Zouglou, Rap ivoire, numérique et reboisement : Yodé et Siro sans langue de bois

Ce duo s'impose comme une référence dans l'univers musical ivoirien et œuvre pour le social à travers les actions de sa Fondation. (Ph: Dr)
Ce duo s'impose comme une référence dans l'univers musical ivoirien et œuvre pour le social à travers les actions de sa Fondation. (Ph: Dr)
Ce duo s'impose comme une référence dans l'univers musical ivoirien et œuvre pour le social à travers les actions de sa Fondation. (Ph: Dr)

Zouglou, Rap ivoire, numérique et reboisement : Yodé et Siro sans langue de bois

Le 23/12/24 à 14:25
modifié 23/12/24 à 15:58
Le duo mythique du Zouglou se prononce sur l'industrie musicale ivoirienne et évoque les actions de sa fondation
Votre carrière a commencé au moment où l’industrie musicale ne comptait pas avec le numérique. Aujourd’hui, comment vous adaptez-vous à cette transformation digitale ?

La technologie est l’avenir de ce monde et nous avec. Quand nous commencions, nous n’avions jamais imaginé un seul instant que nous pourrions faire les choses différemment de ce qui se faisait à l’époque. Que des plateformes existeraient et que les gens pourraient télécharger notre musique à travers le monde et générer ainsi des revenus. Que l’on pourrait payer des tickets de concert sans même se déplacer. Revisiter à souhait tout le répertoire musical d’un artiste, le tout en un clic. Tout ceci casse tous les codes connus. Le numérique est une garantie de visibilité pour qui sait l’exploiter. Le monde évolue et nous, nous évoluons avec lui. Aujourd’hui, la musique est dématérialisée et elle est digitale et ne se produit plus comme par le passé, donc moins d’impact négatif sur l’environnement avec les usines de productions de disques et autres supports. Et c’est une bonne chose.

Vous avez parlé tantôt de la vente des tickets de concert en ligne. Quels sont les avantages de cette nouvelle approche ?

Le gain de temps, le contrôle et la fluidité des entrées, une meilleure organisation des spectacles.... sont autant d’avantages. Et nous félicitons les partenaires qui ont permis que ces choses arrivent dans nos contrées et qui nous ont soutenu durant ces nombreuses années en nous accompagnant sur nos spectacles. Nous avons une anecdote à ce sujet. La première fois que nous avions fait un concert et qui était retransmis en direct sur les plateformes de notre partenaire, nous en étions bluffé et à la fin du concert, il y avait eu plus de personnes connectées pour suivre que le public présent. C’est une visibilité énorme au-delà de nos frontières. Nous avons des amis qui nous ont appelés après pour nous féliciter de ce que le concert fut un succès. C’est formidable de savoir que des solutions, comme celles-ci, existent désormais.

Ne pensez-vous pas que vous perdez de l’authenticité avec ces plateformes ?

Non ! Au contraire, la visibilité est énorme et les opportunités encore plus. Vous finissez un concert et rapidement, vous êtes contactés de partout pour discuter d’un contrat de prestation en Afrique, en Europe et même aux États-Unis. C’est formidable non ? Bien au contraire, nous gagnons bien plus, en vérité et c’est cela l’avenir de notre secteur d’activité.

Aujourd’hui, à côté du Zouglou, plusieurs genres musicaux urbains cartonnent, notamment le Rap ivoire. Quel regard portez-vous sur ce mouvement ?

Le rap ivoirien connaît une véritable explosion ces dernières années et c’est une belle évolution pour la culture musicale ivoirienne. Ce genre musical a su se faire une place de choix sur la scène nationale et même internationale, avec des artistes talentueux qui expriment les réalités de la rue et les défis des jeunes à travers des paroles fortes et percutantes. Le rap a cette capacité unique de toucher un public jeune, engagé et souvent en quête d’identité. Des scènes comme Le « Kings of Rap », notamment le concert qui s’est tenu au Palais de la culture, le 23 novembre, avec le concours de certaines sociétés de téléphonie mobile, témoignent de cette montée en puissance. Ce concert a réuni des sommités du rap ivoirien, entre autres Didi B, Suspect 95, KS Bloom et Himra, qui font rayonner ce genre musical à travers leurs performances et leur influence à la fois collectives et individuelles. Cependant, il est essentiel que le rap ivoirien garde son authenticité et son ancrage social et qu’il ne se laisse pas emporter par des considérations commerciales, afin de préserver son âme et son impact sur les jeunes générations.

Le monde culturel bouge, mais ce milieu ne fonctionne pas encore comme une véritable industrie musicale ?

En effet, l’un des grands défis reste la structuration de l’industrie musicale. Malgré les avancées du numérique, de nombreux artistes ne bénéficient pas encore de formation appropriée en gestion de carrière. Il y a aussi un manque de soutien institutionnel, des problèmes de droits d’auteur et une faible rémunération des artistes à travers les plateformes. Le piratage musical reste également un problème majeur qui prive les artistes de revenus.

Aujourd’hui, vous affichez un engagement ferme en faveur de la protection de l’environnement. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Saviez-vous que notre planète est en danger ? Et que les indicateurs sont au rouge ? Conséquences, les inondations, les fontes glacières, la sécheresse et l’avancée du désert de toutes parts sont autant de phénomènes naturels du fait de l’Homme. Nous sommes des artistes et notre rôle est d’éveiller les consciences de la société. Ce combat est noble et en vaut la peine.

Le sort de la planète qui meurt justifie pleinement notre engagement. C’est pourquoi, nous ne manquons pas d’initiatives dans le sens de la préservation de celle-ci. La caravane nationale du reboisement est l’une de ces initiatives phares de notre fondation (la Fondation YeS) et elle nous réussit bien, grâce au concours de la Fondation Orange Côte d’Ivoire et plusieurs de nos partenaires institutionnels comme la Société de développement des forêts (Sodefor) et les collectivités territoriales. La dernière édition en date de cette caravane remonte au mois de juin 2024 où nous avons reboisé près de 25 hectares dans la forêt classée de Yapo Abbé (Azaguié), dans le cadre d’une action collective qui a tenu toutes ses promesses.

Selon nous, s’engager pour la Côte d’Ivoire n’a pas de prix. Notre pays a perdu aujourd’hui 90 % de son couvert forestier. Alors, le reboisement est une action qui nous tient à cœur. À cet effet, nous avons décidé de nous impliquer dans la Journée internationale de l’environnement en organisant des actions de ‘’planting’’ d’arbres pour inciter d’autres personnes à protéger notre environnement. En tant qu’artistes, nous avons un rôle à jouer dans la sensibilisation. Et nous profitons pour dire merci à tous ces acteurs qui nous accompagnent.

Quels conseils donneriez-vous aux artistes dans ce monde numérique qui bouge ?

C’est de rester authentique et de ne pas se laisser emporter par les tendances à tout prix. Il faut savoir se servir des outils numériques à bon escient, mais surtout garder son identité artistique. Soyez constants dans votre travail, engagez-vous avec votre public et ne laissez pas les difficultés vous arrêter. La persévérance est la clé dans ce domaine : c’est en partant doucement, qu’on part réellement... zougloutiquement, parlant.

Nous souhaitons une très bonne fin d’année à tous les Ivoiriens et à tous nos fans à travers le monde entier.


Le 23/12/24 à 14:25
modifié 23/12/24 à 15:58