La chronique de Venance Konan : La colère de Gbagbo
Tout cela est très limpide. J’espère seulement que des militants de Laurent Gbagbo ne prennent pas au sérieux ce que leurs leaders leur disent, à savoir qu’ils ont perdu les élections à cause de la fraude. Et j’espère aussi que Laurent Gbagbo et ses lieutenants ne se prennent pas eux-mêmes au sérieux en disant cela. Essayons de voir les choses avec lucidité. Qu’est-ce que Laurent Gbagbo pense représenter encore dans l’esprit des Ivoiriens ? En 1990, face à un Houphouët-Boigny devenu vieux, face à un parti unique qui venait de boucler 33 ans de pouvoir et se trouvait au bout de son parcours historique, Laurent Gbagbo et son Front populaire ivoirien (Fpi) avaient incarné l’espoir d’un changement aux yeux d’une partie de nos concitoyens. Mais les Ivoiriens ne le suivirent pas massivement, et il fallut attendre dix ans, à la faveur du coup d’État et de la naïveté de Robert Guéï pour que Laurent Gbagbo accède au pouvoir. Il a beau jeu de dire qu’il est arrivé au pouvoir démocratiquement, mais nous savons que l’on peut mettre tout ce que l’on veut sous le vocable « démocratiquement », et il sait que son élection fut tout sauf démocratique, puisque les candidats des deux plus grands partis de l’époque, le PDCI et le RDR ne furent pas autorisés à participer à la compétition.
Laurent Gbagbo a dirigé le pays pendant dix ans et nous l’avons vu à l’œuvre. Après cela, il a passé une dizaine d’années hors du pays pour des ennuis judiciaires. Il est revenu au pays et tout le monde voit dans quel état physique et intellectuel il est. C’est un homme fatigué, usé, qui n’a plus de nouvelles propositions à faire aux Ivoiriens que nous voyons et entendons. Personne, à commencer par ses propres militants, n’a oublié l’humiliation qu’il a fait subir à sa femme, Simone, le jour de son arrivée à l’aéroport.
Aujourd’hui, les Ivoiriens expérimentent une autre façon de diriger le pays. Ils voient que l’on peut le doter d’infrastructures de qualité. Gbagbo et les siens ont beau dire et répéter que les Ivoiriens vivent dans la misère la plus noire depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara, les concernés eux-mêmes savent où Gbagbo les avait laissés, et où ils sont arrivés avec Alassane Ouattara. Comment Gbagbo et ses lieutenants peuvent-ils croire que les Ivoiriens allaient de nouveau leur confier leur sort ? Qu’est-ce qui, dans leur discours, peut encore faire rêver ? Qu’incarne aujourd’hui Gbagbo pour que les Ivoiriens espèrent encore en lui ? Il incarne juste les heures les moins glorieuses de notre histoire. Et puis, sérieusement, qu’espérait-il en fragmentant son parti en quatre branches antagonistes avant d’aller aux élections ?
Si Gbagbo et les siens n’ont vraiment rien à dire, qu’ils se taisent donc. Nous, on travaille .