Déclarés zones d’utilité publique : Ce qui attend Bonoumin et Synacassci (Dossier)
En effet, de ouvrages de drainage des eaux pluviales vont être construits dans les bassins versants de Bonoumin et de M’Pouto, dans le cadre du Projet d’assainissement et de résilience urbaine (Paru) financé par le Groupe de la Banque mondiale et mis en œuvre par le ministère de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la Salubrité.
L’idée étant de contenir et réguler l’écoulement des eaux de pluie afin d’éviter qu’elles ne se dispersent et causent des inondations.
Les impactés informés
Nous avons parcouru ces deux bassins, le 21 juillet, avec des équipes du Paru. La canalisation dans le bassin versant de M’Pouto (Synacassci) partira de la cité Atci vers le camp Akouédo jusqu’au canal de la cité Verdoyante à la Riviera 4, où elle rejoindra une canalisation existante qui, elle, s’écoule jusqu’à la lagune. Dans ce bassin, les canalisations seront construites sur un linéaire total d’environ trois kilomètres.
Pour le bassin de Bonoumin, les canalisations partiront d’Angré Caféier 5 cité Fondasso jusqu’à la lagune ébrié au niveau de la Riviera-Golf en transitant par la digue de Bonoumin. Ce sera un linéaire total d’environ cinq kilomètres.
C’est dans ce passage naturel de l’eau qu’on peut bien voir au niveau du Pont Soro que les ouvrages de drainage vont être construits. Par endroit, ce passage est obstrué par les populations, essentiellement par des activités économiques et des débordements de concessions.
La plupart de ces occupants illégaux de l’emprise du projet sont informés des travaux qui vont bientôt être réalisés. Et sont préparés en conséquence.
« Cela fait plusieurs mois qu’on nous a informés des travaux qu’ils vont faire ici. Il y a vraiment besoin de créer une grande canalisation ici pour contenir l’eau qui arrive ici. Des gens nous ont enregistrés et nous ont dit qu’on allait être pris en compte. Quand ils seront prêts pour le travail on va devoir partir », dit Abou B. le gestionnaire adjoint d’un lavage auto, construit sur l’emprise des canalisations à Angré Terminus 81-82.
C’est le même son de cloche que fait entendre Esther Ablavi rencontrée du côté de la Riviera Bonoumin dans les environs du collège Fred et Poppée. Avec son frère, elle vit depuis trois ans dans une baraque dangereusement située au bord du grand ravin, dans l’emprise de la future canalisation.
« Des gens sont venus nous prévenir qu’on va devoir quitter les lieux. Mais ils ne nous ont pas encore donné un délai pour partir. Effectivement c’est dangereux de vivre à côté de ce trou, mais nous sommes là parce que nous ne savons où aller », se désole-t-elle.
Gêner le moins possible
Personne n’est donc surpris par ce qui va être fait. Bien au contraire les gens attendent les travaux avec impatience, vu l’état de dégradation causé par les eaux pluviales. « Ici, une année l’eau était montée jusqu’à engloutir la chaussée. Cette année, on n’en est pas encore là, mais il y a urgence d’agir. Voyez vous-mêmes comment le sable s’est entassé là. Merci déjà au gouvernement pour ce qu’il prévoit de faire », se réjouit un sénior habitant non loin de la digue de Bonoumin.
Marqués par des signes bien visibles, l’essentiel des biens qui vont devoir être détruits sont situés dans l’emprise prévue depuis bien longtemps. Cela dit, à certains endroits, comme au niveau de la vallée passant sous le Pont Soro, il y a des terrains nus, des propriétés privées, qui vont devoir être touchés. Que ce soit pour les propriétaires de ces terrains ou pour tous ceux qui vont subir les impacts, une compensation est prévue.
« Nous procéderons plus aux déplacements économiques c’est-à-dire les activités économiques installées sur l’emprise des canalisations. Le projet a été conçu de sorte qu’on n’ait pas beaucoup de déplacements physiques à faire c’est-à-dire les habitations. Les populations riveraines, qui ne sont pas dans le domaine public seront juste un peu gênées pendant le déroulement des travaux. Mais il ne sera pas question de casser leurs maisons. Tous ceux qui seront impactés seront indemnisés, avant que les travaux ne commencent », explique Georges Kouakou, consultant au Paru.
Bientôt les indemnisations
A l’en croire, le Plan d’action de réinstallation (Par) des personnes impactées est en train d’être achevé. « Nous sommes actuellement à près de 90% de tout ce qui est recensement des personnes affectées par le projet. Au plus tard la fin de ce mois (Ndlr : juillet 2023), nous allons déposer notre rapport provisoire au Paru. Une fois le rapport validé, toutes les personnes qui auront été recensées seront convoquées pour leur présenter les mesures compensatoires qui auront été arrêtées. Il s’agira plus de la restitution des moyens de subsistance, de renforcement des capacités pour ceux qui tiennent des activités économiques et de dédommagement pour ceux qui perdront leurs terrains », explique-t-il.
Sur les deux bassins (Bonoumin et M’Pouto), des barrages et des stations de traitement des eaux usées vont être construits à différents niveaux du tronçon des canalisations, avec pour objectif de réguler le débit des eaux qui arrivent et de faciliter leur rejet dans la lagune ébrié.
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- Début septembre : démarrage des travaux à Yopougon et Grand-Bassam
Selon le coordonnateur du projet, Lazeni Ouattara, les travaux dans ces deux localités, devraient démarrer début septembre.
A l’en croire, toutes les études techniques ont déjà été menées, les populations impactées indemnisées et les entreprises exécutantes sélectionnées. Ces dernières sont en train d’achever l’installation de leurs bases vie.
A Yopougon, précise le coordonnateur du Paru, les travaux se dérouleront dans les quartiers de Gesco et de Port-Bouet 2 et dureront 10 mois tout comme à Grand-Bassam.
Ces deux localités enregistrent chaque année des inondations qui font d’importants dégâts matériels et parfois des morts.
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Lazeni Ouattara, coordonnateur du Projet d’assainissement et de résilience urbaine (Paru): "L’objectif ultime de ce projet est de protéger les vies humaines"
Lors du Conseil des ministres du 13 juillet, le gouvernement a classé les quartiers Synacassci à M’Pouto et Bonoumin en zones d’utilité publique. Qu’est-ce que cela signifie ?
Le gouvernement a décidé de réduire les risques d’inondation de plus en plus élevés dans le district d’Abidjan. Les bassins de Bonoumi et de M’Pouto ont été identifiés comme des zones chaudes. Les cités résidentielles dans ces zones-là connaissent des inondations à n’en point finir, qui causent souvent des morts. Pour pouvoir traiter ces deux zones efficacement, l’Etat se devait de les déclarer en zone d’utilité publique afin de permettre le bon déroulement des travaux prévus. En effet, il faut sécuriser l’emprise et permettre aux entreprises exécutantes de réaliser les travaux dans les meilleures conditions, tout en préservant le cadre de vie des populations environnantes. En gros, la zone d’utilité publique est une emprise que l’Etat remet dans le domaine public afin de permettre la réalisation des travaux.
Il ne s’agit donc pas d’un déguerpissement tous azimuts ?
Non pas du tout. Il n’est pas question ici de déguerpir les habitants des quartiers concernés, mais seulement de libérer les emprises des canalisations qui seront construites. Car les engins et les travailleurs doivent pouvoir circuler pour accomplir les différentes tâches. Il s’agit donc de préserver l’emprise du projet et d’indemniser les personnes qui seront impactées avant le démarrage des travaux. Il s’agira de construire des ouvrages de drainage des eaux pluviales qui, à terme, mettront à l’abri des inondations environ 300 000 personnes sur les deux bassins identifiés. Il était, en effet, inadmissible que la situation perdure ainsi dans une commune comme Cocody. Il fallait permettre aux habitants d’avoir un cadre de vie sûr et agréable et de vivre en toute quiétude en saison pluvieuse. Notre objectif principal est de protéger les vies humaines.
Les personnes impactées ont-elles déjà été indemnisées ? Quelle est la situation sur le terrain ?
Nous avons reçu des instructions claires de notre tutelle à savoir le ministre de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la Salubrité, Bouaké Fofana, sur la prise en compte de la dimension sociale et humaine dans ce projet. Ainsi, des campagnes de sensibilisation nous ont permis de recenser les personnes et les biens installés dans les emprises du projet. Nos consultants et experts en mesure de sauvegarde sociale leur ont expliqué le projet et ses implications, et ont procédé à l’évaluation des biens qui seront impactés. Tous ceux qui sont impactés seront bien entendu dédommagés avant que les travaux ne commencent. Car l’humain est placé au cœur du projet. Il faut préciser qu’aussi bien à Bonoumin qu’à M’Pouto, ce sont plus les terrains nus qui seront touchés par les travaux. L’élaboration du Plan d’action de réinstallation (Par) des personnes impactées est en phase d’achèvement.
Le tracé des canalisations ne nécessitera donc pas la destruction de bâtisses ?
Vu que la dimension sociale et humaine et au cœur du projet, nous avons dû analyser différentes solutions techniques et nous avons opté pour les plus optimales, c’est-à-dire les solutions qui préservent les biens et limitent au maximum les déplacements de personnes. C’est pourquoi les canalisations seront construites dans le passage naturel de l’eau, c’est-à-dire là où elles s’écoulent déjà. Et elles vont se déverser dans la lagune.
Ces canalisations serviront-elles également à l’écoulement des eaux usées ?
Le projet a été conçu de sorte à séparer les eaux de pluies aux eaux usées provenant des ménages, parce que les ouvrages qui seront réalisés ne sont pas destinés à recevoir les eaux usées. Nous construirons d’autres canalisations qui, elles, permettront d’intercepter toutes les eaux usées et qui seront conduites à une station de traitement dont la construction est aussi prévue dans le cadre du projet, avant qu’elles ne soient rejetées dans la lagune. Ce qui permettra de préserver et d’assurer une certaine durabilité aux ouvrages de drainage des eaux pluviales et de préserver les populations riveraines des odeurs que pourrait causer le rejet des eaux usées.
Combien de temps prendra la réalisation de tous ces ouvrages ?
Ce sont des travaux d’une durée allant de 12 à 15 mois. Nous sommes actuellement en phase d’appel d’offre. Les travaux devraient pouvoir commencer avant la fin de l’année. Notre objectif est que d’ici la prochaine saison des pluies, une solution soit proposée aux populations afin de garantir leur sérénité.
Parlant de la sérénité des populations, celles de N’Dotré et d’Anonkoua-Kouté affirment dormir sur leurs deux oreilles, après que des canalisations ont été construites dans ces deux quartiers, toujours dans le cadre du Paru. Qu’est-ce que cela vous procure personnellement comme sentiment ?
J’ai le sentiment du devoir accompli. Je suis heureux d’avoir contribué à préserver des vies humaines et améliorer leur cadre de vie. C’est ce que le gouvernement et notre ministre nous demandent. Les pluies qui sont tombées ont éprouvé les ouvrages, qui ont montré qu’ils fonctionnent bien. Etant maintenant à la fin de travaux, nous allons faire un aménagement paysager le long des canalisations afin de permettre aux populations de profiter de ces ouvrages. Nous allons aussi déployer une campagne de communication et de sensibilisation visant à expliquer aux populations que les ouvrages réalisés ne sont pas faits pour les déchets et les eaux usées.
Le changement de comportement est donc un axe important pour le projet...
Bien évidemment ! Pour tous les projets que nous réalisons, nous mettons l’accent sur la durabilité et le changement de comportement des populations bénéficiaires. En cela, nous avons introduit un outil très important qu’est le système d’alerte précoce. Grâce à ce système, on pourra avoir des prévisions très précises sur les zones à risque d’inondation et de mieux préparer la riposte en cas de sinistre. Nous intervenons aussi sur la question de la planification urbaine. Avec le ministère de la Construction, nous allons élaborer des plans d’urbanisme de détail de sorte à changer de paradigme dans le mode d’occupation des sols à Abidjan. Pour les villes de l’intérieur, nous projetons la réalisation de schémas directeurs d’assainissement et de drainage afin de planifier la programmation de l’assainissement et du drainage dans au moins cinq communes de l’intérieur.
La gestion des ordures restera tout de même un grand défi...
La deuxième composante du Paru est la gestion des déchets. Pour ce faire, nous allons construire à Abidjan le deuxième centre de valorisation et d’enfouissement technique des déchets, ce qui permettra de booster la politique de recyclage des déchets. A l’intérieur du pays, nous allons déployer de nouveaux services publics des déchets. Le système de collecte des ordures sera réorganisé et modernisé avec l’installation d’infrastructures de pointe qui serviront aussi de valoriser les déchets. Ces nouveaux services de gestion des déchets seront déployés dans deux zones. La première concerne les villes de Toumodi, Yamoussoukro, Tiébissou, Djébonoua et Bouaké. Et la deuxième les villes de Korhogo, Sinématiali, Ferkessedougou et Ouangolo. Les dossiers d’appel d’offre sont en cours de préparation pour tous ces projets. Nous allons recruter les opérateurs d’ici le 1er trimestre 2024 pour commencer les travaux.
Après Abobo, la prochaine commune annoncée pour bénéficier de ce type de projets est Yopougon, avant même Bonoumin et Synacassci. Quels sont les secteurs de Yopougon qui seront concernés ?
A Yopougon, nous aurons environ quatre kilomètres de canalisation à construire dans les quartiers de Gesco et de Port-Bouet 2. Ces canalisations vont se retrouver dans le canal de Kimi qui est déjà construit. Les populations impactées par les travaux ont déjà été indemnisées. L’entreprise exécutante est en train d’installer sa base vie, et les travaux vont démarrer début-septembre pour un délai d’exécution de 10 mois. A la même période, des travaux similaires débuteront aussi à Grand-Bassam où la problématique des inondations est aussi très forte. Nous allons intervenir sur des bassins et des sous-bassins versants.
Entretien réalisé par