un ambitieux projet, celui de la Grande muraille verte qui va du Sénégal à Djibouti. A ce jour seulement 15 % de cette grande muraille ont été reboisés. Quels sont les obstacles à cette initiative qui est pourtant vitale pour le continent ?
Cette initiative est vitale. La COP15 est revenue sur ce grand projet. Il faut une meilleure coordination pour que ce projet avance un peu plus vite. Mais les États en ont pris la mesure et ont à cœur de mieux coordonner sa mise en œuvre. En ma qualité de président de la COP15 et pendant mon mandat, je vais m'atteler à faire en sorte que ce projet vital, non seulement pour l'Afrique mais aussi pour la planète tout entière, progresse. Parce que la lutte contre la désertification aura une conséquence positive pour le climat et pour la biodiversité. Donc cela doit amener les trois conventions de Rio à travailler ensemble sur ces sujets.
Abidjan a accueilli la COP15 et lancé l'Abidjan Legacy Program pour lutter également contre la désertification en Côte d’Ivoire. Quelles sont les chances de succès de ce programme alors qu'on sait que cinq des 10 pays les plus vulnérables au monde se trouvent en Afrique de l'Ouest ?
Abidjan Legacy Program est un projet innovant pour la Côte d’Ivoire et pour les pays qui ont fondé leur développement sur l'agriculture. Il y'a quatre composantes. La première est celle de la lutte contre la déforestation... La deuxième composante traite de la durabilité de l'agriculture, c'est-à-dire, transformer notre agriculture de manière durable avec de nouveaux modes de production. La troisième composante s'attache aux chaînes de valeur et vise au renforcement des chaînes de valeur existantes. Et la quatrième va traiter des nouvelles chaînes de valeurs. C'est un modèle de développement qui devrait servir à tous ces pays de non seulement continuer à être des producteurs agricoles mais que l'agriculture soit durable c'est-à-dire ne détruit pas les forêts. Et que l'agriculture permette aux agriculteurs d'avoir un meilleur revenu. Donc je pense que justement un tel programme permettra à ce que ces pays puissent traverser les difficultés que nous vivons aujourd'hui. Aujourd'hui nous avons pu constater que les pays du moyen orient avec l'Arabie saoudite qui en est le leader lancent également une initiative verte. C'est pour dire que la restauration des terres, la préservation des terres va nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique, va nous permettre de développer les communautés, va nous permettre d'avoir une sécurité alimentaire pour tous.
De 2017 à 2022, vous avez été le ministre des Eaux et forêts de la Côte d'Ivoire. Comment éviter qu'un pays agricole comme le vôtre perde son couvert végétal qui est source de biodiversité mais également régulateur du réchauffement climatique ?
Ce que la Côte d'Ivoire a fait, c'est de décliner une nouvelle politique forestière pour non seulement doubler son couvert forestier qui avait été détruit à 80% en grande majorité par le développement de l'agriculture mais également d’initier une nouvelle politique qui permette de continuer à faire de l'agriculture tout en procédant à la reforestation, en introduisant l'agroforesterie puis des techniques agricoles qui favorisent une intensification des productions. Il s’agit donc d’un changement de culture agricole. Cette politique a été mise en place. Elle a permis dans les premières années de réduire le taux de déforestation, d'introduire la participation du secteur privé dans l'investissement forestier et d’inverser la tendance. Sur les dix prochaines années, passer d'un couvert forestier de 10% aujourd'hui, à 20% en 2030. Nous avons promu une politique volontariste et réaliste. Il ne s'agissait pas de bannir l'agriculture. Mais faire en sorte que l'agriculture soit compatible avec la reforestation.
Source : TV5