L’Éditorial d’Adama Koné/Allan Bill : hommage zougloutique

Allan Bill, artiste zouglou. (Ph: Dr)
Allan Bill, artiste zouglou. (Ph: Dr)
Allan Bill, artiste zouglou. (Ph: Dr)

L’Éditorial d’Adama Koné/Allan Bill : hommage zougloutique

Le 10/07/24 à 12:20
modifié 10/07/24 à 12:36
Le sort nous sort souvent de notre sérénité et nous plonge dans une tristesse totale. Nous sommes le jeudi 20 juin 2024, à la veille de la journée célébrant la musique. C’est à ce moment qu’une note, pas de musique mais de douleur, se fait entendre, depuis la France. Le chanteur zouglou Allan Bill est décédé. Plongeant la Côte d’Ivoire musicale dans le deuil. Particulièrement le Zouglou, cette autre identité culturelle du pays.

Zogoda, Ziglibity, Ziguéhi, Zoblazo, Zouglou. Comme le disait le créateur du Zopio dance, feu Nst Cophie’s, en Côte d’Ivoire, l’alphabet musical commence par Z. Si le Zoblazo tient toujours la route avec Frédéric Éhui dit Meiway, le Zouglou maintient la cadence avec plusieurs générations.

Depuis le début des années 1990, ce rythme accompagne la Côte d’Ivoire dans sa marche culturelle. Le monde zougloutique est frappé, à la racine même, par le deuil, aujourd’hui. Lazare Kouamé alias Allan Bill de Souza s’en est allé. Diffusant sa dernière note, avant même la fête de la musique célébrée le 21 juin de chaque année.

Ce jeudi noir, le temps s’est donc arrêté pour Allan Bill. Lui qui, pour des raisons familiales, emménagea en France à partir de 2018. Depuis le 11 janvier 1992, date de la sortie du premier album avec le groupe Esprit de Yop, il aura participé activement au développement de la musique Zouglou. Amougeh et Mange mille sont ses productions les plus connues.

Si depuis quelque temps, il n’a pas fait de livraisons musicales, il était pourtant très actif dans le milieu. Coachant des jeunes, animant des soirées et produisant des concerts en France, Allan Bill est resté le doya. On dira un des vétérans du Zouglou. Le Zouglou ? « Cette danse philosophique qui permet à l’étudiant de se recueillir et d’oublier un peu ses problèmes ».

Des paroles tirées de la chanson Gboglokoffi de Bilé Didier, l’un des précurseurs musicaux du Zouglou qui a bénéficié de l’oreille fine et du grand coup de main promotionnel de l’animateur d’alors, Simbi Wenceslas George Aboké. Des rythmes ivoiriens, le Zouglou est celui qui aura traversé le temps.

Si beaucoup de jeunes de moins de 30 ans n’ont appris l’origine de ce mouvement que dans les récits, il n’en demeure pas moins que la danse fait partie de l’actualité musicale du pays. Tout simplement, parce que le Zouglou a été d’abord pensé. Les gestes et les mouvements expriment un état d’esprit. À l’image de l’Abodan en pays agni. Ensuite, pour la première fois, c’est une danse venue du milieu intellectuel, donc conceptualisée.

À l’origine, ambiance facile lors des compétitions de l’Office ivoirien des sports scolaires et universitaires (Oissu). Puis développé en milieu estudiantin, surtout à la cité universitaire de Yopougon, le mot Zouglou vient de l’expression en langue locale baoulé « Bé tilè zouglou ».

Entendez, ils sont entassés comme des ordures, traduisant les conditions de vie en chambre à l’époque. Enfin, les pas ont été habillés par une musique dominée par la rythmique des percussions. C’est le Zouglou traditionnel.

Le Zouglou, ce sont aussi les textes. Des paroles inspirées du vécu quotidien de la population et alimentées de proverbes, avec toujours un brin d’humour. Tous ces éléments lui ont conféré une identité musicale totale.

Didier Bilé, Lago Paulin, Poignon, Fitini (Teknik), Vieux Gazeur, Maga Dindin, Petit Denis, Les copines, System gazeur, Poussins chocs (Yodé, Siro, Bédel et Fifi) Magic System, Yodé et Siro, Espoir 2000, Surchoc, Les patrons... le Zouglou a le mérite d’une longévité certaine et de lier les générations.

La dernière trouvaille de Paulin Lago, « Bori ma ban », est l’illustration parfaite du Zouglou aux saveurs originelles et originales. Il y a un an, Zouglou makers en faisait autant dans sa production sonore intitulée « Mon dernier woyo », magistralement menée par Willy Gavara.

Depuis les années 1990, si certains sont silencieux et que des groupes se sont recomposés ou ont disparu, il n’en demeure pas moins que les anciens ont su « filer le jus » de la créativité aux plus jeunes. Le passage de flambeau en Zouglou « réussit toujours ». Et la Côte d’Ivoire peut être fière de ce genre musical qui a conquis le monde.

A’Salfo et ses amis y ont fortement contribué. Ainsi, après la première génération composée des Didier Bilé, Poignon, System gazeur, Poussins chocs... et celle d’aujourd’hui, la légende continue.

Avec des sonorités variées et des pas évolutifs, mais conservant toujours la même âme, la même ferveur rythmique et la même clé de sol. Un dinosaure, Allan Bill de Souza, s’est couché à jamais. Toutefois, il peut reposer en paix.

La flamme de la cause culturelle reste allumée.

Zouuuuglou, C I !!!


Le 10/07/24 à 12:20
modifié 10/07/24 à 12:36