Kody (humoriste et comédien belge): "L’humour est presque devenu un patrimoine culturel en Côte d’Ivoire"
En tout cas, on a bien remarqué votre enthousiasme sur la scène...
Oui, je me suis bien éclaté. Franchement c’était génial ! J’ai rencontré des talents ivoiriens que je ne connaissais pas. J’ai découvert un professionnalisme qui est impressionnant. De la technique aux humoristes, tout était parfait. Le public était présent et bien chaud. On sent qu’il y a un grand intérêt pour la culture et l’humour en Côte d’Ivoire. Il y a un bon vivier de jeunes humoristes pétris de talent qui sont en train de monter en puissance. J’ai joué sur la scène avec eux et ils ont assuré. Ils ont de l’avenir et me font dire que l’humour a encore de beaux jours en Côte d’Ivoire. Pour moi, c’est le pays d’Afrique francophone qui donne le ‘’la’’ en matière d’humour. C’est encourageant et je pense que mon pays le Congo devrait s’en inspirer.
Pouvez-vous détailler un peu plus cet avis positif que vous avez sur la Côte d’Ivoire ?
Oui bien-sûr ! En fait, en Côte d’Ivoire tout le monde a de la dérision. Je discutais avec des gens qui m’ont dit que l’humour est presque devenu un patrimoine culturel en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens aiment déjà se vanner eux-mêmes, ce qui est une bonne chose parce qu’il est difficile de les atteindre avec de la moquerie. Il y a déjà cet état d’esprit-là. Il y a énormément de talents et des productions qui font le tour de l’Afrique et mettent tout le monde au respect. Qui ne connaît pas la série ‘’Ma Famille’’ et ses acteurs par exemple ? Vous êtes les patrons et tout le monde devrait le reconnaître (rires).
Vous êtes Belge d’origine congolaise, né et établi en Belgique, mais avez réussi à faire des vannes avec une coloration très ivoirienne en imitant notamment Charles Blé Goudé. Combien de temps il vous a fallu pour préparer ces blagues ?
Charles Blé Goudé a la particularité d’utiliser les proverbes dans ses prises de parole publique. C’est sa marque de fabrique et les Ivoiriens trouvent cela drôle. Et donc j’ai eu l’idée d’intégrer ses proverbes dans mes vannes et je suis heureux que cela ait plu au public. On a préparé cela seulement quelques jours lorsque je suis arrivé. Vous savez, quand on s’adresse à un public, il faut lui donner des référents et c’est encore plus vrai quand on va jouer loin de son pays. C’est cela qui est passionnant dans ce métier, c’est-à-dire la recherche.
Y a-t-il un fait qui vous a particulièrement marqué durant ce séjour abidjanais ?
C’est l’enthousiasme et la maturité du public. J’ai été agréablement surpris à mon arrivée à l’aéroport lorsqu’un douanier ivoirien m’a balancé ‘’Je suis fan du Grand Cactus’’ et a promis de venir au festival. Je ne sais pas s’il est venu finalement mais si c’est le cas je veux lui dire merci par votre biais parce qu’il a été le premier à me donner confiance à mon arrivée, le premier à rendre mon séjour agréable.
Qu’est-ce que ce séjour vous inspire finalement après qu’il fut positif comme vous le laissez entendre ? Avez-vous déjà envie de revenir ?
Ma venue en Côte d’Ivoire n’était pas stratégique au départ. Mais maintenant que j’ai vu tout l’engouement qu’il y a autour de l’humour et l’enthousiasme du public, j’ai envie de venir régulièrement partager mon expérience et de performer avec mes collègues d’ici. Mon terrain de jeu, je considère que ce n’est pas seulement la Belgique et le Congo, mais c’est toute la Francophonie. Grâce au Grand Cactus, j’ai beaucoup de fans dans de nombreux pays francophones à travers le monde. Il y a des gens qui sont prêts à me recevoir et m’écouter. En tout cas, ce petit séjour de quatre jours à Abidjan a déclenché en moi une envie de venir à la rencontre de l’Afrique et de la francophonie plus largement.
Une tournée africaine en vue donc ?
Oui, je l’envisage d’ici un an et demi ou deux ans. J’ai signé récemment avec des agents américains et l’idée avec eux, c’est de réaliser de grands projets aussi bien dans l’humour que le cinéma. Ils m’ont suggéré de voir ce qu’on pourrait réaliser en Afrique. Vous voyez donc que la volonté est déjà là.
Comment peut-on décrire le type d’humour que vous pratiquez ?
L’humour est pour moi la forme la plus désintéressée de l’intelligence. Il permet de caricaturer les situations négatives, de les dédramatiser et les transformer en un réflexe humain par le rire. Le rire est quelque chose de bon pour la santé. Mon type d’humour c’est d’essayer de trouver de la subtilité, de l’intelligence dans la légèreté. Je fais du stand-up, de la télévision, de la radio, du cinéma, etc. A la radio, je suis un chroniqueur ; un comédien à la télévision ; au cinéma je suis un acteur et sur la scène, je suis un humoriste. Cela fait 15 ans que je me suis lancé dans l’humour. Il y a encore du chemin à parcourir et ce serait bien que ce chemin à parcourir passe par l’Afrique aussi.
Avez-vous eu des influences de la Côte d’Ivoire ?
Oui, j’ai eu des influences venant de la Côte d’Ivoire. J’ai été particulièrement touché par la série ‘’Ma famille’’ et ses acteurs pendant que j’étais encore très jeune. Franchement cette série m’a amené à me dire qu’on pouvait aussi faire ce que les Blancs font. Tous les acteurs dont Michel Gohou ont été excellents, ils ont la maîtrise du rythme, rien à envier à Louis de Funès. J’ai aussi eu des influences anglo-saxonnes et américaines avec des acteurs comme Dave Chapelle, Eddy Murphy, Chris Rock et Richard Pryor.
Qu’est-ce que cela vous fait lorsqu’on considère encore l’humour comme une sous-discipline artistique plutôt qu’une discipline à part entière comme le théâtre ou le cinéma ?
L’humour est encore sous-évalué et cela peut paraître paradoxal, mais moi j’aime cette position qu’on lui donne. Parce que tout le monde le pratique finalement. Sans humour la vie n’aurait aucun intérêt. A la fois ce n’est pas facile à pratiquer quand c’est fait de manière professionnelle et c’est facile lorsque c’est dans la vie de tous les jours. Peu importe qu’il soit reconnu comme un grand art ou non, moi je préfère un art qui est accessible à tous plutôt qu’un art qui est destiné à l’élite.