REPORTAGE/ Ouverture de la frontière : La vie renaît à Noé
Tout comme Konaté Ibrahim, Gneki Pacôme, transitaire, l’air tout heureux, s’affaire à renseigner les formalités d’usage de la douane afin de satisfaire son client. «Cela n’a pas été facile pour nous les opérateurs économiques, mais tout semble bien aller pour le moment. J’ai un dossier de mise en direct à la consommation que je traite depuis ce matin. Nous sommes heureux que les choses aient repris », dit-il. De son côté, Alassane Ardiouman, commerçant de chaussures installé à Elibou, est également content de traverser la rivière Tanoé, frontière naturelle de la Côte d’Ivoire avec le Ghana, sans débourser un kopeck. Pédalant sa bicyclette, il franchit le portail de fer, tout souriant. Les activités de change ont aussi repris entre les deux pays. D. Fatou passe régulièrement la frontière depuis le 16 février, pour échanger les billets de francs Cfa contre des cédis. De nombreux habitants de Noé vont enfin pouvoir retrouver leurs proches vivant juste à côté, au Ghana, qu’ils n’ont pas revus depuis mars 2020, quand les frontières ont été fermées à l’apparition de la pandémie. Sans toutefois subir les tracasseries des passeurs. Le soulagement des transporteursKouassi Dappa, transporteur inter frontalier de nationalité ghanéenne, exerçant sur la ligne Noé-Elibou (Ghana), ne cache pas sa joie. Depuis la réouverture des frontières, sa recette journalière a connu une nette hausse. Il gagne 10 000 FCfa par jour contre 5000, il y a deux ans. En moins de deux heures, ce sont des cars de voyageurs qui passent la frontière pour se rendre à Abidjan.
Les voyageurs aussi expriment leur soulagement de se rendre à Accra par la route. Voyage long, mais moins coûteux que lorsqu’il fallait recourir aux services des passeurs. Pour sa part, Ouédraogo Seydou, directeur de la radio «Akwaba Noé», la radio transfrontalière, regrette les énormes pertes économiques que sa station a subies. « La radio a connu assez de pertes. Nos meilleurs clients venaient d’Elibou (Ghana). Les opérateurs économiques ghanéens ne pouvaient pas accéder aux locaux de la radio. Nous avons aussi beaucoup perdu en termes d’auditoire puisque nos émissions de santé, de cohésion, de paix... étaient traduites en langue vernaculaire : anglais, ashanti, twi, n’zima », note-t-il. L’ouverture de la frontière est une véritable bouffée d’oxygène pour lui. A ses techniciens, il a été demandé de permettre à la radio d’atteindre le plus grand nombre d’auditeurs. «Nous allons reprendre nos émissions afin d’appâter les opérateurs économiques. Nous commençons à recevoir des appels des commerçants», soutient-il. Pour rappel, la frontière terrestre entre le Ghana et la Côte d’Ivoire était fermée depuis mars 2020, afin de stopper la propagation du Covid-19.
Envoyé spécial à Noé
Le commerce marque encore le pas
A Noé comme à Elibou, le commerce est encore au ralenti. L’activité commerciale naguère florissante est aujourd’hui quasi inexistante. Les nombreux commerçants de la zone ont dû mettre la clé sous le paillasson ou se sont reconvertis. La reprise des activités commerciales, le 16 février, se fait timidement. Le vice-président des commerçants de Noé, Assane Bachirou, garde espoir. « Nous avons souffert. Cette décision a impacté nos activités. Nous remercions le Président de la République et le gouvernement », salue-t-il. Et de rappeler qu’avant la crise du Covid-19, le centre commercial contigu à la frontière où il est installé était un pôle d’attraction. Les Ghanéens venaient régulièrement s’approvisionner, mais le Covid a mis un coup d’arrêt à cette embellie commerciale. Impacté par la fermeture de la frontière, Bellock Max, jadis prospère transitaire, s’est converti dans la vente de boissons. Il tient un bistrot au centre de Noé. Même s’il n’écarte pas la possibilité de retourner à la frontière pour exercer de nouveau, pour le moment, il préfère s’investir dans sa nouvelle activité.
P. N’GUESSAN
Mettre fin à l’usage des passages clandestins
Cette décision de rouvrir la frontière met fin à l’usage des passages clandestins et réoriente les voyageurs vers ceux qui sont officiels. Depuis la fermeture de la frontière terrestre en mars 2020, à cause de la pandémie de coronavirus, un nouveau métier est né à Noé: celui de passeur. Des individus ayant flairé la bonne affaire s’adonnaient à cette pratique. Le pont étant fermé, ils proposaient aux passagers de les faire traverser le fleuve Tanoé, frontière naturelle pour se rendre au Ghana ou en Côte d’Ivoire, moyennant rétribution. L’annonce de la réouverture de la frontière met donc fin à leur business.
P. N’GUESSAN
Vigilance et contrôle accrus
Les hommes du commissaire de police 2e classe Soumahoro Daouda veillent à la sécurité du poste de contrôle. Ils coordonnent les différentes activités: contrôle de pièces d’identité et autres. La circulation est fluide. Au poste des douanes logé au premier étage du bâtiment de la frontière, le chef de poste, Bamba Souleymane, qui a été affecté à d’autres fonctions, est tout de même à la tâche. Pour franchir la frontière, les passagers, en file indienne, passent au service d’hygiène pour une prise de température. À Noé, tous doivent encore se soumettre au contrôle douanier et au test anti-Covid. Ensuite, ils assistent au dédouanement et au contrôle des bagages. Personne n’est agacé par ces mesures sanitaires et sécuritaires. Bien au contraire, les chauffeurs sourient, soulagés et conscients que c’est le prix à payer pour continuer à aller de l’autre côté de la frontière.
P. N’GUESSAN