
Au-delà des risques sanitaires, la dépendance tabagique constitue une véritable source d’angoisse pour les fumeurs.
Au-delà des risques sanitaires, la dépendance tabagique constitue une véritable source d’angoisse pour les fumeurs.
Gros fumeurs : Ces prisonniers de la nicotine
La cigarette les tue à petit feu. Elle leur impose une vie pleine de contraintes. Ils essaient, mais n'arrivent pas à se défaire de ce mal. Ces témoignages de fumeurs invétérés devraient interpeler ceux qui sont tentés d'apprendre à fumer.
L’usage des produits du tabac a de nombreuses conséquences. Il affecte la santé, appauvrit, pollue l’environnement, etc. Si ces dangers sont bien connus et le plus souvent mis en avant dans les campagnes de sensibilisation, il y a un autre dont on parle un peu moins, mais qui est tout aussi destructeur pour le fumeur : l’impact sur les relations interpersonnelles. Les plus touchés sont les gros fumeurs.
L’enthousiasme qu’ils montrent en fumant cache parfois une angoisse permanente que nombre d’entre eux vivent au sein de leurs couples, leurs familles, leurs cercles d’amis ou leurs milieux de travail. Leur vie est en réalité un calvaire à cause de leur addiction au tabac qui les empoisonne et les emprisonne.
On est considéré comme gros fumeur lorsqu’on fume au moins 25 cigarettes par jour. Avec son paquet et demi quotidiennement, Issiaka Koffi dit Chacoul fait partie de cette catégorie de fumeurs, le paquet de cigarettes contenant 20 tiges.
Fumant depuis 25 ans, les risques pour sa santé ne l’effraient plus. Il dit avoir connu tous les bobos de santé liés à la consommation du tabac et en être habitué. Par contre, ce qui le tourmente et fait qu’il cherche ardemment à sortir de sa dépendance, c’est la crainte de perdre son nouveau boulot. En effet, Chacoul est un chauffeur. Il conduit une femme d’affaires.
Il a galéré avant de trouver ce job à cause, justement, de son addiction à la cigarette qui l’a disqualifié plusieurs fois à des offres d’emplois. Et voilà que moins d’un mois après l’avoir obtenu, son nouveau boulot est menacé.
« Cela fait à peine trois semaines que j’ai commencé le travail, mais déjà ma patronne a commencé à se plaindre de moi. Elle me dit que je sens la cigarette et que cela l’indispose, alors que je fais tout mon possible pour cacher l’odeur en me parfumant tout le temps. Mais apparemment, cela ne règle pas le problème. Il faut que j’arrête, sinon je vais perdre ce travail encore », dit-il, angoissé.
Les longs voyages : une situation intenable.
Entre deux courses avec sa patronne, Chacoul doit fumer au moins une clope. Et à force de fumer, l’odeur désagréable du tabac a fini par devenir sienne. « A chaque fois que je la dépose quelque part, je profite pour fumer rapidement pendant que je l’attends à la voiture. Et quand je finis, je me parfume. J’essaie même des solutions pour la bouche, parce que je suis conscient que l’odeur est gênante », reconnaît-il.
Quand nous le rencontrons à sa pause déjeuner, le 9 août, dans un restaurant à ciel ouvert à Koumassi, il a une cigarette allumée à la bouche. Il est avec des amis, tous aussi gros fumeurs. Paquets de cigarettes de toutes marques, cendriers, briquets et chicha sur la table.
Ça fume sans vergogne. Ici, personne ne s’embarrasse de la mesure d’interdiction de fumer dans les lieux publics. En dépit de l’avertissement qu’il a reçu de sa patronne le matin, Chacoul ne peut pas s’empêcher d’allumer une tige après le repas. « Dès que je mange quelque chose, je dois fumer. Ce qui fait que je préfère ne rien manger toute la journée quand on a beaucoup de courses à faire. Il y a quelques jours, j’ai failli craquer à cause des embouteillages. On a fait près de quatre heures sans arrêt dans la circulation. Et donc, je n’ai pas fumé pendant tout ce temps. Imagine comment je me sentais. Je ne supporte pas les longs voyages, surtout en avion. C’est un calvaire puisque tu dois t’abstenir durant tout le vol. », dit-il.
Pour le fun...
Bientôt la quarantaine, Chacoul fume depuis un quart de siècle. Il a commencé quand il était encore sur les bancs. Il se retrouvait régulièrement avec des camarades de classe à la récréation pour griller des tiges, des « kra » comme on appelle la cigarette qu’on partage à plusieurs. « C’était juste pour frimer. Les grands frères du quartier qui nous surprenaient nous faisaient des remontrances en nous avertissant des dangers. Ils nous disaient que nous allions nous détruire. Mais nous ne pouvions pas comprendre. La cigarette apparaissait si inoffensive. L’addiction ? La nicotine ? Nous entendions parler, mais nous nous disions qu’il est impossible que la cigarette que nous maîtrisons puisse nous maîtriser un jour », raconte-t-il.
Et il poursuit : « je fumais quand je voulais et je ne ressentais aucun effet sur ma santé. Je me disais que quand j’allais commencer à sentir les effets, j’allais arrêter. Oui, j’étais persuadé que je pouvais arrêter à tout moment ».
... ensuite la dépendance
Après s’être remémoré son premier contact avec le tabac, Chacoul pense à ces années où il était encore capable d’arrêter. « Quand j’imagine que j’arrivais à faire des jours sans fumer. J’aurais dû en profiter », regrette-t-il. Et d’ajouter : « j’ai essayé toutes les méthodes pour arrêter, y compris les médicaments des tradipraticiens, mais ça ne marche pas. Un médecin m’a dit que c’est seulement ma volonté qui pourra me permettre d’arrêter. Cette volonté, je crois que je ne l’ai pas encore ».
Il se sent emprisonné. A quel moment est-il devenu accro ? Cet instant T, il le cherche vaguement dans sa mémoire. Ce qui est sûr, un jour, il est passé au stade de la dépendance. « Depuis ce jour, ce n’est plus moi qui décide de fumer, c’est la cigarette qui m’ordonne de la prendre et de l’allumer. Même quand je veux résister, ma révolte ne dure pas. Je suis devenu incapable de résister à ses injonctions. Il est arrivé des jours où j’ai fumé jusqu’à trois paquets », se désole-t-il.
Puis, après une dernière taffe, il jette violemment au sol la cigarette qu’il venait d’allumer, comme pour crier son ras-le-bol. « Bon ça suffit pour aujourd’hui », dit-il en fixant le mégot qu’il écrase énergiquement. Après quelques minutes de silence pendant lesquelles Chacoul regarde tristement les extrémités noircies de ses doigts, il revient dans la causerie et fait des révélations.
« De la cigarette, beaucoup de choses sont dites, notamment ses effets néfastes sur la santé. Mais de tout ce qu’on peut raconter à propos des dangers, un bon fumeur ne te parlera pas de sa santé. Il parlera plutôt de son inconfort à être dans les milieux hostiles à la cigarette, mais aussi de son incapacité à arrêter. Et c’est ce que je vis », indique-t-il.
Difficile de trouver l’amour
La dépendance tabagique a des conséquences multiples, pouvant même avoir un impact négatif sur la vie amoureuse. Si certains fumeurs ont pu arrêter la cigarette par amour pour une femme, d’autres préfèrent renoncer à leurs sentiments de peur de devoir abandonner le tabac. C’est ce que vit Olivier N., l’ami de Chacoul. Gros fumeur lui aussi, Olivier, la quarantaine révolue, est encore célibataire. Peinant à se construire une vie amoureuse, il dit être passé à plusieurs reprises à côté de l’amour de sa vie. Choisir sa compagne est une tâche cornélienne pour lui ; celles qui ne supportent pas la cigarette sont écartées d’office. « Mes relations amoureuses ne durent pas longtemps. Quand une fille ne supporte pas la cigarette, je n’arrive pas non plus à la supporter. Quand je fume, elles se plaignent. Et quand je ne fume pas, je ne suis pas à l’aise. On a quoi à se mettre tous les deux en prison ? », interroge-t-il.
La seule fille du groupe, qui a requis l’anonymat, elle, est plutôt accro à la chicha, la pipe à eau. Elle préfère consommer ce produit bien plus toxique et addictif que la cigarette, pour éviter d’être jugée par son entourage. Il faut dire que les femmes qui fument la cigarette sont encore l’objet de préjugés dans la société ivoirienne. « Quand tu fumes la cigarette, on pense même que tu es une personne légère. Quand je vivais encore en famille, mes parents m’avaient même mis à la porte à cause de la cigarette. Alors pour éviter tous les problèmes, j’ai laissé la cigarette pour la chicha désormais. Ça attire moins de préjugés. Je sais que c’est dangereux, mais je vais faire comment ? Je ne peux pas arrêter », dit-elle. Son addiction à ce produit joue sur sa vie amoureuse, elle aussi. « Le seul mec avec qui j’ai duré fumait aussi. Après notre rupture jusqu’à aujourd’hui, je tombe sur des non-fumeurs et nos relations ne durent pas », explique-t-elle.
La peur de mourir
Déception amoureuse, nouvelle tentative, résultat similaire. Sans s’en rendre compte, la plupart des gros fumeurs feront leur vie avec la première venue qui supporte la cigarette. Ou bien les amours qui ont fini par accepter la cigarette comme rivale.
Mais, il n’y a pas que leur vie amoureuse qui en souffre, il y a aussi leur conscience qui est constamment interrogée. Car le tabac, c’est tout ce qu’il y a de plus nocif pour la santé. Le fumeur essaie toujours de ne pas y penser. Mais à longueur de journée, on le lui rappelle à travers les campagnes publicitaires de lutte contre le tabagisme. Et c’est parfois stressant.
« A chaque fois que je vois une affiche anti-tabac, mon cœur frémit car ça me rappelle que je suis en train de me tuer. Souvent, c’est à la télévision, pendant que je suis avec ma femme et mes enfants à la maison. Quand la sensibilisation passe, c’est le malaise total, car tout le monde à la maison a fini par savoir que je fume. Je me sens ridicule et j’éprouve en même temps une peur de voir mes enfants faire comme moi », témoigne Aziz Souaré. Et d’ajouter : « je ressens aussi une grande inquiétude à chaque fois que j’apprends qu’un de mes proches, fumeur, a des ennuis de santé ».
Aziz dit avoir vécu un épisode qui l’étonne jusqu’à présent. « Je devais être hospitalisé un jour parce que j’avais des soucis aux poumons, à cause de la cigarette. Mais j’ai supplié et convaincu le médecin de le faire à la maison, en payant un peu plus cher. Tout ça, parce qu’à l’hôpital, je n’allais pas pouvoir fumer. Est-ce que vous réalisez ? J’ai préféré rester à la maison juste pour pouvoir fumer alors que j’étais malade, à cause justement, de la cigarette. Cette histoire m’a fait réaliser à quel point je suis dépendant et l’urgence pour moi d’en sortir au risque de perdre la vie et hypothéquer l’avenir de mes enfants », raconte-t-il.
Le psychologue Jean-Sébastien Kouadio de la Croix Bleue, définit la dépendance tabagique comme une aliénation. «Quand une personne dépend du tabac, elle n’a plus de vie. Cela crée une distance entre elle et son entourage», explique-t-il.
On est considéré comme gros fumeur lorsqu’on fume au moins 25 cigarettes par jour. Avec son paquet et demi quotidiennement, Issiaka Koffi dit Chacoul fait partie de cette catégorie de fumeurs, le paquet de cigarettes contenant 20 tiges.
Fumant depuis 25 ans, les risques pour sa santé ne l’effraient plus. Il dit avoir connu tous les bobos de santé liés à la consommation du tabac et en être habitué. Par contre, ce qui le tourmente et fait qu’il cherche ardemment à sortir de sa dépendance, c’est la crainte de perdre son nouveau boulot. En effet, Chacoul est un chauffeur. Il conduit une femme d’affaires.
Il a galéré avant de trouver ce job à cause, justement, de son addiction à la cigarette qui l’a disqualifié plusieurs fois à des offres d’emplois. Et voilà que moins d’un mois après l’avoir obtenu, son nouveau boulot est menacé.
« Cela fait à peine trois semaines que j’ai commencé le travail, mais déjà ma patronne a commencé à se plaindre de moi. Elle me dit que je sens la cigarette et que cela l’indispose, alors que je fais tout mon possible pour cacher l’odeur en me parfumant tout le temps. Mais apparemment, cela ne règle pas le problème. Il faut que j’arrête, sinon je vais perdre ce travail encore », dit-il, angoissé.
Les longs voyages : une situation intenable.
Entre deux courses avec sa patronne, Chacoul doit fumer au moins une clope. Et à force de fumer, l’odeur désagréable du tabac a fini par devenir sienne. « A chaque fois que je la dépose quelque part, je profite pour fumer rapidement pendant que je l’attends à la voiture. Et quand je finis, je me parfume. J’essaie même des solutions pour la bouche, parce que je suis conscient que l’odeur est gênante », reconnaît-il.
Quand nous le rencontrons à sa pause déjeuner, le 9 août, dans un restaurant à ciel ouvert à Koumassi, il a une cigarette allumée à la bouche. Il est avec des amis, tous aussi gros fumeurs. Paquets de cigarettes de toutes marques, cendriers, briquets et chicha sur la table.
Ça fume sans vergogne. Ici, personne ne s’embarrasse de la mesure d’interdiction de fumer dans les lieux publics. En dépit de l’avertissement qu’il a reçu de sa patronne le matin, Chacoul ne peut pas s’empêcher d’allumer une tige après le repas. « Dès que je mange quelque chose, je dois fumer. Ce qui fait que je préfère ne rien manger toute la journée quand on a beaucoup de courses à faire. Il y a quelques jours, j’ai failli craquer à cause des embouteillages. On a fait près de quatre heures sans arrêt dans la circulation. Et donc, je n’ai pas fumé pendant tout ce temps. Imagine comment je me sentais. Je ne supporte pas les longs voyages, surtout en avion. C’est un calvaire puisque tu dois t’abstenir durant tout le vol. », dit-il.
Pour le fun...
Bientôt la quarantaine, Chacoul fume depuis un quart de siècle. Il a commencé quand il était encore sur les bancs. Il se retrouvait régulièrement avec des camarades de classe à la récréation pour griller des tiges, des « kra » comme on appelle la cigarette qu’on partage à plusieurs. « C’était juste pour frimer. Les grands frères du quartier qui nous surprenaient nous faisaient des remontrances en nous avertissant des dangers. Ils nous disaient que nous allions nous détruire. Mais nous ne pouvions pas comprendre. La cigarette apparaissait si inoffensive. L’addiction ? La nicotine ? Nous entendions parler, mais nous nous disions qu’il est impossible que la cigarette que nous maîtrisons puisse nous maîtriser un jour », raconte-t-il.
Et il poursuit : « je fumais quand je voulais et je ne ressentais aucun effet sur ma santé. Je me disais que quand j’allais commencer à sentir les effets, j’allais arrêter. Oui, j’étais persuadé que je pouvais arrêter à tout moment ».
... ensuite la dépendance
Après s’être remémoré son premier contact avec le tabac, Chacoul pense à ces années où il était encore capable d’arrêter. « Quand j’imagine que j’arrivais à faire des jours sans fumer. J’aurais dû en profiter », regrette-t-il. Et d’ajouter : « j’ai essayé toutes les méthodes pour arrêter, y compris les médicaments des tradipraticiens, mais ça ne marche pas. Un médecin m’a dit que c’est seulement ma volonté qui pourra me permettre d’arrêter. Cette volonté, je crois que je ne l’ai pas encore ».
Il se sent emprisonné. A quel moment est-il devenu accro ? Cet instant T, il le cherche vaguement dans sa mémoire. Ce qui est sûr, un jour, il est passé au stade de la dépendance. « Depuis ce jour, ce n’est plus moi qui décide de fumer, c’est la cigarette qui m’ordonne de la prendre et de l’allumer. Même quand je veux résister, ma révolte ne dure pas. Je suis devenu incapable de résister à ses injonctions. Il est arrivé des jours où j’ai fumé jusqu’à trois paquets », se désole-t-il.
Puis, après une dernière taffe, il jette violemment au sol la cigarette qu’il venait d’allumer, comme pour crier son ras-le-bol. « Bon ça suffit pour aujourd’hui », dit-il en fixant le mégot qu’il écrase énergiquement. Après quelques minutes de silence pendant lesquelles Chacoul regarde tristement les extrémités noircies de ses doigts, il revient dans la causerie et fait des révélations.
« De la cigarette, beaucoup de choses sont dites, notamment ses effets néfastes sur la santé. Mais de tout ce qu’on peut raconter à propos des dangers, un bon fumeur ne te parlera pas de sa santé. Il parlera plutôt de son inconfort à être dans les milieux hostiles à la cigarette, mais aussi de son incapacité à arrêter. Et c’est ce que je vis », indique-t-il.
Difficile de trouver l’amour
La dépendance tabagique a des conséquences multiples, pouvant même avoir un impact négatif sur la vie amoureuse. Si certains fumeurs ont pu arrêter la cigarette par amour pour une femme, d’autres préfèrent renoncer à leurs sentiments de peur de devoir abandonner le tabac. C’est ce que vit Olivier N., l’ami de Chacoul. Gros fumeur lui aussi, Olivier, la quarantaine révolue, est encore célibataire. Peinant à se construire une vie amoureuse, il dit être passé à plusieurs reprises à côté de l’amour de sa vie. Choisir sa compagne est une tâche cornélienne pour lui ; celles qui ne supportent pas la cigarette sont écartées d’office. « Mes relations amoureuses ne durent pas longtemps. Quand une fille ne supporte pas la cigarette, je n’arrive pas non plus à la supporter. Quand je fume, elles se plaignent. Et quand je ne fume pas, je ne suis pas à l’aise. On a quoi à se mettre tous les deux en prison ? », interroge-t-il.
La seule fille du groupe, qui a requis l’anonymat, elle, est plutôt accro à la chicha, la pipe à eau. Elle préfère consommer ce produit bien plus toxique et addictif que la cigarette, pour éviter d’être jugée par son entourage. Il faut dire que les femmes qui fument la cigarette sont encore l’objet de préjugés dans la société ivoirienne. « Quand tu fumes la cigarette, on pense même que tu es une personne légère. Quand je vivais encore en famille, mes parents m’avaient même mis à la porte à cause de la cigarette. Alors pour éviter tous les problèmes, j’ai laissé la cigarette pour la chicha désormais. Ça attire moins de préjugés. Je sais que c’est dangereux, mais je vais faire comment ? Je ne peux pas arrêter », dit-elle. Son addiction à ce produit joue sur sa vie amoureuse, elle aussi. « Le seul mec avec qui j’ai duré fumait aussi. Après notre rupture jusqu’à aujourd’hui, je tombe sur des non-fumeurs et nos relations ne durent pas », explique-t-elle.
La peur de mourir
Déception amoureuse, nouvelle tentative, résultat similaire. Sans s’en rendre compte, la plupart des gros fumeurs feront leur vie avec la première venue qui supporte la cigarette. Ou bien les amours qui ont fini par accepter la cigarette comme rivale.
Mais, il n’y a pas que leur vie amoureuse qui en souffre, il y a aussi leur conscience qui est constamment interrogée. Car le tabac, c’est tout ce qu’il y a de plus nocif pour la santé. Le fumeur essaie toujours de ne pas y penser. Mais à longueur de journée, on le lui rappelle à travers les campagnes publicitaires de lutte contre le tabagisme. Et c’est parfois stressant.
« A chaque fois que je vois une affiche anti-tabac, mon cœur frémit car ça me rappelle que je suis en train de me tuer. Souvent, c’est à la télévision, pendant que je suis avec ma femme et mes enfants à la maison. Quand la sensibilisation passe, c’est le malaise total, car tout le monde à la maison a fini par savoir que je fume. Je me sens ridicule et j’éprouve en même temps une peur de voir mes enfants faire comme moi », témoigne Aziz Souaré. Et d’ajouter : « je ressens aussi une grande inquiétude à chaque fois que j’apprends qu’un de mes proches, fumeur, a des ennuis de santé ».
Aziz dit avoir vécu un épisode qui l’étonne jusqu’à présent. « Je devais être hospitalisé un jour parce que j’avais des soucis aux poumons, à cause de la cigarette. Mais j’ai supplié et convaincu le médecin de le faire à la maison, en payant un peu plus cher. Tout ça, parce qu’à l’hôpital, je n’allais pas pouvoir fumer. Est-ce que vous réalisez ? J’ai préféré rester à la maison juste pour pouvoir fumer alors que j’étais malade, à cause justement, de la cigarette. Cette histoire m’a fait réaliser à quel point je suis dépendant et l’urgence pour moi d’en sortir au risque de perdre la vie et hypothéquer l’avenir de mes enfants », raconte-t-il.
Le psychologue Jean-Sébastien Kouadio de la Croix Bleue, définit la dépendance tabagique comme une aliénation. «Quand une personne dépend du tabac, elle n’a plus de vie. Cela crée une distance entre elle et son entourage», explique-t-il.