Chronique de Venance Konan: Sentiment anti-français ? Parlons-en
Lors de sa récente visite dans notre pays, la ministre française des Affaires étrangères avait été interpellée ainsi par Siro, un chanteur de zouglou : « Pourquoi aujourd’hui, un sentiment anti-européen et anti-français n’est pas tu en Afrique ? L’Europe n’a-t-elle pas les moyens de communiquer ? Parce que nous avons des oreilles et ce que nous entendons ici, tant qu’on n’a pas entendu le contraire, on reste sur ce qu’on entend. » Ce à quoi la ministre avait répondu en ces termes : « Si tout cela se produit, c’est parce qu’il y a des forces à l’œuvre qui vous racontent des sornettes. Et nous, nous avons le devoir d’accompagner le développement du pays, et vous, vous avez également le devoir de ne pas vous faire prendre pour des imbéciles. »
Je veux bien croire Madame la ministre et l’assurer que nous demeurons des amis de la France et n’avons pas l’intention de changer, malgré les offensives des forces dont elle parle. Mais je voudrais lui dire aussi que si nous entendons beaucoup de sornettes de la part de gens qui veulent nous prendre pour des imbéciles, nous voyons aussi beaucoup de choses que nous aimerions comprendre. Nous avons vu, par exemple, le président français aller adouber le petit Déby qui venait de prendre le pouvoir par la force au Tchad, pendant qu’il vouait aux gémonies les militaires maliens qui venaient de faire la même chose dans leur pays. On a entendu le silence assourdissant de la France devant la prise de pouvoir dans les mêmes conditions par des militaires en Guinée. On a vu le petit Déby massacrer des manifestants et on n’a pas entendu la France élever la voix. Est-ce se faire prendre pour des imbéciles que de se demander pourquoi ces deux poids, deux mesures ? Nous avons aussi entendu les propos très durs proférés par le président français et certains de ses ministres contre les militaires maliens.
Étaient-ce des sornettes ? Et nous nous disons que si la France est si furieuse que les autorités du Mali, pays pauvre parmi les pauvres, aient rompu avec elle, et si elle tient tant au Tchad, autre pays pauvre parmi les pauvres, au point d’y avoir envoyé plusieurs fois son armée sauver la tête de ses dirigeants qui sont loin d’être des grands démocrates, c’est parce que la France y exploite ou y convoite de grandes richesses. Est-ce se faire prendre pour des imbéciles que de se demander cela ? Nous entendons aussi, entre autres sornettes, que si la France tient tant au franc CFA, c’est parce que lorsque nous plaçons la moitié de nos réserves de change chez elle, elle utilise cet argent, qui est à nous, pour nous le prêter. Que répond la ministre ? Comme le dit Siro, tant qu’on n’a pas entendu le contraire, nous restons sur ce qu’on entend. Est-ce un comportement d’imbécile ? Peut-être. Pouvons-nous nous demander aussi pourquoi on tient tant à conserver ce nom CFA qui, à l’origine, signifiait « Colonies françaises d’Afrique » ?
Est-ce compliqué de comprendre que sur le plan symbolique, ça nous gêne ? Nous nous demandons aussi, peut-être imbécilement, pourquoi la France a des bases militaires en Afrique francophone, puisqu’elles n’ont jamais empêché des coups d’État, des rébellions ou l’expansion du terrorisme. Nous avons par contre vu cette armée voler au secours de chefs d’État qui ne brillaient pas par leur bonne gouvernance, ou des génocidaires rwandais. Il existe une abondante littérature produite par des Français sur tous les coups tordus perpétrés en Afrique par la France, à travers son armée ou des mercenaires tels que Bob Denard qu’elle soutenait. On entend aussi dire que la France pille nos ressources, que par exemple, l’uranium nigérien éclaire les rues de la France pendant que les populations du Niger vivent dans le noir et sont pollués par les résidus radioactifs de l’uranium. Un ministre congolais a expliqué une fois que les autorités du Congo n’avaient même pas le droit de chercher à savoir la quantité exacte de pétrole extraite dans leur pays par la compagnie française Total.
Madame la Ministre, tant que la France ne répondra pas de façon convaincante à ces questions et se contentera de dire que tout cela est des sornettes, et qu’y croire c’est se faire prendre pour des imbéciles, le sentiment anti-français ne fera que croître, y compris chez beaucoup de francophiles. Voyez-vous, chère madame, vous dites que vous avez changé, que vous avez un regard différent sur l’Afrique. Permettez-moi de ne pas vous croire. Par contre, ce que vous ne voyez pas, c’est que nous, nous avons vraiment changé. Nous avons aujourd’hui une jeunesse plus éduquée, plus ouverte sur le monde, plus décomplexée vis-à-vis des Européens qu’elle ne considère plus comme des dieux, contrairement à leurs grands-parents et parents, une jeunesse qui découvre toutes les horreurs de la colonisation, des travaux forcés, le sort réservé à leurs grands-parents qui sont allés mourir pour votre pays dans vos guerres mondiales, le pillage de nos biens culturels. Elle commence aussi à connaître la vraie histoire de l’Afrique, et elle comprend qu’elle a été flouée. Voyez-vous, l’Afrique est convoitée aussi par d’autres puissances. Tant que vous nous considérerez comme votre chasse gardée et que vous essaierez de nous expliquer que les autres ne veulent pas de notre bien et ne cherchent qu’à nous piller, nous penserons que vous nous prenez pour des imbéciles. Parce que nous pensons être assez intelligents pour savoir ce qui nous arrange et ce qui ne nous arrange pas. Et nous sommes très susceptibles, comme vous devez le savoir. Qu’avons-nous à reprocher à la Russie, à la Chine, à la Turquie ? Vous, par contre, nous savons ce que vous nous avez fait.
Tant que vous resterez sur cette posture qui consiste à nous prendre pour des enfants à qui vous devez tout dicter, tant que vous voudrez réfléchir à notre place, régler tous nos problèmes à notre place, même lorsque nous ne vous demandons rien, même les plus farouches francophiles parmi lesquels je me compte, finiront par s’irriter.
Étaient-ce des sornettes ? Et nous nous disons que si la France est si furieuse que les autorités du Mali, pays pauvre parmi les pauvres, aient rompu avec elle, et si elle tient tant au Tchad, autre pays pauvre parmi les pauvres, au point d’y avoir envoyé plusieurs fois son armée sauver la tête de ses dirigeants qui sont loin d’être des grands démocrates, c’est parce que la France y exploite ou y convoite de grandes richesses. Est-ce se faire prendre pour des imbéciles que de se demander cela ? Nous entendons aussi, entre autres sornettes, que si la France tient tant au franc CFA, c’est parce que lorsque nous plaçons la moitié de nos réserves de change chez elle, elle utilise cet argent, qui est à nous, pour nous le prêter. Que répond la ministre ? Comme le dit Siro, tant qu’on n’a pas entendu le contraire, nous restons sur ce qu’on entend. Est-ce un comportement d’imbécile ? Peut-être. Pouvons-nous nous demander aussi pourquoi on tient tant à conserver ce nom CFA qui, à l’origine, signifiait « Colonies françaises d’Afrique » ?
Est-ce compliqué de comprendre que sur le plan symbolique, ça nous gêne ? Nous nous demandons aussi, peut-être imbécilement, pourquoi la France a des bases militaires en Afrique francophone, puisqu’elles n’ont jamais empêché des coups d’État, des rébellions ou l’expansion du terrorisme. Nous avons par contre vu cette armée voler au secours de chefs d’État qui ne brillaient pas par leur bonne gouvernance, ou des génocidaires rwandais. Il existe une abondante littérature produite par des Français sur tous les coups tordus perpétrés en Afrique par la France, à travers son armée ou des mercenaires tels que Bob Denard qu’elle soutenait. On entend aussi dire que la France pille nos ressources, que par exemple, l’uranium nigérien éclaire les rues de la France pendant que les populations du Niger vivent dans le noir et sont pollués par les résidus radioactifs de l’uranium. Un ministre congolais a expliqué une fois que les autorités du Congo n’avaient même pas le droit de chercher à savoir la quantité exacte de pétrole extraite dans leur pays par la compagnie française Total.
Madame la Ministre, tant que la France ne répondra pas de façon convaincante à ces questions et se contentera de dire que tout cela est des sornettes, et qu’y croire c’est se faire prendre pour des imbéciles, le sentiment anti-français ne fera que croître, y compris chez beaucoup de francophiles. Voyez-vous, chère madame, vous dites que vous avez changé, que vous avez un regard différent sur l’Afrique. Permettez-moi de ne pas vous croire. Par contre, ce que vous ne voyez pas, c’est que nous, nous avons vraiment changé. Nous avons aujourd’hui une jeunesse plus éduquée, plus ouverte sur le monde, plus décomplexée vis-à-vis des Européens qu’elle ne considère plus comme des dieux, contrairement à leurs grands-parents et parents, une jeunesse qui découvre toutes les horreurs de la colonisation, des travaux forcés, le sort réservé à leurs grands-parents qui sont allés mourir pour votre pays dans vos guerres mondiales, le pillage de nos biens culturels. Elle commence aussi à connaître la vraie histoire de l’Afrique, et elle comprend qu’elle a été flouée. Voyez-vous, l’Afrique est convoitée aussi par d’autres puissances. Tant que vous nous considérerez comme votre chasse gardée et que vous essaierez de nous expliquer que les autres ne veulent pas de notre bien et ne cherchent qu’à nous piller, nous penserons que vous nous prenez pour des imbéciles. Parce que nous pensons être assez intelligents pour savoir ce qui nous arrange et ce qui ne nous arrange pas. Et nous sommes très susceptibles, comme vous devez le savoir. Qu’avons-nous à reprocher à la Russie, à la Chine, à la Turquie ? Vous, par contre, nous savons ce que vous nous avez fait.
Tant que vous resterez sur cette posture qui consiste à nous prendre pour des enfants à qui vous devez tout dicter, tant que vous voudrez réfléchir à notre place, régler tous nos problèmes à notre place, même lorsque nous ne vous demandons rien, même les plus farouches francophiles parmi lesquels je me compte, finiront par s’irriter.