Guiglo-Taï : Quand l’état de la route dérange et les usagers s’arrangent en saison de pluie
A chaque mètre, c’est soit un trou remplit d’eau ou de boue. Mille et une question à se poser avant de lancer son véhicule. Car il peut ne plus en sortir. A une vitesse comprise entre 15 et 20 km/h, il faut prier son Dieu pour arriver à destination sans crevaison ou une quelconque panne mécanique.
Un périple pour les trois membres de la famille Famien Marc qui avaient décidé de visiter le parc de Taï. Ils avaient quitté la ville de Guiglo à 8 heures 11 minutes.
Comme eux, d’autres voyageurs, notamment Gnion Aristide, un fils de la région du Cavally qui se rendait dans son village Guidoubaye, dans le département de Taï. Il venait de faire l’amer constat de la route de son village qu’il a quitté il y a plus de 5 ans.
« Je me demande si je suis en Côte d’Ivoire, vu ce tronçon Guiglo-Taï distant seulement de près de 85 km. Vous-même voyez l’état de cette route. On se croirait encore dans les années d'indépendance où tout se faisait par les bras valides de nos ancêtres. Surtout en période de pluie. Pourtant, je viens de parcourir plus de 350 km d’Abidjan à Guiglo sur une route que je peux qualifier de qualité. Qu’est-ce qui se passe ? La Côte d’Ivoire s’arrête-t-elle à Guiglo ? », s’était interrogé Aristide Gnion, en s’adressant à la famille Famien Marc.
Il était assis à l'arrière d'un moto-taxi avec trois autres personnes. Avec un air d’un étranger, il affirme être propriétaire d’un véhicule avec lequel il a effectué le voyage d’Abidjan à Guiglo. « Mon cousin m’a conseillé de laisser la voiture à Guiglo. Parce que je ne pourrai pas arriver à destination avec elle. L’état de la route m’oblige donc à emprunter le moto-taxi. Qui est d’ailleurs le mode de transport le plus adapté ici sur notre route », expliquait-il.
Aristide Gnion, se plaignant, a déclaré que rien n’a changé depuis 5 ans qu’il a quitté son village. Depuis des années, dit-il, c’est ce calvaire que vivent les populations de cette contrée malgré les discours de promesse tenus par certaines autorités de la région.
Pendant la saison sèche, selon ses dires, c’est la poussière qui est leur quotidien avec son corollaire de maladies. En saison de pluie, c’est pire. Là où un véhicule pouvait passer 2 ou au plus 3 heures entre Guiglo et Taï, il faut près de 8 heures avec une très fine chance d’arriver à destination (Taï ou l’un des villages du département).
Coûte que coûte à destination, mais à quel coût ?
Après des échanges avec Aristide Gnion, la famille Famien Marc, malgré leur véhicule de type 4x4, se voyait dans l’obligation de rouler à une vitesse de 20 km/h. Car elle faisait face à des trous béants remplis de boue. Des nids-de-poule en forme d’escaliers sur de longues distances. Des grandes mares d’eaux. Des ruisseaux qui traversent la route à certains endroits. De gros trous creusés par le poids des camions de 10, 20 voire 50 tonnes remplis de boue à certains endroits obligeant des voitures basses à rebrousser chemin.
Sur le trajet, souvent, des véhicules de transport et de transport de marchandises (minicars et camions) ne terminent pas leurs courses. Parfois, c’est la solidarité qui sauve certains. Quand d'autres déboursent entre 25 et 50 000 Fcfa, selon le gabarit ou le poids du véhicule pour se voir tirer d’affaires par les camions grumiers.
Aussi faut-il saluer la solidarité des transporteurs, riverains, passagers, passants, qui se mettent souvent ensemble avec les moyens de bord pour dégager les véhicules embourbés afin de permettre aux autres usagers d’essayer la traversée. C’est le cas à l’entrée du village Zro. La famille Famien Marc qui a quitté Guiglo à 8h 11 min est arrivée à cet endroit distant de Guiglo à près de 35 km à 10h 47 min. C’est-à-dire plus de 2h pour parcourir cette distance.
A cet endroit, une dizaine de véhicules attendaient dans les deux sens. Un véhicule de transport en commun (minicar) s’était embourbé avec un autre de marchandises qui le suivait. La route était donc bloquée. Heureusement que le véhicule de la famille Famien Marc a pu se frayer un chemin dans la broussaille afin de continuer son chemin.
Clopin-clopant, la famille Famien Marc a continué son chemin jusqu’à Zagné, une commune distante de Guiglo de plus de 40 km. Il est 12h 07 min quand elle arrive dans la commune où elle échange avec des opérateurs économiques qui ont déconseillé aux membres de la famille de continuer le chemin. Car ce n’est pas évident qu'ils arrivent à destination. « Avec la forte pluie cette année, la route est "coupée" entre Zagné et Taï. Si vous tenez à vous rendre à Taï, laissez dans ce cas votre véhicule ici et empruntez des motos-taxis », a conseillé Ima Daouda, Pca de la coopérative Coopahz.
Tenant coûte que coûte à atteindre leur but, la famille FM, malgré les conseils de l’opérateur économique, a décidé de poursuivre son chemin. Mais un obstacle survient à moins de 300 mètres. Un camion de 5 tonnes contenant des sacs de cacao est bloqué à la montée d’une petite côte. Il n’y a pas d’autres issues à cet endroit qui pourrait permettre à tout véhicule de se frayer un autre chemin à côté. Tout est bloqué. Même scénario comme à l’entrée du village Zro.
Le camion de 5 tonnes, non seulement est embourbé, mais en voulant forcément se "libérer" a créé une panne. Il faut donc chercher un mécanicien dans les environs. C’est chose faite. Un mécanicien arrive et détecte la panne. C’est l’une des pièces maîtresse du démarrage qui a été touché. Il faut la changer. Cela demande d’aller jusqu’à Guiglo pour acheter ladite pièce.
L’information "glace" tous les usagers qui, en attendant, espéraient un dénouement heureux de la situation. Malheureusement, pas de solution. Il est 15h. Certains usagers décident de traverser à pied et emprunter un moto-taxi de l’autre côté. La famille FM qui espérait toujours que la situation se décante avant la tombée de la nuit, restera sur les lieux jusqu’à 18h avant de rebrousser chemin, et rentrer à Guiglo aux environs de 22h avec un pincement au cœur de ne pas atteindre leur destination. Pourtant, ce n’est pas de leur fait. Cette localité grande productrice de café-cacao, d’hévéa et de produits vivriers est malade de sa route.
Une galère pour les opérateurs économiques
Cette zone, grande productrice de café-cacao et d’hévéa, ainsi que de produits vivriers (manioc, riz, banane, etc.) souffre de cet état de fait. Les coopératives, planteurs et populations éprouvent d’énormes difficultés pour certains à faire écouler leurs produits dans les autres villes et pour les coopératives à transporter leurs produits au port de San Pedro.
« Nous vivons un véritable cauchemar. C'est le mot qu'il faut employer en saison pluvieuse. Pour transporter nos produits au port de San Pedro, nous nous voyons dans l’obligation de passer par Guiglo, Duékoué, Issia, Soubré. Le double du trajet de Zagné-Taï en passant par Tabou pour atteindre San Pedro. Nous perdons beaucoup parce que nous sommes obligés de débourser le double de nos charges en matière de transport. C’est-à-dire le carburant, le temps, l’énergie, les frais de route, sans oublier les pannes avec l’état de la route », a déploré Ima Daouda, opérateur économique.
Des camions se renversent, grosse perte des produits
Des camions se renversent et les produits (sacs de cacao, de café et hévéa) se retrouvent dans la boue. Certains planteurs ou coopératives perdent leurs produits. Ce fut le cas le 13 octobre non loin du village Paris Léonard, un véhicule de type Kia a déversé son contenu dans l’eau boueuse. « Je viens de Zagné. Je vais vendre les 14 tonnes d’hévéa à Mona. Nous nous sommes débrouillés. Arrivés ici, le camion est rentré dans ce trou rempli d’eau, a perdu son équilibre et s’est renversé en cassant un "bras". Il a été tiré par un autre jusqu’à Guiglo pour la réparation. Donc j’attends son retour avant de chercher à recharger », a expliqué Ouédraogo Amidou, président d’une coopérative d’hévéa avec le visage triste.
Des corps transportés sur la tête pour une traversée
« Souvent, nous sommes obligés de transporter nos corps sur la tête. Tellement la route nous cause d’énormes difficultés », a pour sa part déclaré Sédoué Amos, fils du village de Beoué.
Selon lui, des fois, des familles, après la levée du corps d’un parent à Guiglo pendant le transfert au village, sont confrontées aux aléas de cette route qui leur impose de s’arrêter et porter le corps du défunt sur la tête pour traverser le tronçon en mauvais état où le corbillard ne peut pas passer.
« Ces scènes sont récurrentes dans notre zone comme si nous étions encore au temps jadis », s’est plaint Amos Sédoué. Aussi, a ajouté à ce chapelet de difficultés, les fausses couches dont certaines femmes sont victimes sur cette route.
Mme Nahi collette a abondé dans le sens. Productrice de produits vivriers, elle dit se plaindre du fait que pour l’état de la route, ses produits restent souvent dans le champ après récolte. Parce que tout simplement les véhicules (Kia) ne peuvent pas avoir accès au champ.
En somme, d’énormes difficultés sont vécues chaque jour par les habitants de cette zone. Toutefois, ces populations sont reconnaissantes au Chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, pour plusieurs actions de développement. Elles ne désespèrent donc pas parce qu’il y a une bonne nouvelle à l’horizon.
Un espoir à l’horizon
Pour cette route, c’était à l’occasion de l’inauguration du Pont Alassane Ouattara qui relie Cocody au Plateau (Pont à haubans), le 12 août 2023, que le Président Alassane Ouattara a officiellement annoncé que la route Guiglo-Taï sera bitumée ainsi que celle de Kouibly-Man.
Quelques mois plus tard, il est annoncé que le financement (116 milliards de Fcfa) est acquis et logé à la Banque islamique de développement (Bid). L’information a été donnée à un conseil des ministres. « Jusque-là, nous attendons et nous sommes gênés face aux questions que nous posent les populations sur le début des travaux de construction de la route Guiglo-Taï », a expliqué le maire de Taï, Bayalla Hippolyte, rencontré à Guiglo le 13 octobre.
Il a été réjoint sur la question par Déhé Paul, le Sénateur de la région du Cavally. Qui a rappelé que le projet de construction de la route Guiglo-Taï est inscrit dans le Pnd 2021-2025. « Le projet de construction de la route est bien programmé (référence de l’ID projet 89-743,1) », a-t-il indiqué. Et de féliciter de ce que beaucoup de réalisations ont été faites dans le département par le Président de la République et son gouvernement.
« Notre problème actuel, c’est la route. Taï est un grenier. On y trouve des usines de caoutchouc naturel (hévéa), une plantation de 8000 hectares d’hévéa au Cac, des milliers de plantations de café-cacao. Y compris le parc national de Taï, patrimoine mondial de l’Unesco. Il y a beaucoup de choses qui pourraient nous permettre d’avoir de bonnes infrastructures routières », plaide le Sénateur.
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A part le bémol de la route, les populations reconnaissantes au Chef de l’Etat
Outre le problème de la route Guiglo-Taï, les populations de cette zone avec à leur tête, le maire de Taï, Bayalla Hippolyte et le Sénateur Déhé Paul, sont reconnaissantes aux actions de développement du Chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara.
"Aujourd’hui, Taï, depuis le 22 mars 2013 est un département grâce au Président Alassane Ouattara. Et en avril nous avons eu le préfet. C’est du jamais vu. Souvent quand on donne une circonscription préfectorale, on attend au moins un an avant d’avoir le préfet. Mais en moins d’un mois, nous avons eu le préfet", s’est félicité Bayala Hyppolite.
Il a été rejoint également sur la question par le Sénateur Déhé Paul : « Nous avons sollicité une fois encore le Président de la République pour avoir les bureaux de la préfecture. En un temps record, nous avons eu la plus belle préfecture du Cavally. A ce niveau déjà, nous disons un grand merci au Président de la République Alassane Ouattara », a lui aussi exprimé sa gratitude au Président.
Il a souligné que le département de Taï fonctionnait avec un groupe électrogène depuis les années 1977. Depuis 2023, le département a été connecté au réseau national au point de vu électricité.
« Tous les villages sont électrifiés à 100%. Un château d’eau construit à Zagné par le Président Alassane Ouattara attend d’être inauguré. Nous ne cesserons de lui dire merci », se sont exprimés comme un seul homme, Bayala Hyppolite et Déhé Paul.