La chronique de Venance Konan: Ressaisissons nous
Il s’est passé au Niger, selon toutes les informations qui nous sont parvenues, que le président élu de ce pays avait voulu remplacer le responsable de la garde présidentielle, qui avait été nommé par son prédécesseur.
Alors, ce responsable, dont la mission est de protéger le président, a retourné ses armes contre ce dernier et l’a renversé. Qu’est ce qui peut justifier que des Nigériens et des Africains acclament ce putsch ?
Le galonné qui a pris le pouvoir dans ce pays, apauvre parmi les pauvres, a tenté de justifier son coup par le fait qu’il n’était pas d’accord avec la stratégie de lutte contre le terrorisme du président élu.
Pourquoi donc pense-t-il que sa vision devait prévaloir sur celle du président ? Et, en quoi le fait que sa vision soit différente de celle du président doit l’amener à s’emparer du pouvoir par les armes ?
Qu’est-ce qui peut légitimer sa prise de pouvoir ? Absolument rien. Et qu’est-ce qui, dans cette histoire, peut pousser des Nigériens à aller s’attaquer à l’ambassade de la France, et à exhiber des drapeaux russes ?
La haine contre la France serait donc devenue l’épouvantail que l’on agite désormais pour exciter les sots de notre région ! Et le drapeau russe, le morceau de sucre que l’on donne aux chiens qui ont bien obéi aux ordres de leur dresseur !
Ressaisissons-nous un peu. Il nous plait d’imputer notre misère aux autres. Ils y ont certainement leur part de responsabilité. Mais il serait intéressant que nous nous interrogions nous aussi sur ce que nous faisons réellement pour sortir de cette misère.
Rappelons qu’au Mali voisin du Niger, il y eut dans l’histoire, de 1312 à 1332, un empereur du nom de Kankou Moussa, présenté aujourd’hui comme l’homme le plus riche de tous les temps. Qu’a fait cet homme de toute cette immense richesse ?
Il a chargé tout l’or de son pays sur des chameaux pour aller le distribuer aux Arabes, lors d’un pèlerinage à la Mecque qui est resté dans les annales de l’histoire, au point que le cours de l’or a chuté partout où il passait. Et il a dû s’endetter pour pouvoir rentrer chez lui. Qu’a-t-il fait de son pays avec cette légendaire richesse ?
Il a construit des mosquées. Ailleurs, des souverains moins riches que Kankou Moussa ont utilisé leurs fortunes pour construire des lieux de cultes, mais aussi des universités, des infrastructures pour leurs pays, financer des recherches qui ont débouché sur des découvertes scientifiques et technologiques, faire des conquêtes, industrialiser leurs pays, etc.
Les Maliens d’aujourd’hui sont très fiers de leur grand empereur. Qu’ils aillent donc prier dans les mosquées qu’il leur a bâties et Allah viendra les sauver de leur misère. Ne nous leurrons pas.
Tant que nous trouverons plus intelligent de construire des églises, temples et mosquées plutôt que des écoles, des universités, des centres de recherches, nous croupirons dans notre misère. Tant que nous attendrons que ce soit les autres, Français, Russes, Chinois, Turcs, Libanais, Marocains, et autres qui viennent exploiter nos ressources à notre place, investir dans nos pays à notre place pendant que nous sommes dans nos temples, églises et mosquées, tant que nous trouverons plus important pour nous d’investir dans un pèlerinage à la Mecque, en Israël, à Rome ou à Lourdes plutôt que dans une activité économique rentable, nous serons à la traîne du monde entier.
Tant que nous dépenserons toute notre énergie à consommer ce que nous ne produisons pas tout en produisant ce que nous ne consommons pas, tant que nous dépenserons des milliards chaque année à acheter des cheveux aux Indiens, personne dans ce monde, ni les Russes, ni les Chinois, ni les Européens, ni les Américains, personne ne nous prendra au sérieux. Et applaudir le premier troufion qui s’emparera du pouvoir en criant « à bas la France ! A bas l’impérialisme ! » n’y changera rien du tout.
En 1963, Aimé Césaire écrivait ces mots dans sa pièce « la tragédie du Roi Christophe » : « Tenez ! Ecoutez ! Quelque part dans la nuit le tam-tam bat... Quelque part dans la nuit mon peuple danse...
Et c’est tous les jours comme ça...Tous les soirs...L’ocelot est dans le buisson, le rôdeur à nos portes, le chasseur d’hommes à l’affût, avec son fusil, son filet, sa muselière ; le piège est prêt, le crime de nos persécuteurs nous cerne les talons, et mon peuple danse ! » Une partie de notre tragédie vient de là.
Que ceux qui applaudissent les coups d’Etats qui interviennent dans notre région tout en fustigeant la CEDEAO parce qu’ils croient que ces putschs font du mal à certains pays aillent voir ce que sont devenues les populations du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée aujourd’hui.
Au fait, est-ce que les Maliens, Centrafricains, Guinéens et Burkinabè exploitent eux-mêmes leurs ressources minières maintenant ?