Landry Kuyo, Juriste, analyste politique, enseignant-formateur à l’Ena: "Le PPA-CI est un projet politique centré sur une personne, Laurent Gbagbo"

LANDRY KUYO
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Landry Kuyo, Juriste, analyste politique, enseignant-formateur à l’Ena: "Le PPA-CI est un projet politique centré sur une personne, Laurent Gbagbo"

Le 13/11/23 à 16:36
modifié 13/11/23 à 22:47
Selon vous, pourquoi le Ppa-CI ne décolle pas ?

Créé le 17 octobre 2021 à Abidjan, le Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (Ppa-CI) est né de l’obsession des inconditionnels de l’ancien Chef d’État ivoirien de restaurer, dans les meilleurs délais, Laurent Gbagbo dans les fonctions de Président de la République. Du fantasme de prendre une revanche sur les évènements ayant conduit au 11 avril 2011, de la non-acceptation de la pensée plurielle du débat contradictoire. Et de la mise en concurrence du leadership de Gbagbo, la nécessité pour les anciens exilés politiques, naguère personnages secondaires au sein de l’ex-majorité présidentielle (Lmp), d’exister politiquement par le moyen d’un appareil politique au sein duquel ils joueront les premiers rôles, le tout baignant dans un récit politique en rupture avec les attentes des populations constituées à plus de 70% de jeunes. Un grand nombre de jeunes n’ont pas ou presque pas connu le mythe Gbagbo et l’ère Laurent Gbagbo, lorsque les anciens jeunes, nouveaux adultes réalisent qu’ils peuvent vivre et s’épanouir sans Laurent Gbagbo, dans une Côte d’Ivoire gouvernée par l’ancien Dga du Fond monétaire international et gouverneur de la Bceao. Par ailleurs, plusieurs personnes continuent de s’interroger sur la réalité d’un Gbagbo sans Simone, Blé Goudé, Affi, Mamadou Koulibaly ... Selon ceux-ci, c’est trahir ce en quoi ils croient en choisissant de suivre l’une de ses personnalités alors qu’elles ont fait de leur religion l’idée de l’indivisibilité de la Gauche eu égard aux infortunes du passé, aux nécessités existentielles du présent et aux opportunités du futur. En tout état de cause, le Ppa-CI est un projet politique centré sur une personne : Laurent Gbagbo, une cause : Laurent Gbagbo, une ambition : Laurent Gbagbo. Il tranche nettement avec l’offre politique du Front populaire ivoirien (Fpi) incarné par un collège de penseurs proposant à tous les Ivoiriens plus de liberté et de justice sociale, partout en Côte d’Ivoire. Seuls les projets mobilisent les intelligences et seuls les rêves font converger les belles énergies. Manifestement, s’il est réservé à Gbagbo une place particulière dans les cœurs des Ivoiriens, il est bon de faire noter que ces mêmes Ivoiriens font désormais la politique avec raison plutôt qu’avec émotion. On est de moins en moins Bédié, Gbagbo et Ouattara. On est de plus en plus du Rhdp, du Pdci et du Ppa-CI. À la vérité, une vision claire et un projet politique mobilisateur et rassembleur font défaut au Ppa-CI au point que plusieurs hommes et femmes de Gauche admettent tenir une position d’observation plutôt que de s’engager au sein d’une formation politique illisible dans sa démarche, inaudible dans ses revendications et quasiment invisible à l’issue des élections régionales et municipales de septembre.

Une explication au changement opéré par Laurent Gbagbo au sein de sa formation politique ?

On ne change pas une équipe qui gagne. En conséquence, il est impératif de changer une équipe de perdants, même s’il faut le faire avec d’autres perdants, moins gênants. Il faut aussi retenir que cette nouvelle équipe est une chance pour le Ppa-CI de se créer ou de saisir des opportunités. En effet, la mise en mission de dirigeants tel que Dano Djédjé, proposant un profil d’homme d’État pondéré semblant maîtriser les usages de prise de parole, confère au Ppa-CI une image plus convenable. À la vérité, il est désormais question de disposer de personnalités en capacité d’entrer en discussion avec le Pouvoir, en vue de négocier et d’obtenir avec habileté ce que l’ancienne équipe a échoué à faire avec un discours virulent et une posture de défiance. En tout état de cause quels que soient les bénéficiaires apparents et véritables de ce changement au sein du Ppa-CI, il se joue l’héritage politique de Laurent Gbagbo, figure emblématique de la lutte pour le multipartisme, les libertés et la justice sociale en Côte d’Ivoire. Cet héritage qui constituera le principal fonds de commerce d’un Ppa-CI en grande difficulté, mais loin d’être en perdition.

Pensez-vous que Laurent Gbagbo est encore bon pour le service, fait-il rêver ?

Il faut entendre et comprendre Laurent Gbagbo dire. Il ressort de cette déclaration que Laurent Gbagbo n’a plus qu’une seule ambition : sauvegarder et transmettre son héritage politique et idéologique constitué au fil de longues années de lutte. La question est de savoir si le Ppa-CI lui en donnera les moyens ?

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Le 13/11/23 à 16:36
modifié 13/11/23 à 22:47