Champion du monde de dictée : Krécoum Loevan, le petit génie qui fait la fierté de la Côte d’Ivoire
Contrairement à ce qui est devenu la norme en Côte d’Ivoire, le gamin de 10 ans n’a pas eu cette popularité soudaine par un de ces bad buzz auxquels on est tristement habitué. Mais, par son travail. Un travail acharné grâce auquel le drapeau orange-blanc-vert a flotté fièrement dans le ciel canadien après la proclamation, le 19 mai, à Québec, des résultats de la 33e édition du concours international de dictée PGL (Paul Gérin-Lajoie). En compétition avec 70 autres enfants de son âge venus de plusieurs pays du monde, le petit Loevan, en classe de Cm2, a terminé grand vainqueur dans la catégorie primaire de ce concours de dictée considéré comme le plus prestigieux au monde.
Loevan est donc le champion du monde en titre de dictée. Une distinction XXL qui redonne espoir à tout un pays qui cherche à renouer avec l’excellence scolaire. Ce, après presque une décennie de léthargie du système éducatif qui avait valu à la Côte d’Ivoire des revers dans les classements continentaux. L’école de Loevan, le groupe scolaire ‘’Le P’tit Royaume’’ situé à la Riviera-Bonoumin, est la plus fière de son sacre. Alors quoi de mieux qu’une réception en grande pompe pour lui exprimer cette fierté.
La cérémonie s’est déroulée le 22 mai au sein de l’établissement. « Loevan nous a fait honneur et est la fierté de toute la nation grâce à l’excellence de son travail. C’est un enfant extraordinaire. Alors, cette réception était le moins qu’on puisse faire pour lui dire bravo et merci d’avoir rehaussé l’image de la Côte d’Ivoire à l’international. C’est de cela que le pays a besoin », s’est réjouie Natacha Braud, directrice de l’école. Qui est donc ce héros national ?
Membre d’une famille de surdoués
Né le 21 mars 2014, Krécoum Loevan Niels Samuel-Marie est le 3e d’une fratrie de quatre enfants (deux filles et deux garçons). Son père Krécoum Boua Marius, catholique et Agni de Bongouanou (dans le centre-est ivoirien), est juriste de formation et fonctionnaire international à l’Onu, aux États-Unis. Sa mère, Aka Krécoum, également Agni, est ingénieure-commerciale de formation. Malgré sa petite taille de 1,42 m et son apparence plutôt frêle, le môme dégage pourtant la confiance en soi. Le petit garçon au teint noir ciré, au visage angélique et au cou strié ne passe pas inaperçu dans son école. Sa tête un peu plus volumineuse que la norme ne devrait pas faire craindre qu’il est malade. « Loevan n’a aucune anomalie. Il est né comme ça. Tout va très bien chez lui. » Assure son père. Disons plutôt que c’est une tête trop bien faite.
En effet, inscrit à la petite section à l’âge de deux ans, sa maîtresse remarque très vite que Loevan s’ennuie en classe. Son intelligence précocement bien installée et active, il sait déjà compter de 1 à 20 en français, en espagnol et en anglais, et il connaît toutes les couleurs. A la demande de sa maîtresse, on l’intègre pendant la même année scolaire à la moyenne section où il finit major. « Le prof en couche » comme on le surnomma dès lors, puisqu’il portait encore la couche, va rester major de sa classe jusqu’au Cm2 cette année où il a encore fini major avec une moyenne annuelle de 19,40/20.
« Loevan est le genre d’enfant que toute maîtresse aimerait avoir. Il est travailleur, très intelligent, poli et courtois. Il est adorable, même s’il est souvent incompris de ses camarades. Quand je pose une question, en général il attend qu’il n’y ait plus de doigt en l’air pour demander la parole. Et à chaque fois, il donne la bonne réponse. J’ai déjà des regrets de savoir qu’il va quitter l’école cette année », explique sa maîtresse Prudence Zokou, émue. Le responsable pédagogique, Grégoire Atsé, lui, souligne la polyvalence du petit génie. « En dictée, il a toujours 20/20, mais il n’y a pas que ça. Il est très calé dans toutes les matières. Récemment, il a participé à un concours de mathématiques, qui a regroupé toute l’Iep, et il a fini gagnant avec une note de 50/50. C’est un enfant extraordinaire qui doit être suivi de près au plus haut niveau, car c’est une valeur sûre pour notre pays », suggère-t-il.
Sa grande sœur, major de sa classe de 5e, avait fait ses classes primaires dans la même école que lui, où elle a aussi terminé major au Cepe. Comme Loevan, elle avait participé à ce même concours de dictée où elle a fini 5e. En classe de Ce1, sa petite sœur a aussi fini cette année scolaire major de sa classe. Loevan et ses sœurs tiennent apparemment ces qualités de leur père. A en croire ce dernier, en 1999, alors étudiant, il a représenté la Côte d’Ivoire à un concours de droit de l’homme au niveau international au cours duquel l’université de Cocody, qu’il représentait, avait terminé grand lauréat devant 65 autres universités africaines.
Pour M. Krécoum, la distinction de son fils n’est pas de l’ordre du mérite, « c’est la providence ». « Je ne suis pas surpris de ce qu’il a réalisé vu ce qu’il fait depuis tout petit. C’est aussi le fruit de l’engagement de la famille et le résultat de la discipline et du travail bien fait. Nous l’avons accompagné dans cette aventure jusqu’au Canada où sa mère et moi étions également pour la finale et la grâce de Dieu nous a souri. C’est l’occasion de rendre hommage à mon épouse qui a décidé de consacrer toute sa vie et tout son temps à l’éducation et au suivi de l’évolution scolaire de nos enfants », s’est-il félicité. Androu Kouamé, un de ses camarades de classe depuis la maternelle, le trouve « sympathique, gentil et intelligent. Il nous aime beaucoup nous ses camarades et nous aide chaque fois que nous ne comprenons pas quelque chose. J’essaie de faire de mon mieux pour être comme lui ».
La revanche de sa sœur
Krécoum Loevan est donc adulé par ses encadreurs et ses camarades pour ses capacités intellectuelles hors normes. Mais comme tous les génies, il ne croit pas en être un. Toutefois, il sait que toute la Côte d’Ivoire parle de lui en ce moment. Et les petites larmes qu’il a versées lorsqu’il recevait son trophée étaient la preuve qu’il réalisait là l’immensité de ce qu’il venait d’accomplir. Comme quoi, aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. « Dès que nous avons atterri à Abidjan, mon père m’a montré tout ce qui se disait sur moi sur Facebook. J’ai ressenti de la joie et de la fierté.
Toutefois, je ne me considère pas comme un génie, je suis comme les autres. Seulement, je travaille avec acharnement et détermination. C’est tout. J’étudie souvent seul, souvent avec ma mère ou ma grande sœur. Je voudrais remercier mes parents et mes encadreurs qui m’ont toujours donné de bons conseils. Je leur dois en partie cette distinction », estime-t-il. Pour lui, « avec la volonté et le travail, on peut tout réussir ». Comment a-t-il préparé le concours ? « Je fais beaucoup de lecture régulièrement et des dictées sur différents sites. Quand on partait pour le Canada, j’étais sûr que j’allais gagner, car je voulais prendre la revanche de ma grande sœur qui a manqué de peu ce trophée ». Avec son sacre, Krécoum Loevan Niels Samuel-Marie intègre à son si jeune âge, comme Noférima (vainqueur d’un concours international de slam), le panthéon de ces nouvelles jeunes icônes ivoiriennes qui font la fierté de la Côte d’Ivoire à l’international.