Pollution : Des plans d’eau lagunaire d’Abidjan menacés de disparition ! (Contribution)

Les ordures domestiques jonchant les bords de la lagune. (Ph: Dr)
Les ordures domestiques jonchant les bords de la lagune. (Ph: Dr)
Les ordures domestiques jonchant les bords de la lagune. (Ph: Dr)

Pollution : Des plans d’eau lagunaire d’Abidjan menacés de disparition ! (Contribution)

Les différents plans d’eau lagunaire d’Abidjan subissent depuis quelques années, une nouvelle forme de pollution qui prend de l’ampleur au fil du temps. Plus subtile, cette pollution menée silencieusement avec diverses complicités, consiste à remblayer avec de la terre argileuse, notamment des gravats, différents espaces lagunaires.

Les objectifs visés portent sur la réalisation de projets immobiliers et l’installation d’équipements et matériels, pour le compte de sociétés opérant dans le secteur maritime et autres. Celles-ci procèdent par ce fait même à l’extension de leur site d’opération.

Plus de 1600 m² couverts de terre

Trois zones lagunaires ont été touchées de façon inquiétante par ces remblayages. Il y a de prime abord, cette berge située en face du village Abia Abéty ou Biétry village, dans la commune de Marcory.

Ici, ce sont 287053 m² d’espace lagunaire qui ont été asséchés avec de la terre depuis 2019, par l’entreprise, Jade Invest avec l’accord des autorités villageoises, certainement ignorantes de toutes les conséquences néfastes qui pourraient en résulter à plus ou moins long terme.

La deuxième zone se situe à Vridi, précisément entre la Société ivoirienne de raffinage (Sir) et la Société de gestion des stocks pétroliers de Côte d’Ivoire (Gestoci). Elle couvre une surface de 555 206 m², remblayés à l’initiative de la même entreprise, avec l’accord de la communauté villageoise riveraine d’Abia Gnambo dit Petit Bassam. Le remblai ainsi effectué, abrite désormais des installations pour recevoir divers équipements.

Le troisième endroit faisant tout aussi, l’objet de préoccupations récurrentes au niveau des environnementalistes porte sur un espace de 779 441 m² toujours à Vridi, entre le quartier Zimbabwé, la société ASNA et la rue des pêcheurs.

Sur le remblai effectué, des entrepôts, des hangars et des immeubles ont été construits. Ce sont au total 1621 700 m² d’espaces lagunaires, qui ont ainsi été remblayés, tout en foulant au pied les dispositions légales, pourtant prévues en la matière, par le décret numéro 2019-591 du 3juillet 2019.

En effet, cette disposition stipule que : « le remblayage des rivages de la mer et des voies d’eau intérieures, notamment les fleuves, les chenaux et les étangs salés, les baies et les rivières communiquant avec la mer est interdit ».

Aujourd’hui, le constat qui s’impose est qu’à la suite de ces remblayages, il est survenu un vaste ensablement de la façade lagunaire, du côté du boulevard de Marseille, ainsi qu’une obstruction des conduites de drainage des eaux de pluie. A cela s’ajoute un niveau élevé d’eutrophisation, qui a entrainé une impossibilité d’oxygénation de la faune aquatique et partant, la mort de celle-ci.

La découverte d’importantes quantités de poissons morts en avril dernier, dans la baie lagunaire de Biétry s’explique bien par cela. Les exploitants des différents établissements hôteliers, de restauration et de loisirs installés sur cette bordure de la lagune sont aussi anxieux quant à l’avenir de leurs activités en ces lieux.

En effet, ainsi que l’estiment les environnementalistes et spécialistes de la pollution des eaux, « le pire est à venir en termes de conséquences. Celles-ci pourraient se traduire par des inondations préjudiciables aux nombreuses habitations situées dans la zone à Biétry. Inondations susceptibles de s’étendre également sur le prolongement du boulevard de Marseille qui passe par là, avec de multiples risques d’érosion du bitume.

Il faut aussi craindre que la nappe phréatique sur place ne s’en trouve polluée à la longue. Tout comme des pans entiers de la lagune ne finissent par disparaitre depuis la zone de Biétry sur le prolongement du boulevard de Marseille, jusqu’à Vridi du côté de la zone portuaire », expliquent les uns et les autres.

Mais la conséquence la plus redoutée de tous soutient M Bernard Derrien, président du Collectif des riverains dénommé Abidjan ma lagune, « est surtout le risque d’affaissement de ces remblais sauvages réalisés sans aucune compétence avérée et qui pourrait causer de nombreuses pertes en vie humaine ».

Des complices haut placés

Au regard des conditions dans lesquelles cette forme de pollution a jusqu’ici été menée, les différents groupes de riverains qui sont pour la plupart vent debout contre le fait, sont persuadés que des responsables administratifs ont manifestement laissé faire les choses. Et cela, à divers niveaux.

« Sinon comment comprendre qu’il n’y ait eu aucune déclassification des lieux concernés, d’enquête publique préalablement conduite, d’étude d’impact environnemental et social menée, de demande adressée au ministère en charge des Affaires maritimes. Tout comme il n’y a pas eu de séances de concertation de la commission d’attribution, dont les personnes impactées par ces opérations devraient être informées de l’avis favorable, à travers le rapport qui aurait alors été fait dans ce sens », se demandent-ils avec force conviction.

Outre ces opérations à tout point de vue illégales de remblayage de ces espaces lagunaires, il y a aussi qu’ils subissent toujours sans autorisations, des travaux d’extraction de sable. Menés toujours avec des complicités diverses.

Pour autant, tous les riverains impactés voudraient garder l’espoir de voir cette pollution s’arrêter avec l’implication apparemment très active du Premier ministre dans la résolution du problème. Il a, en effet, pu mesurer la gravité des faits, en effectuant une visite des lieux entouré des membres du gouvernement, que cette situation interpelle premier chef.

Aux termes de cette visite, Robert Beugré Mambé a pris la ferme décision d’agir vite et efficacement, afin d’annihiler cette pollution, qui profite à quelques individus, au détriment des écosystèmes lagunaires mis à mal

MOUSSA TOURÉ

JOURNALISTE CONSULTANT