Émigration mal préparée des jeunes footballeurs: Ces départs clandestins qui ruinent les espoirs
Les victimes de ce piège de l’émigration sont légion. Certains, tout honteux se cachent. D’autres continuent de vivre le martyre, loin de leur patrie. Mais il y en a qui, après avoir regagné la terre natale, tentent de partager leur expérience afin de dissuader ou de prévenir d’autres aventuriers. « En décembre 2022, je parti jouer dans un club de D2 en Angola, à la suite d’un contrat obtenu par le biais de mon agent, un Burkinabé. C’est lui qui devait empocher la prime à la signature. Puisque c'est lui qui a pris entièrement en charge mes frais de voyage en Angola y compris mon séjour au Burkina Faso, avant mon vol pour Angola", raconte A. Roméo, un milieu de terrain défensif de 20 ans qui confie également que l’agent burkinabé lui a confectionné un passeport d'une autre nationalité, pour ce voyage en Angola.
Après cette mésaventure en Angola, le jeune ivoirien a retrouvé son agent au Burkina Faso en vue d'essayer de rebondir au pays des hommes intègres. Sauf que, ici encore, les choses ne se passeront pas comme il le veut. « Le propriétaire de la maison où il m'avait logé m’a fait savoir que je devais de nombreux mois de loyer. Alors que mon agent était censé prendre cet aspect en compte. J'ai alors compris que lui aussi n'était pas honnête et depuis lors, j’ai cessé de collaborer avec lui pour rentrer à Abidjan », reconnaît Roméo, dont le plus grand regret est de n’avoir reçu aucune copie de son contrat.
En dépit de toutes ces péripéties, le jeune Roméo n’abandonne pas son projet de partir à l'étranger.
Contrairement à Roméo, son pote Agié Ouattara, lui, n’a jamais joué pour un club en Côte d’Ivoire. La tentation pour l’Europe est forte. Il s’entrainait dans un centre de formation à Gesco puis à Niangon (dans la commune de Yopougon). Rien que pour être performant et partir en Europe. « Un jour, un grand frère du quartier m’a mis en contact avec un manageur égyptien. Ce dernier a une académie qui reçoit des joueurs africains. Il avait été clair. Chacun devait prendre en charge son billet d’avion pour l’Égypte. Nous étions 3 ivoiriens intéressés par ce projet. Nos parents se sont endettés afin de nous faire partir. Mais une fois au bord du Nil en 2009, c'était l'enfer pour nous », raconte le jeune Ouattara. L’académie existe bel et bien avec toutes les commodités. « Il y a tout ce qu’il faut pour réussir au football. Sauf qu’ici, nous devions faire face à un sérieux problème de racisme. Nous étions 3 ivoiriens et les seuls à avoir la peau noire dans cette académie de foot. Le coach sensé faciliter notre intégration ne voulait pas de nous. La situation était très pénible », soutient-il. Et cela a duré une saison entière. Les deux autres Ivoiriens sont rentrés au pays. « J’ai voulu faire pareil, mais ma mère m’a déconseillé. Elle m’a demandé d’être plus courageux et de rester », avoue-t-il.
Seul, le footballeur de 23 ans a dû se serrer les dents. Et à force de travailler, il a fini par avoir la confiance de l’entraîneur. Après, il a pu décrocher un contrat avec un club libyen. Tout se déroulait très bien jusqu’à ce que la guerre éclate dans le pays et l’oblige à rentrer à Abidjan».
Contrairement à Roméo et à Agié qui ont encore la chance de pouvoir continuer de se battre pour réaliser leur rêve, d’autres, hélas, n’ont pas survécu. C’est le cas du jeune Ange Gnahoua. Il est décédé en 2015 alors qu'il tentait de rejoindre l'Italie en bateau. Il a perdu la vie par étouffement. « Selon les explications, mon petit-frère était coincé avec d'autres clandestins à côté du moteur du bateau et c'est ce qui aurait causé sa mort... Il était arrivé en Tunisie en avril 2015 par le biais de son coach avec qui il s'entraînait au complexe sportif de Yopougon », confie F. Gnanhoua, la grande sœur du défunt du jeune joueur. Il n’avait que 19 ans et son désir de jouer au football était intense que personne n'a pu le dissuader de partir.