"Matins de couvre-feu": L’écrivaine Tanella Boni nous tend le miroir de nos travers
On aurait tort de sous-estimer le potentiel romanesque de l’actualité. Surtout lorsqu'elle est dramatique. En 2005, la Côte d'Ivoire traverse depuis 3 ans l'une des plus graves crises politico-militaires de son histoire. Les populations sont prises en otage par les groupes armés belligérants qui imposent leurs diktats. C'est ce calvaire que Tanella Boni nous raconte de façon prodigieuse dans "Matins de couvre-feu" qui a obtenu le prix Kourouma en 2005.
Réédité par les éditions Nimba, ce livre, admirablement écrit, nous replonge dans les heures les plus sombres de l'histoire de la Côte d'Ivoire post-indépendance. Philosophe, essayiste, poétesse et romancière, Tanella Boni, en véritable artiste du verbe, sait prendre de la hauteur ou déchoir pour livrer une satire pleine d'humour et, par moments, féroce d'une Côte d'Ivoire en proie à ses démons : tueries, tribalisme, pauvreté, prévarication, montée de la xénophobie etc. Un tableau sombre peint de manière lumineuse par l'une des écrivaines majeures de la littérature ivoirienne.
Dans "Matins de couvre-feu", on suit les tribulations d'une femme, victime de l’arbitraire qui se retrouve assignée à résidence pour neuf mois. Et les méfaits d'Arsène Kâ, redoutable chef qui s’empare des biens privés et tue en toute impunité.
La narratrice fait entrer le lecteur dans l’histoire de sa famille et de son pays. Elle tresse le lien entre elle et ce peuple qui n’en finit pas d’attendre l’aurore. Sensible, intelligent et poétique, ce roman, qui dresse un tableau intime et politique des commotions de notre temps, est aussi un plaidoyer du peuple qui n'aspire qu'à vivre en paix.